25/09/2020

Temps de lecture : 4 min

Tech Washing : quand les GAFAM tombent dans le piège

Longtemps cantonné aux marques alimentaires, automobiles, pétrochimiques, le greenwashing s’infiltre aussi désormais dans les grandes entreprises de la tech. Dans la complexité à modéliser les impacts innovants comment bien détecter le Tech Washing dans cet océan de bienveillance ? Zoom sur la marée verte de la Tech, ses bons et ses mauvais élèves.

Longtemps cantonné aux marques alimentaires, automobiles, pétrochimiques, le greenwashing s’infiltre aussi désormais dans les grandes entreprises de la tech. Dans la complexité à modéliser les impacts innovants comment bien détecter le Tech Washing dans cet océan de bienveillance ? Zoom sur la marée verte de la Tech, ses bons et ses mauvais élèves.

Pourquoi la montée rapide du Tech Washing ? La première raison : l’écologie digitale est un domaine encore très peu considéré et dont les impacts sont sous-estimés par manque de visibilité. Selon Frédéric Bordage, le fondateur de GreenIT « l’empreinte environnementale du numérique dans le monde représentait un 7ème continent, d’une taille de 2 à 5 fois celle de la France en 2019 ». Inès Leonarduzzi CEO de Digital for The Planet précise : « ce n’est pas tant le numérique qui est une catastrophe écologique, c’est davantage son alimentation énergétique. On sait que le numérique (ordinateurs, smartphones, data centers, objets connectés) accapare aujourd’hui plus de 16% de la production électrique mondiale et ce chiffre croît d’environ 10% par an ». 

La deuxième raison, c’est sans doute la progression explosive de l’impact du numérique : selon le Shift Project, près de 4 % des émissions carbonées mondiales sont dues au numérique soit plus que les 2 % d’impact carbone du transport aérien. Enfin, avec l’arrivée de 26 milliards d’objets connectés dans le monde en 2020 (source Gartner), l’explosion du streaming et le déploiement massif de la 5G, l’impact environnemental du digital va s’envoler. Les géants de la Tech doivent donc vite réagir pour éviter le « Tech Shame ».

Les GAFAM passent au vert

« L’environnement est désormais au cœur des communications des acteurs de la technologie. Est-ce du Tech Washing ou doit on souligner les initiatives sincères ? », interroge Jean-Christophe Liaubet, directeur associé au sein du cabinet de conseil Fabernovel.

Jeff Bezos le patron d’Amazon a annoncé en juin la création d’un fonds pour la terre de 10 milliards de dollars, avec une étape à 80% d’énergies renouvelables en 2024, avant une transition à zéro émission prévue pour 2030. « Nous voulons utiliser notre dimension mondiale pour montrer le chemin à suivre », précise-t-il. Amazon s’engage ainsi sur le climat avec la plus grosse commande mondiale jamais réalisée d’une flotte de 100 000 camionnettes électriques pour 2021. Mais en déclarant la neutralité carbone sur 50% de ses livraisons d’ici 2030, il est difficile de comprendre pourquoi la marque a acheté en catimini 12 nouveaux Boeing 767-300 le mois dernier…Selon Cargo Facts Consulting entre juin 2019 et juin 2020, les émissions de CO2 des livraisons Amazon ont augmenté de 35% avec plus 840 000 tonnes de paquets sur 40 163 vols uniquement aux USA. La bonne volonté d’Amazon d’atteindre les accords de Paris avec 10 ans d’avance paraît alors difficilement crédible. 

Facebook Fact Checking 

Facebook ambitionne lui aussi d’être carbone neutre pour 2030 et projette d’utiliser 100% d’énergies renouvelables comme tous les géants de la tech. « En 2019, nous avons atteint 86% d’énergie renouvelable pour nos opérations et avons plus de 1,3 gigawatts de projets éoliens et solaires en route », annonce Mark Zuckerberg. Mais le lancement récent par Facebook du Climate Science Information Center auprès de ses 2 milliards d’abonnés peut poser question sur la fiabilité des informations qui seront diffusées. On peut se demander au-delà d’un très beau rapport de développement durable, quand viendront les preuves concrètes de l’engagement de Facebook pour limiter son empreinte environnementale et sociale. 

Microsoft vision augmentée

La stratégie en matière d’impact chez Microsoft est quant à elle assez impressionnante. La feuille de route de Satya Nadella, Chairman chez Microsoft s’appuie sur 4 piliers environnementaux clairs (carbone, biodiversité, déchets, eau). Un nombre de projets concrets foisonnent depuis janvier : empreinte carbone négative pour 2030, dotation d’un milliard de dollars sur des technologies de capture du carbone, recours exclusif aux énergies renouvelables d’ici à 2025. 

Et pour la biodiversité, Microsoft Ai for Earth accélère des projets très concrets comme la durabilité des océans, la détection de population animale, la gestion de la forêt par imagerie satellite, ou les pratiques Agtech durables. Côté inclusion, Microsoft France a lancé un programme avec 20 écoles Simplon pour former gratuitement les jeunes défavorisés à l’IA (90% des apprenants obtiennent leurs certifications). 

« Ok Google », pourrais-tu faire mieux ? 

Sundar Pichai, CEO Google rappelle : « nous avons été la première grande entreprise à devenir neutre en carbone en 2007 et nous achetons 100 % de l’électricité que nous consommons en énergies renouvelables depuis 2017 ». Grâce à l’IA de Deepmind, Google estime à 30 % la réduction de sa consommation énergétique pour le refroidissement de ses data centers. Le géant du search prévoit de commercialiser habilement ces solutions green IA pour les centres commerciaux et les aéroports.

Des smartphones vert pomme 

Apple joue depuis longtemps les bons élèves dans le classement Greenpeace sur sa gouvernance environnementale très complète dans ses rapports depuis 10 ans. Les IPhones respectent la directive RoHS (limitation substances toxiques) et 99 % des fonderies d’Apple sont certifiées sans conflit. Apple annonce aussi abandonner le plastique dans ses emballages en 2025. Fairphone, start-up néerlandaise de smartphones éthiques est la seule entreprise à travailler avec la Fair Cobalt Alliance (FCA) en sécurisant les mines artisanales tout en empêchant le travail d’enfants. 

Sortie de route de Nikola, le « Tesla du Camion »

Le constructeur de camions électriques Nikola coté en Bourse dont General Motors a investi 2 milliards de dollars, a annoncé la démission de son fondateur Trevor Milton. La Bourse a dénoncé un flagrant délit de Tech Washing suite à la révélation une vidéo truquée montrant un camion Nikola en train de descendre la pente sans aucun moteur électrique à l’intérieur.

Les initiatives vertes des entreprises de technologie deviennent très stratégiques pour minimiser leur impact carbone. Elles permettent de consolider leur image de GoodTech, de maintenir une employabilité forte et surtout de gagner de nouveaux clients. Par leurs actions plus vertueuses, les GAFAM obligent tout l’écosystème de partenaires technologiques, grands groupes et PME à adopter de meilleures pratiques environnementales. 

Le temps est venu de réconcilier numérique et écologie. Ils sont de formidables accélérateur des stratégies RSE des entreprises. Réjouissons-nous de la bonne volonté des géants de la tech pour communiquer de façon plus transparente sur leurs impacts sociaux et environnementaux. Mais la route pour déceler le vert du faux sera encore longue.

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