La biodiversité, le vivant, sont au cœur de l’actualité en cette rentrée. Congrès mondial de la Nature à Marseille, Agir pour le Vivant à Arles, les événements qui lui sont consacrés se multiplient. Mais comment appréhender au mieux cette question du Vivant ? Dominique Royet, cofondatrice d’Hyssop, nous partage son expérience sur la question.
1e escale : le monde.
Sans valise hormis sous les yeux, mon voyage commence sur mon sofa par une lecture aussi éclairante qu’un franc soleil d’été. Nous sommes en Juin, le 10. Deux instances référentes que sont l’IPBES (pour la biodiversité) et le GIEC (pour le climat) signent un rapport commun qui alerte sur la nécessité de traiter conjointement ces deux enjeux, intimement liés dans le vivant mais séparés dans la vie. Sûrement trop tard pour mettre en coloc la Cop15 sur la biodiversité (Chine) & la Cop26 sur le climat (Ecosse). Comment ici interdire la déforestation d’écosystèmes qui stockent beaucoup de carbone tout en abritant une forte biodiversité. Comment planter là-bas toutes ces monocultures d’arbres n’importe où au nom de la compensation carbone détruit finalement la biodiversité. Comment j’ai été ébouriffée par tous ces liens biodiversité & climat, et comment cette biodiversité participe à la réduction des GES.
2e escale : Agir pour le Vivant à Arles
Une pléiade d’intellectuels, d’écrivains, de sociologues, de philosophes se sont retrouvés pour la 2e édition de ce festival arlésien afin de partager avec nous leurs avis, leurs émotions, leurs concepts, leurs visions, parfois leur spiritualité lors des tables rondes sur ce thème qui sera celui de mon été : LE VIVANT. Quelques actions très intéressantes ont émergé aux détours des discussions : Nathan Stern qui promeut l’idée d’une « Ecodétaxe » (une TVA réduite pour les produits qui ont un impact moindre), Eva Sadoun qui nous invite à une conversion de l’économie vers un partage des communs, le Revenu de Transition Environnementale versé en contrepartie d’activités orientées vers l’écologie et le lien social… Mais globalement « Agir pour le Vivant » aurait dû s’appeler « Réfléchir au Vivant » : ses contenus très riches et passionnants ont certes permis d’élever le débat et d’avoir une vision holistique du vivant. Cependant, après la diffusion (émue) d’ ANIMAL, le film de Cyril Dion montré en avant première à Arles, on sort convaincu que l’action est plus que jamais déterminante et urgente. Lui-même d’ailleurs nous donne une clef en nous encourageant, chacun dans notre métier, à agir, à élargir nos ambitions au-delà de gagner un salaire nécessaire à notre vie quotidienne, à donner du sens à ce que nous faisons.
3ème escale : Le congrès mondial pour la Nature
Et justement, en parlant d’actions… Ils ont été très nombreux à se retrouver, ces acteurs, au Congrès Mondial pour la Nature de l’UICN à Marseille. Ici, le Vivant qui a accompagné mon été est devenu biodiversité. Et ici, tous se battent pour lui conserver sa place. Des centaines d’associations et d’organisations se sont retrouvées pour débattre des différentes solutions mises en œuvre sur le terrain, en tirer des enseignements, convaincre les grandes entreprises présentes de jouer leur rôle. Les grandes institutions bailleurs de fonds sont présentes et les deals internationaux se font dans les couloirs, au détour d’un dîner, en buvant un verre autant qu’autour de la table des négociations. Toutes ces personnes disséminées de par le monde, sur des terrains souvent de combat, sont heureuses de se retrouver pour partager dans cette enceinte et on les comprend… et ça fait du bien.
Cela a aussi été l’occasion aux politiques de prendre des engagements forts en matière de protection des espaces. Espérons qu’ils se transforment en loi, décret, réforme : car tous ces experts sont unanimes. Au stade où nous en sommes, seuls des espaces extrêmement protégés pourront préserver ce qui reste de biodiversité.
Ces discussions de tous ordres ont couvert le bruit des cigales : espérons qu’elles fassent encore plus grand bruit prochainement, notamment auprès des entreprises de taille moyenne : on peut trouver dommage que personne ne s’intéresse dans l’enceinte de l’UICN au formidable levier d’actions que représente cette force économique.
De la même manière, les jeunes n’étaient pas très présents dans les débats en dehors de la formidable Magali Payen qui a présenté la nouvelle campagne de “on est prêt”. Pourtant, bien conscient de l’importance de l’éducation, l’UICN avait installé de nombreux stands de sensibilisation pour les enfants où l’on pouvait voir, (ré)apprendre un peu de Nature sous différentes formes. Une impressionnante œuvre, « Immersion », de Lise Marie Koelher, nous permettait de mieux comprendre le fonctionnement d’un éco-système le tout en réalité augmentée… Fascinant, très amusant, cela m’a questionnée. Faut-il augmenter la réalité pour comprendre la Nature, le Vivant, la biodiversité ? Pourquoi ne pas les emmener dans la vraie, celle que l’on peut toucher, sentir, expérimenter…
4e escale (finalement la plus belle) : les Açores
Dans le film de Cyril Dion, l’anthropologue Philippe Descola, répond à la question « Comment renouer avec le vivant ? » par une désarçonnante évidence : « en le fréquentant !».
Car finalement, toutes ces belles personnes rencontrées pendant mon voyage en biodiversité disent la même chose : on protège mieux ce que l’on connaît mieux. Lorsqu’on est dans la nature, en contact avec la biodiversité, on sent quelque chose de fort sur lequel nous ne sommes pas obligés de mettre des mots. C’est cette émotion qui nous fait comprendre à quel point ce Vivant est indispensable non pas à notre survie mais à notre vie. A partir de là, nous ne pouvons que nous engager à le respecter voire à le protéger.
Finalement, de retour sur mon sofa parisien d’où a commencé mon voyage, je me suis dit que j’en avais plus appris sur le vivant durant ma randonnée estivale dans les Açores qu’au terme de toutes ces conférences, débats et tables rondes… Ou plus précisément que gambader dans le Vivant des Açores m’a permis d’en faire autre chose de plus riche qu’un simple sujet de débat, d’étude, scientifique, chiffré et finalement désincarné. Les 2 sont finalement nécessaires : notamment pour passer à l’action.
Dominique Royet est DG et cofondatrice d’Hyssop, agence RSE tournée vers l’action. Dominique est ancienne DG de MaxHavelaar, a notamment co-créé l’agence Greenflex après avoir développé les partenariats entreprises au WWF pendant 10 ans.