Illuminer les villes représente une pollution atmosphérique et lumineuse importante. Pour en diminuer l’impact, des chercheurs ont développé des façons de reproduire la lumière du vivant au moyen de bactéries bioluminescentes et de plantes génétiquement modifiées. Parmi les entreprises en pointe, Glowee et Woodlight, deux start up françaises qui font briller la France d’une lumière bleu lagon.
Le biomimétisme a décidément le vent en poupe. Plus d’une décennie déjà que les chercheurs, industriels et médias vantent les vertus de cette approche qui s’inspire des sélections naturelles du vivant pour obtenir des technologies performantes. Parmi elles, on peut citer le train japonais Shinkansen dont le nez s’inspire du bec des martins-pêcheurs pour mieux fendre le vent. Ou bien l’architecture bioclimatique née des termitières pour mieux faire circuler l’air dans un bâtiment. Ou encore les combinaisons de natation et le fuselage des avions dont la portance s’est améliorée grâce à la peau hydrodynamique des requins. Les exemples sont légion, et celui du jour est tout aussi impressionnant : la bioluminescence des organismes vivants.
L’éclairage urbain, 5 % des gaz à effet de serre mondiaux
La nature produit sa propre lumière depuis la nuit des temps. Certaines bactéries photogènes émettent depuis presque 4 milliards d’années de la lumière dans l’océan. Des mers de lait composées de milliards de bactéries, mais aussi de plancton, des organismes végétaux qui illuminent les nuits depuis les Caraïbes jusqu’en Tasmanie. Et c’est sans compter les lucioles, les vers luisants, les méduses, les poissons abyssaux et même certains types de champignons. Il n’était donc qu’une question de temps avant que la science tente d’imiter le vivant, ne serait-ce que pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et notre pollution lumineuse. Car l’éclairage urbain représente à lui seul 19 % de la consommation électrique mondiale, et près de 5 % des émissions de gaz à effet serre. Sur le plan financier également, le tribu est lourd. L’éclairage représente près de la moitié de la facture d’électricité des collectivités françaises. Un coût financier, énergétique et climatique qui pourrait être vite restreint. Les chercheurs du monde entier ont donc naturellement expérimenté des tas de techniques pour créer de la « lumière vivante ». Par exemple, transmettre la bioluminescence de la luciole à une plante. Un projet baptisé Glowing Plants qui, après une tentative réussie en 2013, a dû être avorté malgré une généreuse levée de fonds, faute de résultats suffisants. Mais les recherches ne se sont pas arrêtées là.
Woodlight, les plantes luminescentes de demain
En 2017, une équipe du MIT a réussi à intégrer des enzymes de luciole dans du cresson, des épinards, du chou frisé et même de la roquette. Les plantes émettaient une faible lueur, presque assez pour une lampe de chevet. En 2020, la startup russe Planta est parvenue à transférer les gènes bioluminescents d’un certain type de champignons dans l’ADN de plants de tabac. Les plantes brillaient d’une jolie teinte verte. C’est dans ce contexte que l’entreprise Woodlight, fondée en 2016 par un couple de biologistes strasbourgeois, est parvenue à greffer des gènes de lucioles, de méduses et de poissons sur différentes plantes afin de constituer une alternative à l’éclairage public. Une façon de rajouter de la verdure en ville, d’éclairer les parcs et de proposer des balisages apaisants, mais aussi de réduire le coût environnemental de l’éclairage. Pour le moment, la start-up est en phase de prototypage, et pourrait commercialiser ses premières plantes luminescentes d’ici 2025. Pour répondre aux critiques sur les risques d’une fertilisation des plantes génétiquement modifiées sur leurs voisines naturelles, Woodlight étudie en outre les possibilités d’une infertilisation de ses végétaux, ce qui les rendrait compostables et non bouturables. Une circularité parfaite qui éviterait tout soupçon, les OGM étant mal vus en France.
Glowee, un éclairage par bactéries bioluminescentes
La deuxième entreprise française pionnière en matière d’éclairage luminescent s’appelle Glowee. Basée à Paris, la start up créée en 2014 est partie sur un autre créneau, loin des manipulations génétiques. Son idée : concevoir une lumière liquide dont la bioluminescence provient de bactéries photogéniques. Ces dernières sont nourries à l’eau de mer et peuvent avoir une durée de vie illimitée si leur alimentation est fréquente. À la différence de Woodlight, Glowee commercialise d’ores et déjà ses installations. L’entreprise a notamment créé des Glowzenroom, des espaces de repos bioluminescent couleurs lagon. Ces derniers ont été installés dans des spas, mais aussi dans la ville de Rambouillet en Ile de France, à destination des soignants. Rambouillet a d’ailleurs signé un contrat avec Glowee pour l’installation à l’automne 2022 d’un écran d’annonces dont la lumière sera bioluminescente. L’occasion d’étudier les effets des saisons, des températures et potentiellement du vandalisme sur cette « lumière vivante ». Le personnel de la mairie devra nourrir les bactéries une fois par semaine, mais pas d’inquiétude, c’est aussi facile que de nourrir son poisson selon la direction de la ville. Le jeu en vaut la chandelle, la couleur bleu lagon des bactéries bioluminescentes étant parfaitement appropriée à l’éclairage des parcs, monuments, panneaux et signalétiques de nos villes.