Olivia Alvarez-Guilbaud, dirigeante de l’agence de communication Machin Bidule et alumni de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), est venue partager son expérience auprès d’une centaine de dirigeants de l’écosystème média-culture-communication lors de la 3e session du parcours CEC Nouveaux Imaginaires* en septembre dernier. Elle livre 4 conseils pour repenser la coopération entre marques et agences et permettre l’émergence de nouveaux récits.
1. Savoir renoncer
Machin Bidule, créée il y a 15 ans au Mans, travaillait au départ pour les sports mécaniques. Suite à un problème de santé lié à la qualité de l’air, nous (fondateurs de l’agence) avons décidé de renoncer à une bonne partie de ces clients. Aujourd’hui, Machin Bidule est une entreprise à mission, bien décidée à dédier du temps et de l’énergie à des causes qui lui sont chères.
Concrètement ? Nous nous sommes donnés pour objectif de travailler pour 80% de clients ou de briefs vertueux (associations, entreprises et projets engagés), le reste constituant des projets à impact “neutre”. Cette décision est exigeante au quotidien mais elle permet aussi de retrouver la liberté à laquelle nous tenons, en tant qu’entrepreneurs.
Nous sommes convaincus que si d’autres agences exerçaient cette liberté de choix, les briefs changeraient, l’écosystème changerait. Car remettre en cause le brief d’un client l’amène à se questionner sur son impact : “Ce que je promeus est-il bon pour la planète, pour les personnes, pour mes enfants ?” Nous avons cette chance de pouvoir challenger le client au moment du brief, de lui poser les bonnes questions, les questions de fond.
Ceci est passionnant car quand nous, créatifs, abordons ces sujets d’impact, les clients s’ouvrent à une autre vision de l’écologie, attractive et pleine de potentiel. Confronter le brief d’un client aux problématiques posées par les limites planétaires va permettre de challenger sa vision, de mettre en évidence des contraintes qui sont autant de tremplins créatifs. Ce client neutre, venu à nous pour avoir du beau et du sexy, repart avec du sens et des convictions !
Pour cela, les équipes doivent être suffisamment formées, sincèrement engagées et conscientes des enjeux systémiques pour exercer leur discernement. Comme le dit Fabrice Bonnifet : “Rien n’est plus inutile que de vouloir rendre désirable quelque chose qui ne devrait plus exister”.
2. Miser sur notre créativité
La créativité est utile au monde. Dans un métier qui est souvent en proie au doute quant au sens de son activité, nous pouvons décider de donner du sens à ce que nous faisons. Le monde de la transformation des organisations a besoin de créativité pour se projeter dans un avenir désirable. Et les marques peuvent exprimer des choses puissantes.
En tant qu’agence engagée, nous adressons bien sûr le sujet de l’éco-conception, mais pour nous, ce n’est pas le nerf de la guerre. C’est avec le cœur de notre métier – la créativité – que nous pouvons changer les choses. Nous allons avoir une multitude de défis. Comment, par exemple, inciter au changement d’usage sans être moralisateur ? Beaucoup de messages sur l’écologie sont véhiculés par de grandes marques, mais nous savons que faire la promotion d’une action dont l’impact positif est marginal est problématique. Comment communiquer sur l’engagement d’une marque avec justesse ?
3. Ne plus chercher à convaincre, chercher à inspirer
Rendre la bascule vers la régénératif irrésistible, c’est cette cause que nous avons embrassée en démarrant notre parcours CEC, en pensant dans un premier temps que notre bascule était déjà faite. Et pourtant, nous avons vécu des prises de conscience très fortes.
L’une d’entre elles est venue lors d’une conversation avec d’autres participants qui partageaient leur ras-le-bol d’être constamment exposés à des critiques lorsqu’ils exprimaient leurs convictions. Ensemble, nous avons décidé d’arrêter d’essayer de convaincre pour désormais chercher à inspirer. C’est ainsi qu’est né “Dirigeant.e.s intrépides”, association et podcast qui voyage d’entreprise en entreprise, à la rencontre de ces dirigeants qui osent inventer des nouveaux modèles.
Notre ambition est de changer l’imaginaire de la réussite. Nous voulons raconter d’autres formes de réussites que celles d’Elon Musk ou de Jeff Bezos : des récits d’entreprises qui parviennent à relocaliser, ou à convaincre des millions de consommateurs de changer un comportement, qui créent des activités à la fois vertueuses, économiquement viables et en croissance… Les exemples foisonnent : racontons-les ! En ayant accès à une diversité d’activités et d’enjeux stratégiques, nous sommes idéalement placés, en tant qu’agence, pour déployer ces nouveaux récits.
4. Puiser dans l’énergie du collectif avec la CEC
La CEC est un refuge. Venir sur des sessions telle que celle des Nouveaux Imaginaires donne de l’énergie positive. Nous nous sentons moins seuls, nous sommes même de plus en plus nombreux à porter ces messages. Aujourd’hui de nombreux exemples montrent que la bascule vers l’économie régénérative est possible.
Ce parcours a rendu nos rêves plus grands, plus ambitieux. Au départ, nous avons cherché ce que nous avions à apporter au monde de la transition des entreprises. Nous ne sommes pas des industriels avec un énorme bilan carbone, nous ne sommes pas des scientifiques capables de mener des analyses sensibles de la terre… Et pourtant. Les entreprises en transition ont besoin d’idées pour se réinventer, elles ont besoin de joie pour pouvoir embarquer tout le monde dans l’aventure. Elles ont besoin de choses que l’on sait très bien faire !
Olivia Alvarez-Guilbaud
Photo : Olivia Alvarez-Guilbaud lors de son intervention sur le parcours CEC Nouveaux Imaginaires le 18 septembre dernier (Crédit photo Thierry Mesnard)
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* Après le monde de la finance et celui du consulting, la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) a lancé un parcours Nouveaux Imaginaires destiné aux acteurs des médias, de la communication, de la culture, de l’édition, de l’éducation, aux sociétés de production et aux annonceurs… Son ambition : amplifier les récits évocateurs d’un monde durable et désirable, et déclencher la bascule culturelle.
La CEC est un parcours de transformation d’une dizaine de mois organisée en 6 sessions, une aventure qui passe par la prise de conscience et la puissance du collectif, dans laquelle les dirigeants et leurs planet champions/narrative champions sont invités à réagir autant avec leur tête qu’avec leur cœur, à coopérer et à transformer les business modèles extractifs en modèles à visées régénératives.