Alors que le recyclage des éoliennes en fin de vie exige des ressources importantes et une filière industrielle d’ampleur, le réemploi pourrait vite prendre son essor. Au Danemark, les pales sont transformées en garages à vélo tandis qu’en Europe, des pièces de seconde main sont vendues à des pays en développement. Des manières d’éviter le recyclage, qui devrait toujours rester la dernière option.
Le mythe du recyclage est solidement ancré dans notre imaginaire collectif. Selon un sondage BVA réalisé en 2019, 91% des Français estiment qu’il est utile de trier ses déchets plastiques. Pourtant, UFC-Que Choisir a de nouveau prouvé la relativité de cette pratique début 2021 en calculant que seuls 26% des emballages plastiques de l’hexagone sont effectivement recyclés. Un chiffre qui tombe à 9% au niveau mondial selon Science Advances. Un écart spectaculaire qui souligne les limites du recyclage et la nécessité d’y requérir en dernier recours. Pour l’éolien heureusement, le plastique n’y étant pas majoritaire, le tableau est moins sombre. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), le millier de tonnes de béton en guise de fondation et les centaines de tonnes d’acier qui forment le mât sont effectivement recyclés. Mais le coût en énergie est important : il faut récupérer les matériaux avec des machines qui tournent au pétrole, les acheminer en usine, les concasser, les trier, les chauffer dans des fours de haute chaleur etc. À peu près 9/10 du poids de l’éolienne est ainsi valorisé, mais c’est pour les 10% restants que le casse-tête commence. Le rotor central est truffé de composants électroniques non recyclables, tout comme les pales composées de fibre de verre et de carbone. Le tout finit généralement enfoui sous terre, parfois brûlé en cimenterie.
Du moulin au garage
Au royaume danois, malgré une filière du recyclage éolien déjà bien développée, des limites similaires se posent. Les pales sont généralement broyées pour devenir du béton, du plastique ou du combustible, mais le coût est élevé. C’est pourquoi l’entreprise Re-Wind Network, spécialisée dans le recyclage des pales d’éoliennes, intègre désormais d’anciennes pales d’éoliennes dans le paysage urbain afin d’éviter des revalorisations médiocres ou des enfouissements. Tout a commencé en 2020 dans le port d’Aalborg, quatrième ville la plus peuplée du pays, où ont été installés des abris fuselés pour vélos à partir de vieilles pales. Une initiative impulsée par le gouvernement, conscient du rôle central du réemploi dans l’économie circulaire et de l’urgence de trouver une solution. Car avec une durée de vie de 30 ans en moyenne, les éoliennes de première génération arrivent à terme. Le réemploi de ces carcasses ciselées dans des infrastructures urbaines pourrait d’ailleurs être amené à se développer. L’enjeu est de taille : rien qu’au Danemark, 40 000 à 60 000 tonnes de déchets non recyclables issus des éoliennes en fin de vie sont attendues d’ici 2023. Mais les idées ne manquent pas : stations de taxis, arrêts de bus, bornes de recharge électriques, mais aussi aires de jeux pour enfants, bancs et enrobés routiers sont envisagés.
La grande friperie de l’éolien
Le réemploi se développe aussi par le développement d’un marché éolien de seconde main. On ne parle pas là du socle en béton ou du mât en acier, mais des composants électroniques qui composent le rotor. Ces derniers peuvent être en partie réparés pour être vendus en seconde main à des pays en voie de développement qui ne pourraient s’offrir des éoliennes neuves. La filière n’est pas encore mature, mais pourrait constituer un axe de réemploi intéressant dans plusieurs pays d’Afrique, d’Amérique Latine et même d’Europe de l’Est, notamment en Pologne et en Hongrie. Car en France, la première génération d’éoliennes arrive en fin de vie. Le premier parc a été installé au milieu des années 90 de sorte qu’environ 1500 éoliennes arriveront en fin de vie d’ici 2023. Cela signifie plusieurs centaines de machines à démanteler et à valoriser chaque année, alors qu’une partie n’est pas recyclable. Il est donc urgent de développer des corridors de réemploi concrets, entre paysage urbain et seconde main. Pendant ce temps, les professionnels du recyclage sont en phase de recherche et développement. Le consortium danois DecomBlades a d’ores et déjà fabriqué une première pale d’éolienne en matériaux recyclés, et ambitionne des turbines entièrement recyclables en 2040. En France, Suez Environnement développe une technologie de rupture destinée à valoriser les fibres de carbone et de verre des pales. Veolia développe de son côté plusieurs méthodes pilotes, entre pyrolyse à 750°C et solvolyse qui utilise de l’eau pour séparer la résine de la fibre. Des recherches et des investissements de grande ampleur qui nous rappellent que le recyclage a un coût économique et énergétique qu’il ne convient de mobiliser qu’en dernier recours.