Le digital serait responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Sandrine Vissot-Kelemen, Présidente de Razorfish France, Publicis Groupe, invite les professionnels du digital à se mobiliser pour faire converger transformation digitale et transition écologique.
Après une enfance faite d’explorations tous azimuts et une adolescence faite d’ubérisations et de transformations multiples, le digital attaque son âge adulte. Celui de la responsabilité.
Pourquoi responsabilité ? Car le digital est tout sauf virtuel – seule l’ancienne génération oppose encore le monde digital au monde physique. Il est fait de tuyaux, de bases de données, de serveurs, d’écrans, de design, d’interactions, de contenus, de commerce, etc. Il est même à l’origine de plus de 4% des émissions de GES* dans le monde.
En plus d’être physique, il est partout, dans toutes les mains. Dans presque tous les objets et toutes les chaînes de production. Dans les services. Dans les boutiques. Il fait partie intégrante de nos vies et forcément, à ce titre, il est au cœur de multiples tensions qu’il ne peut ignorer. Il est entré en société.
Entre liberté d’expression et manipulation, entre vent de démocratie et dérives populistes, entre parcours ultra-personnalisés et protection de nos données personnelles, entre recherche de monétisation et désir d’autonomie face aux GAFAM** tout puissants, entre hyper connectivité et droit à la déconnexion, entre le digital à portée de main et le digital qui exclut, entre futile et utile, le digital questionne. Il doit trouver sa juste place.
Nous, les entreprises – et les professionnels du digital en particulier, les « digital-makers », devons-nous saisir pro-activement de ces questionnements et des zones de méfiance qu’il suscite. A fortiori quand 55% des Français ont pris conscience de l’empreinte écologique de leurs usages digitaux mais ont encore du mal à modifier leurs usages en profondeur[1]. A fortiori quand la France est en pointe sur le plan législatif – avec une PPL REEN*** qui est une première mondiale et qui vise à responsabiliser tous les acteurs du numérique et diminuer la pollution liée aux usages digitaux. A fortiori quand nous avons avec la French Tech l’une des toutes premières puissances digitales au niveau mondial.
Bref, il est indispensable de transversaliser les révolutions et notamment faire converger transformation digitale et transition écologique. Comment à la fois contenter les entreprises et leur recherche de performance, les consommateurs et leurs usages, et la société qui nous enjoint d’inclure les plus faibles, les plus démunis et la planète qui se meurt ? Comment rendre le digital digne de ce nouveau contrat moral qui lie indéfectiblement les usages qu’il permet au monde qu’il impacte ?
Ce tour de force est possible. Grâce aux individus et aux écosystèmes qui savent tirer le meilleur de la technologie et de la créativité sous contraintes.
Sous contraintes ne veut pas dire des expériences digitales moins inventives ou moins excitantes. Au contraire, le digital redevient ce lieu de tension positive où la vitesse d’innovation et d’exécution n’est plus le seul étalon mais où la créativité redevient maître à bord pour créer les services et les espaces d’expression de demain, à la fois pertinents et durables.
Sous contraintes ne veut pas dire non plus des expériences moins performantes. Au contraire, c’est cette notion d’utilité responsable qui permettra aux entreprises de renverser l’inadéquation première entre transition numérique qui en veut toujours plus et transition écologique et sociale qui en veut toujours moins.
Peu d’organisations ont encore réellement compris en pratique le fantastique terrain de jeu que représente cette nécessaire convergence d’intérêts. Nous sommes pourtant rentrés dans la 2ème ère de l’utilité digitale où data, technologie, design et créativité, avec la bonne combinatoire, seront à même d’insuffler au digital cet esprit de responsabilité qui, aujourd’hui, nous oblige tous
Sandrine Vissot-Kelemen
Présidente de Razorfish France, Publicis Groupe
[1] « Quelle est la sensibilité des Français à l’égard de l’empreinte environnementale du digital ? » Observatoire AACC avec OpinionWay, octobre 2020
*GES : Gaz à Effet de Serre
**GAFAM : G pour Google, F pour Facebook, M pour Microsoft et les deux A pour Apple et Amazon.
***PPL REEN : proposition de loi visant à « Réduire l’empreinte environnementale du numérique en France