16/10/2020

Temps de lecture : 3 min

Faut-il envisager la reconversion écologique du secteur aérien ?

Face à la pire crise économique de son histoire, le secteur aérien envisage des plans sociaux massifs. L’occasion pour ses 300 à 450 000 salariés français de réfléchir à une reconversion écologique dans des secteurs frontaliers comme le ferroviaire. Une manière de préserver l’emploi tout en agissant pour le climat.

Face à la pire crise économique de son histoire, le secteur aérien envisage des plans sociaux massifs. L’occasion pour ses 300 à 450 000 salariés français de réfléchir à une reconversion écologique dans des secteurs frontaliers comme le ferroviaire. Une manière de préserver l’emploi tout en agissant pour le climat.

Le samedi 3 octobre dernier, des militants écologistes des collectifs Alternatiba et ANV-Cop 21 s’infiltraient sur un tarmac de Roissy-Charles-de-Gaulle, parvenant à bloquer le décollage d’un avion. Parmi les revendications, les 15 milliards d’euros attribués par le gouvernement à l’aéronautique sans contreparties écologique ou sociale. Un chèque en blanc selon les militants qui rend injustifiables la suppression de 7 500 postes chez Air France d’ici 2022 et le plan de départ de 5 000 salariés d’Airbus en France. De leur côté, les patrons rappellent que les pertes de l’industrie mondiale dépassent déjà les 72 milliards d’euros cette année et qu’il n’y a pas d’alternative. Face à cette hécatombe économique, plusieurs groupes de réflexion proposent des pistes de reconversion massives pour les 300 000 à 450 000 travailleurs de l’aéronautique et de l’aviation. Une question cruciale pour préserver l’emploi et le climat.

La reconversion écologique, un levier inédit pour le climat

Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat, déclarait il y a quelques semaines que « des aides (formation, reconversion) aux travailleurs des secteurs très émetteurs peuvent parfois être préférées à une aide sectorielle ». C’est aussi le regard de la Convention citoyenne pour le climat qui aspire à ce que « chaque entreprise, chaque organisation et chaque personne soient accompagnées pour faire évoluer leurs activités, voire en changer si elle devait disparaître, et ainsi contribuer à diminuer les émissions de gaz à effet de serre ». Une façon d’anticiper les licenciements secs et le drame des plans sociaux.

C’est ainsi qu’en mai dernier, le think-tank The Shift Project a publié des propositions de contreparties à l’aide publique du secteur aérien. Parmi ces pistes, l’aide à la reconversion et à la formation sont encouragées. Grégoire Carpentier, bénévole pour The Shift Project, explique au média les atouts dont dispose l’industrie aéronautique : « il peut y avoir le capital humain (avec ses connaissances et ses savoir-faire), le capital collectif (avec des équipes qui ont l’habitude de travailler ensemble depuis longtemps), les syndicats, l’infrastructure de production et de distribution, l’efficience organisationnelle, le maillage territorial, les datas dont dispose l’entreprise… ». Tout une série de valeurs ajoutées qui pourraient bénéficier à la transition écologique.

Sous l’aviation, le ferroviaire 

The Shift Project prend notamment l’exemple d’Air France et de sa potentielle reconversion dans le secteur ferroviaire. « L’appareil commercial, l’organisation du voyage, l’assistance aux voyageurs, la gestion de la sécurité, ce sont des choses que les salariés ont l’habitude de faire, et ils peuvent le reconvertir dans un autre moyen de transport, ce n’est pas attaché à l’aérien », précise Grégoire Carpentier. La porosité des deux secteurs et la similitude de leurs activités pourraient ainsi favoriser un transfert de compétences inédit. 

Même son de cloche pour l’aéronautique. Une tribune publiée dans Le Monde par 700 étudiants en aéronautique appelait en mai 2020 à une transformation profonde de l’industrie. « Les matériaux d’un avion sont aussi ceux des éoliennes, des nouveaux bâtiments de construction. Faire un avion, c’est faire quelque chose de solide et de léger, c’est une contrainte forte qui peut être déclinée pour plein d’autres applications ». Une reconversion industrielle et écologique d’envergure nationale afin de promouvoir les énergies renouvelables et le BTP responsable. 

Un appel à la régulation tracté par la base

Notons que la défense d’un projet de reconversion des salariés n’est plus l’apanage de quelques collectifs écologiques, mais bien de tout un pan de la population concernée. La tribune des étudiants qui en appelle à la reconversion de leur futur métier en témoigne vivement. Autre exemple, celui du collectif Icare, composé de salariés de l’aéronautique qui souhaitent changer l’industrie pour qu’elle soit en accord avec les contraintes environnementales de notre époque. Il semblerait qu’une partie de la base du secteur aéronautique soit prête à envisager le déclin de sa propre industrie, là où ses dirigeants parient sur l’avion à hydrogène. 

En marge de ces dissensions, certains privilégient la créativité sur le débat. C’est le cas de Vincent Bernatets, fondateur de Airseas, une startup toulousaine qui transpose des techniques de commande de vol en navigation maritime. Résultat, son aile automatisée, installée sur le mât des bateaux, permet de le tracter et d’économiser 20% de carburant en moyenne. Une reconversion peu commune qui donne de l’espoir : Airseas vient de signer un contrat avec le plus gros armateur du Japon.

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