Dans « Conférence sur l’efficacité »*, livre que je recommande à tout manager, le philosophe François Jullien propose une analyse comparée entre l’approche occidentale de la stratégie, visant à tout modéliser, tout anticiper, et l’approche chinoise, visant à s’adapter aux circonstances, en cherchant à en tirer le meilleur profit. François Jullien convoque même Clausewitz et son art de la guerre, où rien ne se passe généralement comme prévu…
« Quand vous modélisez, c’est comme quand vous marchez sur la terre, cela va tout seul, sans rencontrer de difficultés. Mais, quand vous mettez ensuite en œuvre ce plan, que vous engagez les opérations, c’est comme quand vous marchez dans l’eau… il y a là “friction”, de toute part, il faut rééquilibrer et forcer. Telle est la résistance, telle qu’elle nous vient des circonstances ».
Circonstances – étymologiquement ce qui se tient autour – et qui n’était pas prévu : le brouillard d’Austerlitz qui donne la victoire, la pluie à Waterloo qui amène la défaite.
Le Good est un beau programme. On pourrait s’en moquer. Qui est contre le bien et pour le mal ? Mais la gravité des enjeux climatiques, alimentaires, sociaux doit nous retenir de « nous asseoir à la table de ceux qui ricanent »**. Oui, choisir de servir le bien commun est devenu, pour les entreprises et leurs marques, une option stratégique fondamentale.
Quand on pense que la définition de l’entreprise dans la loi est restée la même pendant plus de 200 ans, malgré deux révolutions, trois invasions, deux guerres mondiales et des mouvements sociaux à la pelle ! La loi Pacte d’avril 2019 a modifié cette définition. Elle n’impose rien (ce qui est rare pour une loi) mais place les entreprises devant de nouvelles responsabilités.
Il faut se réjouir que le secteur de la communication se mette lui aussi en mouvement. Les Etats Généraux qui s’ouvrent vont être une formidable opportunité d’échanges et d’ouverture pour nous tous. Chez W, nous avons mis à profit les confinements pour réfléchir, écouter nos clients, conduire des études (et un livre à paraître en décembre).
Ce travail nous a amenés à la conviction qu’il fallait aider le marketing à se réinventer en profondeur, en proposant un nouveau contrat de marque qui, sans jamais renoncer à la créativité et au plaisir de consommer, développe une approche fondée sur le respect, la relation côte à côte, la proximité, la conversation et une plus grande liberté de choix laissée au consommateur.
Pour nous, l’art du Good en action s’appelle le Contributing®.
Il dit bien son nom en échappant à la tautologie – le marché pour le marché – qui a conduit à l’hyperconsommation pour aller vers une science de consommation décarbonée et responsable dans laquelle chaque acteur dépassera son seul statut de vendeur ou d’acheteur, pour se reconnaître « contributeur ».
Il part des aspirations des équipes internes à relier sens et business. Il aide les marques à faire du Good un sujet inclusif pour leurs clients. Il met en place des process qui permettent à l’entreprise de joindre les actes aux paroles, en allant de la simple évolution des pratiques jusqu’au changement de business model.
S’adapter aux circonstances dans l’art du Good, c’est graver en lettres d’or le nombre 56 sur nos feuilles de routes respectives : 56 % des Français sont aujourd’hui incapables de citer une marque contribuant à améliorer la société. Et 56 % (on ne sait pas si ce sont les mêmes) considèrent que le consommateur est le premier acteur du changement de la société***.
Bonne nouvelle donc ! Le consommateur, souvent critiqué pour son ambivalence, aurait-il cette fois envie d’y croire ? Comme si, de l’art du Good à l’acte de foi, il n’y avait qu’un pas. Comme toute foi authentique, elle ne sait pas, elle est fragile, elle doute, mais elle espère.
À nous d’inventer les bons modèles pour construire un avenir meilleur sans jamais perdre de vue les circonstances pour mieux en tirer profit.
* « Conférence sur l’efficacité », François Jullien, PUF.
** La Bible – psaume n° 1.
*** Baromètre Contributing®
Denis Gancel, Président fondateur de W, Enseignant à Sciences Po Paris