16/10/2023

Temps de lecture : 4 min

4 conseils de Clément Chevalier et Arnaud Boulbes (EcoAct) pour transformer les modèles d’affaires dans un contexte d’urgence écologique

(contenu abonné) À l'heure où le gouvernement dévoile sa stratégie de planification écologique, il est temps pour les entreprises de s’engager aussi pleinement dans cet exercice de planification de leur propre transformation, au-delà des plans...
industrie durable

(contenu abonné) À l’heure où le gouvernement dévoile sa stratégie de planification écologique, il est temps pour les entreprises de s’engager aussi pleinement dans cet exercice de planification de leur propre transformation, au-delà des plans de réduction des émissions carbone déjà en cours. Alors que 6 des 9 limites planétaires viennent d’être franchies, autrement dit, que nous jouons avec l’équilibre de systèmes séculaires régulant la vie sur Terre tels que le climat, la biodiversité, le cycle de l’eau, le cycle de l’azote… Il est urgent que les organisations prennent leur part dans les changements à opérer. La planification de la transformation reste à faire. Car, en 2022, sur 18 000 organisations analysées par le CDP, seul 0,4 % avaient un plan de transition jugé crédible !

Pourtant, celles-ci doivent dès aujourd’hui imaginer comment elles vont réduire leurs impacts environnementaux à leurs seuils incompressibles, mais aussi comment elles vont aider la nature à se régénérer. C’est une question de maintien des conditions d’exercice de leurs activités économiques. En effet, très peu d’entreprises ont aujourd’hui la capacité de décrire précisément comment elles pourront continuer d’opérer leurs activités dans une décennie, et encore moins d’ici au milieu du siècle. Dans un monde qui sera radicalement différent, quel sera leur modèle d’affaires demain ? Une chose est sûre : les modèles économiques actuels ne peuvent rester tels qu’ils sont, et ne seront en rien demain ce qu’ils furent hier. Pour chaque dirigeant(e), l’enjeu est aujourd’hui d’imaginer comment assurer la pérennité et la résilience de son organisation.

Ce constat posé, comment procéder ? Car transformer son modèle d’affaires pour répondre aux enjeux environnementaux et réduire — voire renverser — l’impact d’une entreprise sur son environnement n’est pas une mince affaire.

Penser sa transformation vers un modèle pérenne, désirable, et s’ancrer dans une réelle transition environnementale implique d’aller au-delà des plans de décarbonation traditionnels. Il s’agit d’adopter une approche systémique englobant tous les enjeux environnementaux (carbone, biodiversité, eau…) et de déployer du pouvoir d’agir à toutes les échelles de l’entreprise : service achats, RH, finance… Tous doivent comprendre les enjeux et maîtriser leur propre capacité d’action pour espérer un réel changement.

Elle implique aussi un courage décisionnel, car il devient urgent de mettre en cohérence les modèles d’affaires avec les limites physiques de notre planète. Une tâche ardue naturellement quand on sait que cette transformation peut, et souvent doit, être synonyme de renoncements pour les produits/services incompatibles avec un modèle d’entreprise tenant compte des limites physiques de nos systèmes. Mais, cette transformation doit avant tout être vue comme un moyen de résilience, une opportunité de redonner du sens.

Aujourd’hui, la transformation est guidée par de nombreuses boussoles : l’arrivée de la CSRD, l’émergence du concept d’entreprise régénérative… et si le chemin à suivre précisément pour se lancer reste flou, de grands piliers méthodologiques peuvent être suivis pour poser un cadre : 1. analyser et évaluer, 2. construire et engager, 3. transformer et décarboner et 4. régénérer.

Il s’agit donc tout d’abord d’analyser et d’évaluer la situation — étape que la plupart des organisations ont commencé à intégrer, en réalisant par exemple leur empreinte carbone sur l’ensemble de leurs activités. Désormais, il faut étendre le champ d’analyse aux autres facteurs environnementaux comme la biodiversité et l’eau pour prendre des décisions fondées sur une vision systémique de leurs impacts.

Le second pilier aussi prend de l’envergure ; les organisations commençant peu à peu à s’engager et à construire leur stratégie. Ainsi, plus d’un tiers de la capitalisation boursière mondiale a rejoint l’initiative Science Based-Targets ; prérequis à la mise en place d’un cadre mesurable sur l’aspect carbone et s’appuyant sur la science. C’est ensuite que cela se complique lorsque se pose concrètement la question :

« Quel est le plan ? ».

Le  3e      pilier  est  de  transformer  en  allant  au-delà  de  la  décarbonation.  Il  faut  désormais  concrètement prendre des décisions de changement de modèle qui répondent à l’ampleur des enjeux, comme lorsque Christophe  Martin,  le  DG  de  Renault  Trucks  déclare  :  « Il  faut  vendre  moins  de  camions ».  Une  fois  le constat stratégique énoncé, la clef sera aussi de déployer du pouvoir d’agir à toutes les échelles pour enclencher opérationnellement les changements, car si une stratégie cohérente redonne le sens, elle n’est rien sans changement culturel qui replace l’humain au centre. De plus en plus de communautés de collaborateurs engagées se créent au sein des organisations pour porter l’acculturation globale et bousculer les gouvernances existantes en rappelant le rôle essentiel du facteur humain dans la transition. Déjà plus de 1,2 million de personnes ont participé à la Fresque du Climat, dont un tiers environ au sein des entreprises.

Enfin, et c’est là que la majorité des entreprises n’est pas au rendez-vous, le dernier pilier : la visée régénérative. Ce pilier consiste à ramener dès maintenant au sein des organisations le lien avec le vivant pour prendre sa part dans la restauration des équilibres de nos écosystèmes, dont l’entreprise dépend. Sur cette question du régénératif néanmoins, il n’existe aujourd’hui aucun cadre méthodologique certifiant la démarche. Gare au greenwashing ! C’est un cap : viser le régénératif plutôt qu’être régénératif.

On le voit donc, la route vers un monde économique résilient, désirable et prenant sa part dans la course à la préservation des conditions d’exercice de ses propres activités est sinueuse et nous n’en sommes qu’aux prémisses. Pour autant, cette transformation est inévitable si les organisations veulent s’inscrire dans la durabilité et la prospérité dans le monde à venir. Mais au-delà de la vision économique, n’est-ce pas là la plus belle opportunité de redonner du sens à nos organisations, alors que selon le récent sondage OpinionWay pour l’Anact, 4 actifs sur 10 envisagent de quitter leur emploi actuel au cours des 2 prochaines années pour un emploi qui aurait plus de sens ?

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