10/09/2020

Temps de lecture : 3 min

Du sable vert pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Dans un futur plus ou moins proche, verrons-nous nos plages se couvrir de sable vert ? C’est le pari fou de l’ONG Project Vesta, qui veut tester une nouvelle méthode de capture du CO2 aux Caraïbes…

Lancé en 2019 aux Etats-Unis par le think-tank Climitigation, le Project Vesta s’inspire des travaux des chercheurs Roelof. D. SCHULLING et Poppe DE BOER. Ces deux géologues de l’Université d’Utrecht, désormais retraités, ont étudié pendant de longues années les propriétés de l’olivine, un minéral volcanique de couleur verte. Celle-ci aurait un effet très bénéfique sur la capture de CO2…

Minéral abondant sur terre, l’olivine participe en effet naturellement à la dissolution du CO2 contenu dans l’atmosphère, sous l’action de la pluie : grâce à une réaction chimique, le carbone présent dans l’air est fixé sous forme solide et transformé en coraux ou en rochers calcaires. C’est une bonne nouvelle pour la planète, mais il s’agit malheureusement d’un processus relativement long. “ La météorisation est un processus naturel qui se déroule sur de très longues périodes de temps, typiquement de l’ordre d’une centaine de milliers d’années”, explique ainsi au Monde le chercheur Elmar KRIEGLER, l’un des auteurs principaux du dernier rapport du GIEC.

L’idée des membres du projet Vesta est d’accélérer fortement ce phénomène, en dispersant de l’olivine, réduite à la taille de grains de sable, le long des zones côtières. Là, le mouvement des vagues devrait permettre de démultiplier le processus naturel de captation et de dissolution du CO2, afin d’emprisonner celui-ci de façon permanente dans les fonds marins, sous forme de sédiments. “Notre vision est de contrer le changement climatique, en transformant un millier de milliards de tonnes de CO2 en cailloux” décrivent ainsi les promoteurs du projet sur leur site.

Selon eux, cette méthode, dite d’ »enhanced weathering » (“altération forcée” en français) permettrait de capturer vingt fois plus de dioxyde de carbone que ce que l’extraction, le concassage et le transport de l’olivine jusqu’aux côtes impliquent… Déployée sur 2% des zones côtières mondiales, la technique permettrait de capturer 100% des émissions annuelles de CO2. Mais avant d’en arriver là, Project Vesta doit déjà apporter la preuve de l’efficacité du procédé : s’il a été étudié en laboratoire, il n’a jamais été analysé à grande échelle, au bord de l’océan.

Afin de financer une première expérimentation dans les Caraïbes, l’ONG a lancé un appel aux dons (1,5 million de dollars), qui permettront de constituer une première plage artificielle d’olivine. Le projet bénéficie déjà du soutien de la startup Stripe, qui a pré-acheté l’équivalent de la séquestration de 3 kilotonnes de carbone, au prix de 75$ par tonne. Dans le cadre de son objectif d’investir chaque année un million de dollars dans la réduction des gaz à effets de serre, cette licorne américaine du paiement sur internet a sélectionné quatre projets parmi vingt-quatre dossiers : Project Vesta fait partie des heureux élus, même si “des questions demeurent sur sa sécurité et sa viabilité” précise Ryan ORBUCH, en charge du sujet chez Stripe.

L’olivine est totalement sans danger pour l’homme et les animaux. Il y a déjà des plages naturelles de sable vert à travers le monde, dont la plus connue est celle de Papakōlea à Hawaï” tient à rassurer l’ONG. L’étude permettra d’observer les effets “avant-après” et de comparer la situation à celle des plages avoisinantes restées à l’état naturel.

Cette idée n’est pas nouvelle, comme le rappelle la MIT Technology Review : les premières recherches sur le sujet remontent à une trentaine d’années. Des tests avec d’autres minerais réactifs ont même déjà été menés à travers le monde, tels que l’épandage de poudre de basalte dans des champs de soja, de canne à sucre ou de maïs, ou la création de blocs de basalte séquestrant le CO2. Il existe même des revêtements de toitures contenant de l’olivine.

Mais alors que la mise en application de “l’altération forcée” s’avère particulièrement complexe et incertaine, la compensation carbone via la plantation d’arbres ou l’installation de dispositifs industriels de stockage du CO2 ont été privilégiées. Avec son concept, Project Vesta promet des coûts maîtrisés (10$ la tonne), une fois le procédé validé et déployé à grande échelle. Une promesse qui est encore loin d’être tenue…

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