L’architecture et le design entament eux aussi leur transformation écologique et sociale. Nouveaux matériaux, nouvelles approches de conception : rendre un lieu beau et durable est devenu une gageure non dépourvue de créativité. Rencontre avec un architecte passionnant et plein de ressources, qui vient de créer son agence dédiée aux projets responsables, Michael Malapert.
The Good : Dans quel contexte avez-vous créé Malapert ?
Michael Malapert : J’ai monté l’agence il y a 10 ans d’abord pour la restauration parce que c’est un milieu qui à ce moment-là voyait ses codes être bousculés : de jeunes chefs arrivaient, les cuisines s’ouvraient etc.. Ensuite nous avons investi le secteur de l’hôtellerie, là aussi les codes ont été challengés par Airbnb par exemple. Les hôtels se sont transformés en des lieux de vie. Aujourd’hui nous travaillons essentiellement sur des sujets hôteliers et de restauration, et aussi de bureau, par exemple ceux de Station F.
TG : A quels enjeux êtes-vous confrontés ?
M.M : Nous essayons à chaque fois de répondre aux attentes d’une nouvelle génération. Nos clients nous demandent d’amener une identité forte à un lieu, de raconter une histoire, c’est d’ailleurs pour cela que nous ne travaillons pas pour des particuliers. Nous essayons également d’intégrer plus de contraintes environnementales dans notre activité d’architecture d’intérieur. C’est un sujet de préoccupation majeur pour nous. Pour cela nous avons créé une structure qui s’appelle Casa Malapert, qui ne fait que des projets responsables. Nous collaborons avec le cabinet Carbon Saver qui aide les architectes d’intérieur à entreprendre des projets plus responsables. Nous travaillons aussi avec des marques d’ameublement éco-responsable comme Alki qui fait que du mobilier en bois ou Noma Editions.
TG : Comment dans un métier “trendy” envisage-t-on la durabilité, la circularité et l’éco-conception ?
M.M : Même si un chantier ne pourra jamais être complètement éco-responsable parce qu’il y aura toujours un bilan carbone négatif du fait de l’activité, nous essayons de réduire l’impact au maximum. En premier lieu, en récupérant lors de la démolition les matériaux pour les recycler. Nous faisons très attention à la circularité de nos matériaux, en envisageant dès le début comment certains matériaux peuvent être réutilisés sans être cassés ou jetés. Nous les sourçons d’ailleurs sur ce critère-là. Ensuite dans la conception architecturale, nous essayons de faire attention à notre empreinte également. Pour la plomberie, nous utilisons des limiteurs de débit d’eau. Pour l’électricité nous portons attention à la consommation en utilisant exclusivement des LED. Nous essayons aussi de réduire l’utilisation de la climatisation, de privilégier des peintures avec peu de solvants chimiques. Par ailleurs, nous amenons un peu moins de matières dans nos réalisations mais plus d’interventions artistiques, d’expériences comme des effets lumineux, de la végétation. En architecture d’intérieur il y a un renouvellement à prévoir tous les 8-10 ans parce que les tendances changent. Il faut donc les anticiper.
En architecture d’intérieur il y a un renouvellement à prévoir tous les 8-10 ans parce que les tendances changent. Il faut donc les anticiper.
TG : Comment accompagnez-vous vos clients sur ces préoccupations environnementales ?
M.M : Notre objectif est de faire en sorte que les clients intègrent des contraintes environnementales à leur tour, dans les usages. En mettant par exemple des fontaines à eau pour remplir des gourdes, en se demandant s’il est nécessaire de changer les draps tous les jours dans les chambres. Bien que certains le pensent encore, cela ne dégrade pas du tout l’expérience du client. Nous leur expliquons que la nouvelle génération attend des entreprises qu’elles respectent plus l’environnement. L’idée est de les accompagner sans marteler la dimension écologique ; nous faisons du beau avant tout. Par exemple, dans un hôtel à Bordeaux, nous avons créé un nuage en feuille de bois qui flotte au-dessus du bar et qui intègre le son et la lumière. C’est écolo et c’est beau.
TG : Qu’est ce que ces attentes changent pour votre métier ?
M.M : Cela nous demande d’avoir plus de créativité, de plus se creuser la tête. Pour moi ce n’est pas une contrainte, je fais ce métier là aussi pour son côté créatif. Nous faisons aussi plus attention à la durabilité des produits. L’idée est aussi que dans le futur tous les projets basculent sur l’agence Casa Malapert, ce qui signifierait qu’ils soient tous éco-responsables.
TG : Vous êtes créateur de lieu de vie, vous intégrez aussi la dimension bien-être dans vos projets ?
M.M : Il y a toute une partie que l’on ne maîtrise pas dans la dimension sociale du projet. On fait des hub de quartiers qui sont des lieux connectés à la vie autour, des lieux soit pour travailler, soit pour se détendre par exemple. Cependant toute la dimension sociale liée au fonctionnement du lieu ne dépend pas tellement de nous. C’est naturel pour nous que nos lieux soient des lieux de bien-être.