21/09/2020

Temps de lecture : 4 min

Transition écologique : quels nouveaux enjeux pour la publicité ?

Au regard des rapports et congrès qui se bousculent, il semblerait qu’une industrie soit quelque peu pointée du doigt : la pub. À l’heure de la transition écologique, que fait-elle ? Ou plutôt, que doit-on en faire ? Si certains placent la publicité en grande responsable d’un monde capitalo-centré, d’autres font émerger des solutions concrètes pour faire durablement évoluer les mentalités, usant de la publicité comme un canal de sensibilisation à ne pas négliger. Dernier événement en date, les Assises de l’économie circulaire, organisées par l'Ademe les 7 et 8 septembre avec une table ronde dédiée au rôle de la publicité dans la transition écologique. Verdict : l’urgence est plus à la refonte de l’imagerie associée aux pratiques de consommation qu’à la censure.

Au regard des rapports et congrès qui se bousculent, il semblerait qu’une industrie soit quelque peu pointée du doigt : la pub. À l’heure de la transition écologique, que fait-elle ? Ou plutôt, que doit-on en faire ? Si certains placent la publicité en grande responsable d’un monde capitalo-centré, d’autres font émerger des solutions concrètes pour faire durablement évoluer les mentalités, usant de la publicité comme un canal de sensibilisation à ne pas négliger. Dernier événement en date, les Assises de l’économie circulaire, organisées par l’Ademe les 7 et 8 septembre avec une table ronde dédiée au rôle de la publicité dans la transition écologique. Verdict : l’urgence est plus à la refonte de l’imagerie associée aux pratiques de consommation qu’à la censure.

Dans un rapport intitulé « Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique » publié cet été, l’association Les Amis de la Terre, Résistance à l’agression publicitaire et Communication sans frontières s’insurgaient contre l’industrie publicitaire. Au menu, le portrait glaçant d’une industrie mise en accusation pour incitation à la surconsommation. Au même moment et comme pour insister sur l’urgence, Greenpeace dévoilait un rapport insistant sur la nécessité d’une « loi Évin Climat » pour passer de la parole aux actes et encadrer la pub : interdiction de faire la promotion de produits néfastes pour le climat. Dans le viseur : l’aérien, l’automobile, le maritime et les énergies fossiles. Si la prise de conscience et les actions politiques, associatives et citoyennes ne datent pas d’hier, cette double piqûre d’alerte mérite l’attention de tous. Comme le sociologue et militant suisse Razmig Keucheyan l’explique dans son essai « Les besoins artificiels : Comment sortir du consumérisme », la publicité y est pour beaucoup dans la structuration et la prolifération du capitalisme actuel. Technique, moteur, outil, arme : le champ lexical auquel se rapporte la complexe industrie qu’est celle de la publicité donne le ton. 

Même drapeau rouge levé par la Commission Européenne au moment de l’annonce de l’objectif du nouveau plan d’action pour une économie circulaire en mars dernier : « accélérer la transition vers un modèle de croissance régénérative qui rend à la planète davantage qu’il ne prend ». Autrement dit, revoir radicalement notre rapport à la consommation, et penser à ceux qui la dictent, à savoir : la publicité. Président des Amis de la Terre, Khaled Gaiji, nous rappelle qu’« à eux seuls en 2018, Peugeot, Renault et Citroën totalisent plus d’1 milliard d’euros de dépenses publicitaires, avec des campagnes majoritairement orientées vers des SUV, modèle de voiture reconnu pour son impact environnemental lourd » (le problème n’est-il pas plus le produit que la pub ?). 

Mais si les chiffres parlent, et les critiques font sens, les conseils doivent suivre. Ainsi, l’heure ne doit pas qu’être à la condamnation, mais aussi aux recommandations concrètes, permettant aux entreprises d’ouvrir de nouveaux horizons à leurs stratégies de communication. Moins d’économique et plus d’humain. Moins de privé, plus de public. Moins de quantitatif, plus de qualitatif. Du concret proposé dans ces deux rapports qui doivent ouvrir une discussion. Entreprises, marques, agences, créatifs : si ces critiques font peur, elles font aussi et surtout sens. Il est impératif de les envisager comme une opportunité d’évoluer. S’armer de ces bilans, et avancer avec le temps

Dans cette même dynamique d’accompagnement et de recherche de solutions concrètes, les Assises de l’Économie Circulaire organisées par l’Ademe les 7 et 8 septembre proposaient une table ronde autour du sujet pub : « Transition écologique : quels nouveaux enjeux pour la publicité ?». La publicité peut-elle être autre chose qu’une incitation à la surconsommation ? Quels poids et outils pour la pub dans la construction d’un nouvel imaginaire de consommation ? L’interdiction de la publicité des produits néfastes pour l’environnement est-elle viable ? Quelles répercussions de la régulation de la publicité sur l’économie ?

Repenser l’imaginaire de consommation 

De ces rapports, chiffres, débats, conversations et revendications, on retient plusieurs leçons. 

Si la mise en place de l’économie circulaire s’est d’abord concentrée sur les pratiques d’innovation, d’économie, de finance, l’enjeu est aujourd’hui de questionner l’imaginaire par la consommation. Comme le rappelle Thierry Libaert, rapporteur de la mission du Ministère de la transition Écologique sur la publicité, « on a trop longtemps pensé que l’économie circulaire se résumait au recyclage, mais les pratiques de consommation comme la lutte contre l’obsolescence, l’économie de fonctionnalité (privilégier l’usage à la possession), et l’économie collaborative sont le nerf de cette transition ». Et pour cause, la publicité influence très largement nos aspirations. Là où elle ne cesse d’associer « consommation » à « plaisir » et « bonheur », il semble essentiel qu’elle revoie ses codes et joue la carte de l’utile, du sens, et de l’engagement. Car s’il y a de bonnes raisons de s’insurger contre une industrie qui pousse à la consommation, il ne faut pas négliger sa force de frappe et capacité à sensibiliser à des comportements responsables. 

Aussi, si quand on pense à l’impact de la publicité sur l’environnement on pense principalement à ses formats et canaux pas souvent éco-friendly, attention à ne pas oublier les effets collatéraux de leur limitation. Exemple parlant : les médias, dont le financement est aujourd’hui largement couvert par ces dernières, permettant parfois de garantir la gratuité de l’information et la rémunération de ses plumes ! Alors que contribuer à réinventer l’imagerie du bonheur et du plaisir en l’associant à des comportements de consommation plus responsables, ça ne coûte rien, ou presque… Et si les sceptiques en mal de rêverie et de divertissement, inquiets d’un retour à la réalité trop brutale crient à la lourdeur d’une telle révolution des images et mots publicitaires, qu’ils se voient rassurés : les créatifs ont, nous espérons, plus d’une corde à leur arc pour parvenir à associer la dimension fonctionnelle et responsable à celle de l’affect et du sensible. En somme, il est temps, plus que jamais, pour les publicitaires de s’engager sur la transformation de cet imaginaire collectif, le recentrant vers des valeurs plus vertueuses et porteuses de sens. Car aux trousses de cette industrie, une armée de réformes se prépare. En témoignent les prochains États Généraux de la publicité, la Convention Climat avec une table ronde dédiée aux enjeux de la pub, ainsi que les autres projets qui préparent la transition écologique. 

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