Victime de sa renommée, le mot très polysémique « impact » risque aujourd’hui d’être emporté par une vague de greenwashing. Vite, arrimons-le, avec la force du dialogue et du consensus, à une solide définition et à des actions communes, engageantes et mesurables.
Lorsque l’on entend plus que l’on ne voit, lorsque les paroles occupent plus de terrain que les actes, alors pas de doute, le grand greenwashing n’est pas loin. Or s’il y a bien un mot qui ne peut se contenter de paroles, c’est l’impact !
Quand il n’a plus été question d’en faire moins, mais plus
Publié en 1987, le rapport Brundtland est le document fondateur du développement durable qu’il définit ainsi : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » En liant les destins des générations, en adressant les conséquences des actions d’une génération sur l’autre, Gro Harlem Brundtland faisait naître la notion d’impact.
L’impact est alors un résultat négatif et il devient primordial de le diminuer : émissions de CO2, consommation de matières premières et des ressources en eau. La conférence de Rio, puis la publication de l’ISO 26000, standard fondateur de la responsabilité sociétale des organisations, viendront appuyer la nécessité de réduire les externalités négatives. Ce sont la COP de Paris 2015 et l’adoption de l’agenda 2030 et de ses 17 ODD qui viendront changer la donne en demandant aux organisations non seulement de réduire mais aussi de tirer de ces réductions une nouvelle valeur ajoutée. Un souhait à la hauteur de l’urgence climatique qui engage aujourd’hui les acteurs dans l’évolution de leurs business modèles et de leurs gouvernances pour un impact désormais dit… positif. Le plus grand drame pour ce mot serait donc d’ignorer cet héritage bibliographique. Se reporter ainsi à son histoire et à celle de la RSO nous rappelle que l’impact, oscillant entre faire moins et obtenir plus, est bien comptable et mesurable.
L’heure est venue de s’entendre sur une définition
C’est notre capacité à structurer la démarche, la méthodologie et l’évaluation de l’impact qui le rendra effectif et écartera tout soupçon de greenwashing. Si l’on ne l’assoit pas très prochainement avec une robustesse technique et scientifique, nous risquons de beaucoup parler, d’agir peu et d’avancer de manière désordonnée, à un moment où les rapports du GIEC sont de plus en plus alarmants. Il en va de la crédibilité des engagements des organisations.
Pas de place pour les définitions et les référentiels privés où chacun mesurerait l’impact à sa façon : il faut consensus et union à l’échelle de l’Europe.
N’oublions pas aussi que l’impact est un phénomène transactionnel. Dès lors qu’il réforme la façon dont on produit de la richesse, il touche au business modèle et transforme la façon dont on pratique le commerce, si tant est qu’on soit nombreux à emprunter cette route. L’impact est moteur du collectif : il le tire vers le haut et crée un effet de masse.
Définissons collectivement les objectifs et les engagements que doivent porter la mesure d’impact en France et en Europe ainsi que la notion d’impact positif. Apprenons à l’apprécier à court, moyen et long terme afin de l’adapter au rythme des organisations. N’ayons pas peur des chiffres, n’ayons pas peur d’évaluer et de comparer nos efforts pour faire progresser le collectif. C’est le premier pas vers l’harmonisation et la normalisation du reporting extra-financier autour des critères ESG et la condition sine qua non d’une société durable partageant un même langage, un même horizon : 2030.
Alain Jounot, Directeur de la RSE, groupe AFNOR