Thomas Huriez, président et fondateur de 1083 nous explique son engagement dans l’économie circulaire. Après 3 ans de recherche et de développement, cet entrepreneur engagé nous précise ce qui l’a conduit à lancer un jean infini 100% recyclable et consigné. Une stratégie d’éco-conception autour du réemploi et de l’intensité d’usage.
Saviez-vous qu’un jean parcourt 1,5 fois le tour de la terre pour être fabriqué ? Il se déplace dans 12 pays avant d’arriver dans votre boutique préférée.
Il faut s’approvisionner en coton en Inde. La toile denim est tissée au Pakistan puis fabriquée et colorée en Chine, assemblée en Tunisie puis délavée au Bangladesh. Avec des rivets venant d’Australie, une fermeture éclair venant du Japon et des boutons du Congo, votre jean aura parcouru 65 000 km et consommé 11 000 litres d’eau.
Pour lutter contre la prédation des ressources naturelles, la société 1083 fondée par Thomas Huriez, a cassé l’économie linéaire du textile pour inventer une autre façon de produire les jean dans une approche d’économie circulaire idéale, à valeur étendue. Cette entreprise contributive exceptionnelle et certifiée Origine France Garantie a révolutionné toute une filière. Avec 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, la création de 150 emplois dont 65 emplois directs, une centaine de revendeurs et cinq boutiques, la société 1083 fabrique des vêtements à moins de 1083 km de leurs clients. 1083 est ainsi nommée parce que c’est la distance entre Menton et Porspoder, les deux villes les plus éloignées de l’Hexagone. Immersion avec son président qui nous décrit avec énergie sa mission exemplaire tournée vers l’avenir.
The Good : Quelle est la mission et la raison d’être de 1083 ?
Thomas Huriez : Notre mission chez 1083 est très simple : amener chacun à produire et consommer dans l’économie circulaire. Notre mission est très ambitieuse : l’économie circulaire signifie bien sûr de fabriquer un produit qui respecte l’Humain et la Nature mais aussi de gérer nos produits en fin de vie pour qu’ils deviennent la matière première de notre produit neuf. Nous avons une ambition de boucle complètement fermée avec le minimum de pollution.
Nous produisons en circuit ultra court avec une implication directe du consommateur. Le client achète un jean avec une consigne de 20 euros et s’oblige un retour du produit en fin de vie pour récupérer sa consigne.
De plus, la clé de notre résilience sociale, est de conserver à parts égales les modes de distribution (50% en boutique et 50% en E-commerce) pour créer une filière solide, partager le travail et surtout ne pas tout centraliser.
The Good : Expliquez-nous le concept de votre nouveau jean Infini révolutionnaire. Comment et où fabriquez-vous ce jean recyclé ?
T.H. : Notre jean est fabriqué en polyester à base de plastique marin. L’avantage du polyester est d’être totalement réversible comme la glace et l’eau à la différence d’un gâteau qu’on ne peut pas « décuire ».
En fabriquant un jean 100% mono-matière nous arrivons très facilement à le recycler, ce qui est impossible avec un jean traditionnel. En remplaçant les rivets venant d’Australie par des points d’arrêt et en introduisant des boutons en polyester, notre défi a été de trouver un fil de polyester pour la première production en l’absence de filière française. Nous avons dû faire appel à une filature de fil polyester (produit à partir de déchets plastiques marins) située à Valence en Espagne.
Pour les prochaines productions, grâce au recyclage de nos jean en polyester, le fil sera naturellement bleu. Nous vendons ce jean 100% recyclable au prix de 100 euros avec une consigne de 20 euros. Quand le consommateur nous renvoie le jean gratuitement par la poste, nous lui remboursons la consigne. Nous avons intégré le prix du retour du jean dans notre prix de revient.
The Good : 1083 est le parfait symbole d’une entreprise contributive avec la location ou le jean consigné. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre modèle d’affaires centré sur le réemploi des matières et l’intensité d’usage, vous paraît porteur face aux géants de l’habillement ?
T.H. : Contrairement aux géants du jean qui cherchent à acheter le moins cher possible, nous mettons un maximum de valeur ajoutée dans l’écoconception de notre produit. Nous souhaitons être l’intermédiaire le plus « léger » possible. Nous faisons très peu de pub, pas de solde, et nous sommes totalement transparents sur l’éco conception de nos produits. Nous aimons « sur-engager» nos clients afin qu’ils chuchotent aux autres notre énergie dans la fabrication de notre marque. Nous pensons que cette façon de produire nous paraît incontournable et va devenir un prérequis du marché.
The Good : Vous allez à 1083 km/h ! Quelles sont vos futures innovations en 2021 ?
T.H. : Nous avons réussi à relocaliser sept des huit étapes pour faire un jean : la filature, la teinture, le tissage, l’ennoblissement, la coupe, la confection, le délavage. Il ne nous manquait que le coton qui n’est pas produit en France.
En 2021, nous allons un cran plus loin en réussissant à relocaliser la matière première essentielle : le coton. Nous avons deux options : soit on attend le réchauffement climatique pour faire pousser du coton en France, soit plus sérieusement on récupère le coton dans les déchets. Le projet Mon Coton que nous portons avec la BPI et l’Ademe, consiste à industrialiser dans notre usine des Vosges le recyclage du coton des vieux jean usagés pour en faire un fil en coton 100% recyclé et réussir à produire en France des jean neufs avec du coton 100% français.