Le Directeur Général Délégué d’IPSOS France était invité à introduire le Grand Prix de la Good économie organisée par The Good et INfluencia. L’occasion pour lui de faire le point sur les enjeux de la RSE dans l’opinion et de la façon dont les Français les partagent. The Good vous livre les enseignements de son intervention.
La prise de conscience des Français sur l’enjeu climatique et environnemental est claire et s’inscrit dans la durée malgré la pandémie. Dès lors, la RSE est une opportunité à saisir pour les grandes entreprises dont l’image s’est déjà améliorée pendant la crise Covid.
Les Français ont des attentes fortes envers les grandes entreprises sur les trois piliers : Environnement, Social et Gouvernance. En effet, ils considèrent que le rôle le plus important des entreprises multinationales est à égalité de protéger l’environnement et d’améliorer la société (39%). Pratiquer une bonne gouvernance arrive derrière avec 23%.
Leur regard est assez positif et indulgent sur les efforts environnementaux des entreprises.
Toutefois, dès que l’on parle de ce que font les grandes entreprises pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, faire preuve de transparence ou limiter le montant des rémunérations des dirigeants, leurs actions sont jugées insuffisantes par les Français.
L’opinion n’est donc pas si critique sur la question environnementale, elle l’est beaucoup plus sur la gouvernance.
On observe également que des secteurs souvent pointés comme ayant une activité qui dégrade l’environnement tels que ceux de l’énergie, de l’automobile ou encore de l’agro-alimentaire, sont jugés suffisamment actifs pour limiter leur impact sur l’environnement par les Français (47 à 48%). Pourquoi ? Parce que ces derniers en parlent. Tandis que des secteurs comme le numérique, les banques/assurances ou encore le luxe sont jugés plus sévèrement. On peut expliquer cela par le lien plus difficile à établir entre ces secteurs et l’environnement. Étant moins exposés, ils sont également moins actifs que d’autres pour communiquer sur leurs actions.
Ces entreprises ont donc d’autant plus intérêt à communiquer. Si on explique ce qu’on fait, on obtient un jugement plus indulgent. Quand on se tait, on nourrit la défiance ou, a minima, l’interrogation, et les critiques peuvent être beaucoup plus vives.
Si la prise de conscience est claire, les comportements semblent, eux, être plus difficiles à faire changer. On observe peu d’évolution entre 2014 et 2021 sur les changements que la population mondiale serait prête à faire pour lutter contre le changement climatique.
Si on l’interroge sur le fait d’éviter de prendre sa voiture, seulement 45% de la population globale envisage de le faire dans l’année à venir.
Le changement de comportement qui arrive en tête est d’éviter les produits avec beaucoup d’emballages avec une petite majorité à 55%. Sur la réduction de sa consommation générale, on arrive à peine à 51% mais si on l’interroge sur le fait d’éviter de prendre sa voiture, seulement 45% de la population globale envisage de le faire dans l’année à venir.
Les consommateurs semblent encore perdus malgré l’importance de la thématique quant aux actions efficaces à mener. L’enjeu de la communication, donner des clés aux Français sur ce qu’il faut faire véritablement, est décisif si on veut faire évoluer les comportements. En effet, seuls 8% des Français ont l’impression de tout à fait savoir ce qu’ils peuvent faire à leur niveau pour lutter contre le changement climatique.
Cela s’observe dans les études, les Français se trompent sur beaucoup de sujets.
Par exemple, ils jugent parmi les actions les plus impactantes le recyclage (70%). Cependant, le recyclage pèse très peu en termes de tonnes de CO2 sauvées et la France recycle déjà beaucoup. L’autre solution avancée est le remplacement des ampoules classiques par des LED sauf que là aussi, le poids est minime dans les émissions de CO2. La solution qui aurait un réel impact, à savoir ne pas avoir de voiture, est mise en avant par seulement 16% des Français.
Il y a donc une difficulté à identifier les comportements qui sont véritablement vertueux.
Quand on demande aux Français de répartir la responsabilité en matière de protection de l’environnement entre le gouvernement, les entreprises et les citoyens/consommateurs, on observe un système de dédouanement.
Selon eux, la responsabilité relève d’abord du gouvernement (3,7 points), ensuite des entreprises (3,3 points) et en dernier lieu d’eux-mêmes (2,9 points). L’effort est remis à d’autres avec ce rôle de l’Etat toujours culturellement important.
Pour améliorer la société, la responsabilité relève d’une action gouvernementale selon les Français (4,6 points), ensuite les entreprises (2,9) et encore une fois en retrait, nous-mêmes les citoyens (2,5 points).
Pour la pratique d’une bonne gouvernance d’entreprise -où les jugements sont plus critiques- les Français nous disent qu’elle relève d’abord des entreprises (4,5 points) puis toujours cette idée que le gouvernement pourrait, par des mesures, jouer un rôle majeur (3,6 points) et très peu (1,8) par les salariés ou les collaborateurs eux-mêmes. Ce qui n’est pas exact puisque les collaborateurs peuvent faire évoluer les pratiques en exerçant une pression dans l’entreprise.Après avoir expliqué ces chiffres, Brice Teinturier a conclu sur une note positive : « La pandémie a démontré aux Français l’importance des grandes entreprises. La défiance envers les politiques a, elle aussi, reculé. Nous sommes dans un cycle où les niveaux sont bons, c’est le bon moment pour que les entreprises, plus que jamais, interviennent de manière forte sur ces enjeux de RSE. »