(contenu abonné) Sortir de son pré carré, inscrire son récit dans le mouvement du monde et de la société.
Quand vous organisez un diner entre amis, que vous provoquez des rencontres entre des gens que vous aimez, le pire est de voir l’un ou l’une de vos convives monopoliser la conversation pour parler longuement de sa vie, de son travail, de ses succès … Aussi sympathique soit la personne, le soliloque barbe rapidement tout le monde, la gêne s’installe et on tente, tour à tour, de lancer une conversation de diversion. En communication, c’est pareil. Une marque ou une organisation qui déroule ses engagements, vante ses initiatives et promeut ses belles d’actions nous ennuie rapidement. Le récit d’une démarche RSE doit s’inscrire dans l’époque, le constat des enjeux que nous avons, collectivement, à adresser. Elle doit participer à une conversation plus large, écouter et répondre, converser, nourrir les débats qui animent notre société. L’intérêt que nous avons à entendre ou lire sa position dépend de sa capacité à embrasser des sujets qui nous concernent toutes et tous. Nous ne sommes plus dans la fiction des super héros qui sauront régler les problèmes du monde. Nous savons qu’une entreprise, une marque est fragile, nourrie de contradictions, humaine en sorte …
Pour nourrir ce discours, cette position, ce Grand Récit comme nous le nommons chez Sidièse, il faut sans doute sortir de l’ADNocentrisme (ce terme existe-t-il ?), faire un pas de côté, parler de sa démarche dans un mouvement global et accepter de s’exprimer en sortant (un peu au moins !) de la table de la loi des « position statements » des « brand books » et autres cadenas qui figent le langage et aseptisent la parole. (Chez nous, on appelle ça la « langue de boite » !)
Méfions-nous du piège du héros !
Non, une entreprise, une marque, aussi généreuse et engagée soit elle ne règlera pas le problème de la famine en Afrique, la disparition de la banquise et des ours polaires ni n’éradiquera l’injustice sociale. Nous le savons tous, les crises environnementales et sociales sont systémiques et prétendre combattre le dérèglement climatique ou accélérer l’inclusion sociale nécessite TOUJOURS de relativiser le propos. On peut (et on doit) contribuer aux combats de notre époque. Mais il faut savoir raison garder. Tout est une question de dosage. Ce n’est pas grave d’accepter que notre organisation ne soit pas omnipotente. Au contraire même. Cela la rend plus humaine (je me répète), plus vraie, plus sincère, en sorte. Les citoyens, consommateurs, collaborateurs comprennent bien le monde dans lequel ils vivent. Les entreprises ne sont pas des ONGs, leur mission sociale n’est pas de réparer le monde mais d’y contribuer… Il faut donc accepter de parler de l’ampleur des enjeux, de la réalité des actions mises en œuvre et de faire état, avec humilité de ce que l’on fait, jamais assez mais avec conscience et volonté d’agir.
Focaliser sur ses impacts, éviter la sur-promotion des sujets annexes ou accessoires
S’il est important de partager vos initiatives philanthropiques ou de mobilisation des publics cela ne doit pas masquer les enjeux centraux que votre marque ou entreprise doivent prioritairement adresser (vos émissions de gaz à effet de serre, votre consommation d’eau, l’inclusion sociale dans vos équipes…). En d’autres termes, les enjeux de transition sur lesquels vous avez une capacité d’agir (du fait de votre modèle économique) et donc une responsabilité directe.
Une marque de café ne va pas nous distraire très longtemps en nous racontant ses ruches sur le toit ou sa course solidaire pour l’association choisie par les collaborateurs. Elle doit nous parler des impacts de la culture du café, des conditions de travail des caféiculteurs, de ses engagements sur leur juste rémunération, bref, des impacts centraux et ne pas tenter de nous distraire de l’essentiel.
C’est difficile car certains communicants adorent cela : mettre de l’emphase sur une belle histoire. « Ce serait formidable si on finançait une association qui sauve les orangs-outans, on aurait un vraiment un truc singulier pour nous différencier ». Oui mais quand on vend des vêtements, par exemple, les enjeux directs sont au cœur de la supply-chain : le coton, les conditions de vie des cultivateurs exposés aux pesticides, l’impact du transport, des traitements chimiques, du gaspillage. Ce n’est pas sexy mais c’est là que se joue l’essentiel d’une démarche de responsabilité. Alors, racontons les constats, les freins à lever, la vision à court, moyen et long terme et expliquons nos plans de transition.
Former vos collaborateurs
Ne pas embarquer l’ensemble des collaborateurs dans sa communication RSE c’est se priver de vos meilleurs ambassadeurs. Mais encore faut-il le faire vraiment. J’entends par là, leur dire la réalité de ce qui est engagé. La dissonance cognitive est terrible pour les équipes qui voient des communications « For Good » sorties du chapeau alors qu’elles sont en but à des difficultés à leur niveau qui ne sont pas prises en compte ou entendues. Les collaborateurs doivent partager les enjeux que l’on adresse et comprendre les choix faits pour être véritablement parties prenantes du projet. J’enfonce des portes ouvertes mais c’est bien de se le redire. Il n’y a rien de plus désastreux pour un consommateur curieux de l’implication de sa marque préférée d’entendre un conseiller de vente lui dire : « oh je n’en sais rien, vous savez nous on ne nous dit rien, c’est le marketing qui fait ça » …
Former et acculturer les communicants est un autre enjeu essentiel La transition vers une société plus durable et inclusive est un nouveau paradigme qui est à bien des égards très éloignée du monde de la communication (logique de reporting, déconsommation, transparence, diversité des profils et des opinons…). Il faut réaligner les communicants avec les directions RSE et transformer le métier (objectifs, valeurs, culture, méthodologies…). Les communicants sont de plus en plus associés aux démarches RSE, leur bonne connaissance des enjeux de responsabilité des messages et de l’éco-conception n’est plus une option. Il y a de vrais enjeux d’alignement entre le fond et la forme.