(contenu abonné) Directeur Global Product Marketing chez Adform, Fabien Omont prodigue 5 conseils permettant aux annonceurs de décarboner leurs campagnes de publicité programmatique.
Si les secteurs des transports ou du bâtiment multiplient les initiatives en matière de développement durable, la prise de conscience est beaucoup plus récente pour le secteur du numérique. Il y a pourtant urgence : selon The Shift Project, la part des émissions de gaz à effet de serre issus du secteur numérique pourrait passer dans le monde de 3% en 2018, à plus de 8% dès 2025.
En France, l’ADEME et l’ARCEP évaluent cette part à 2,5%. Mais entre la multiplication des terminaux et la croissance du cloud et des réseaux, le numérique pourrait représenter 45% des émissions de carbone à l’horizon 2030 (25 Mega tonnes), et même 187% à l’horizon 2050. (49,4 Mt) soit près de 10% des émissions de GES nationales à cet horizon !
Pour stabiliser voire réduire ces émissions, les entreprises ont toutefois la possibilité d’agir dès aujourd’hui en faisant preuve de responsabilité sur le marché de la publicité digitale. En effet, selon une étude réalisée par Scope3, la publicité programmatique émet plus de 200 000 tonnes de carbone chaque mois dans le monde, – dont 22 000 tonnes en France – et 70% seraient précisément liés à la diffusion des campagnes publicitaires.
Conseil N°1 : Mesurer ses émissions de gaz à effet de serre
Selon le rapport “State of Readiness – Sustainability in Digital Advertising” de l’IAB Europe, les annonceurs font du développement durable une priorité, mais plus de la moitié des entreprises de publicité numérique (51 %) ne mesurent pas les émissions produites par la diffusion de leurs publicités
En France, toutes les grandes entreprises ont pourtant désormais l’obligation de publier un rapport RSE, incluant leur production de gaz à effet de serre. S’il n’existe pas de méthodologie commune, il est important d’identifier le sujet à évaluer (production des contenus, des créations, diffusion publicitaire) et commencer à mesurer sans attendre. Même si les méthodologies évoluent, qui ne mesure pas, même partiellement, reste dans l’ignorance.
Ainsi, le premier conseil pour la mesure de l’impact de la diffusion publicitaire est de se rapprocher de méthodologies avancées afin de monitorer l’impact de ses campagnes, ou d’utiliser une plateforme publicitaire d’achat publicitaire (DSP) intégrant directement cette mesure, avec le double avantage de pouvoir mesurer et agir depuis la plateforme d’achat.
Conseil N°2 : Simplifier la chaîne programmatique
En intégrant des bases de données comme Scope3 à leur DSP, les annonceurs peuvent ainsi évaluer l’empreinte carbone de chaque média, afin de choisir les supports les plus vertueux pour y diffuser une campagne publicitaire.
Certains médias ont en effet recours à des tactiques particulièrement énergivores pour optimiser leur monétisation publicitaire, une pratique qui n’est pas sans conséquences importantes sur l’impact carbone des campagnes publicitaires. A tel point que Scope3 évalue à 60,1% le poids du processus de sélection publicitaire dans les émissions carbones de la publicité programmatique..
En activant l’exclusion dynamique de 30 % des domaines les plus émetteurs du marché, l’annonceur Audi a récemment diminué par 2 son niveau d’émissions de carbone à 131 gCO2PM (grammes d’émissions de carbone par millier d’impressions) par rapport à la moyenne du marché (276 gCO2PM) tout en observant une hausse de 65% de ses taux de clic !
A l’heure où les agences et annonceurs tentent de trouver une manière d’y voir clair dans les méandres de l’accès aux inventaires programmatiques, la clé de la simplification programmatique pourrait provenir de la priorisation des budgets vers les éditeurs vertueux dans leur monétisation programmatique, soit une action pour deux effets clés : réduire l’impact carbone et initier un cercle vertueux entre annonceurs et éditeurs.
Conseil N°3 : Privilégier la qualité à la quantité
L’empreinte carbone totale d’une campagne publicitaire est le résultat de deux facteurs: le gCO2PM moyen de la campagne multiplié par le volume d’impressions nécessaire pour obtenir le KPI défini (Couverture utile, Visibilité publicitaire, génération de visites ou de conversions).
Sans mesure de l’impact carbone, la tentation est grande de ne piloter qu’au coût financier d’un KPI donné en cherchant des inventaires toujours moins cher au CPM et donc nécessitant un volume d’impressions considérable avec un niveau de gaspillage important. Piloter une campagne en conciliant coût financier et coût environnemental change la donne.
A titre d’exemple, en maintenant un coût par impression visible équivalent, améliorer de 25% le pourcentage d’impressions visibles permet de réduire de 20% le volume d’impressions nécessaires, et donc de réduire de 20% l’empreinte carbone de la campagne.
Conseil N°4 : Mieux cibler ses modes de diffusion
Parallèlement au choix des inventaires, les annonceurs peuvent également utiliser leur DSP pour choisir les modes de diffusion de leurs campagnes publicitaires les plus vertueux.
Selon l’ADEME, l’impact environnemental de la transmission de données sur un réseau fixe est de l’ordre de 18 gCO2e / Go contre plus de 50 gCO2e / Go sur un réseau cellulaire. C’est 3 fois plus !
Pour un annonceur, il est donc possible de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre en excluant les diffusions sur réseaux 4G ou 5G, et en privilégiant la diffusion de ses campagnes sur les seuls réseaux Wifi domestiques ou professionnels.
Conseil N°5 : Réduire le poids de ses actifs créatifs
L’impact de la création publicitaire dans le coût environnemental de la diffusion publicitaire est marginal dans l’évaluation actuelle réalisée par Scope3 (10,1%), mais deviendra significatif une fois l’impact de la sélection publicitaire résolu.
Il est donc important pour les annonceurs d’agir concernant le poids de leurs actifs publicitaires. Si les premières bannières publicitaires ne pesaient que quelques dizaines de kilo octets, les bannières d’aujourd’hui peuvent peser plusieurs centaines de kiloctets, voire plusieurs méga octets quand elles optent pour le format vidéo.
Est-il préférable de livrer 1 impression vidéo à 10€ ou 10 impressions display à 1€? Il existera autant de réponses ou d’interrogations que de cas de figure en fonction de l’annonceur, du contexte, de l’objectif, de l’efficacité des impressions sélectionnées, l’impact carbone comparé entre ces deux canaux.
Pour autant, les annonceurs peuvent déjà adapter les formats: privilégier des formats basse définition, maximiser la compression mais également cibler les internautes réellement appétents à ces formats ou encore avoir recours à la DCO pour adapter le choix créa et le format au contexte (wifi vs 5G, Desktop vs Mobile).
2023 : année de la publicité numérique durable
Après un un quart de siècle de croissance explosive pour la publicité digitale, l’année 2023 doit ainsi permettre aux annonceurs de remettre à plat leur stratégie mais également leurs outils. Qu’il s’agisse de mesure des émissions de gaz à effet de serre, de gestion des données personnelles ou de performance média, les défis sont immenses.
Mais la seule certitude c’est qu’il est possible d’agir significativement et que les annonceurs peuvent dès maintenant réduire leur empreinte carbone en gérant leurs problématiques business avec les enjeux environnementaux.