En réponse au gouvernement et à sa gestion de la crise sanitaire jugée trop verticale, le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle expérimente un « comité de liaison citoyen ». Des dizaines d’associations et 250 citoyens tirés au sort pour mieux saisir les besoins locaux de la ville. Zoom sur ce nouvel instrument de démocratie sanitaire qui pourrait bien s’exporter ailleurs en France avec Annabelle Bretton, adjointe au maire.
Nous avons tous observé le casse-tête auquel le gouvernement s’est confronté ces dernières semaines. Ouvrir ou fermer les librairies, réguler ou pas les grandes surfaces, assouplir ou renforcer les restrictions de circulation… Des questions d’autant plus difficiles à trancher dans un pays très centralisé où la démocratie locale se taille une place encore timide. C’est dans ce besoin d’une nouvelle vitalité démocratique au sens de Pierre Rosanvallon que le maire EELV de Grenoble Éric Piolle a lancé début novembre sa « Convention Citoyenne Covid-19 ». Un clin d’oeil à la Convention Citoyenne pour le Climat qui reprend dans les grands traits sa forme : un organe consultatif expérimental et participatif avec des citoyens tirés au sort. L’enjeu étant que cette consultation intervienne au coeur d’une deuxième vague plus inquiétante que prévue.
« Nous répondons à une demande formulée par le conseil scientifique »
Jointe au téléphone, l’adjointe au maire de Grenoble Annabelle Bretton, spécialisée sur les questions d’éducation populaire, de jeunesse et de démocratie locale, précise que cette initiative, c’est celle qu’Emmanuel Macron a écartée. « Lorsque le conseil scientifique a suggéré dès avril 2020 d’associer la société civile à la gestion de la crise sanitaire, le silence du Président a renforcé notre détermination dans l’idée d’une convention citoyenne sur le Covid-19. De sorte que dès le mois d’août, avant l’idée d’une quelconque deuxième vague, on a planché dessus ». Il s’agit ainsi de la première convention citoyenne de ce genre en France. Si son nom officiel est le comité de liaison citoyen, c’est pour faire référence « à la demande formulée en ces exacts mots par le conseil scientifique », souligne Annabelle Bretton. Un nom néanmoins austère qui mène l’adjointe au maire à privilégier le terme de convention citoyenne.
« Une double consultation par échange de mails et assemblées plénières »
Pour mettre en place cette convention citoyenne d’un nouveau genre, la mairie de Grenoble a travaillé sur une méthode de sélection la plus juste et démocratique possible. « On a tiré au sort 200 personnes sur liste téléphonique avec une parité de genre, d’âge et de géographie. Ce qui signifie autant d’hommes que de femmes, dont 30% ont moins de 25 ans. On a en parallèle demandé à toutes les associations de la ville (culture, sport, insertion…) de désigner chez eux une femme et un homme destinés à intégrer un panel associatif. Ce qui donne deux groupes, l’un citoyen, l’autre de la société civile, d’environ 250 personnes ». Un groupe représentatif de la population qui est d’ores et déjà consulté de deux façons. « Nous avons commencé par un échange en distanciel avec des allers-retours par mail visant à comprendre les problèmes nés de la crise sanitaire. Puis nous avons organisé une première réunion en présentiel limitée à une trentaine de personnes, laquelle se tient un samedi matin par mois. Une double consultation par échange de mails et assemblées plénières en somme ». L’adjointe au maire précise qu’aucun service de la ville ni élu n’est présent durant la réunion. « Nous avons un animateur extérieur à la mairie qui se charge de mener le dialogue avec une prise de parole libre ».
« Il est primordial d’expliquer pourquoi certaines suggestions ne seront pas prises en compte »
Parmi les sujets abordés durant la première plénière, les marchés extérieurs. « Les citoyens présents ont exprimé leur désapprobation quant à des contraintes supplémentaires concernant les marchés extérieurs. Bien que l’avis soit consultatif, nous l’avons pris en compte ». La question de l’isolement et du lien social ont également été abordés. « On s’est rendu compte que les étudiants sont pour certains tout autant isolés que les personnes âgées ». Pour les prochaines assemblées, Annabelle Bretton confie que l’ordre du jour se penchera davantage sur les services d’espace public comme les rénovations et le quartier prioritaire de Villeneuve. Un élargissement des objectifs sanitaires de la convention citoyenne. « Nous voulons insister sur des sujets concrets et éviter des débats trop généraux. La participation citoyenne est un fil bien particulier et nous avons conscience que sur les plénières, il sera primordial d’expliquer aux citoyens pourquoi certaines de leurs suggestions ne seront pas prises en compte. Je précise que tous les rapports seront mis à disposition après chaque rencontre pour informer les Grenoblois des échanges et des remontées qui seront donnés aux élus ».
« Marseille, Bordeaux, Tours, Strasbourg et Chambéry sont intéressées »
De nombreuses villes ont d’ores et déjà contacté la municipalité de Grenoble pour profiter de leur temps d’avance sur les questions de démocratie participative. « Les mairies de Marseille, Bordeaux, Tours, Strasbourg et Chambéry nous ont contacté pour mieux saisir l’organisation de cette convention citoyenne ». Il faut dire que Grenoble est rompu à l’exercice. « Nous avons la chance d’avoir une culture de la démocratie locale, et donc des prestataires habitués à faire des tirages au sort ciblés, des votes en ligne, des animations citoyennes… ». Un avantage qui incite la ville a lancer à l’échelle locale sa propre Convention Citoyenne pour le Climat à horizon 2021. « Mais avec la pandémie, nous allons probablement devoir retarder le calendrier », précise Annabelle Bretton.