L’enjeu économique, social et environnemental de nos entreprises se résume actuellement à une mesure : celle de la dépense énergétique. Le tournant se veut radical avec un objectif ambitieux affiché par notre gouvernement, à savoir une réduction de 40% de cette dépense à l’échelle du pays d’ici 2050. Alors, à l’aune des prochains mois, traditionnellement temps forts de consommation, durant lesquels nos enseignes rivalisent de créativité pour illuminer l’expérience de leurs clients, la question se pose : comment peuvent-elles dépasser les mesures de bon sens, pour œuvrer plus activement à l’impératif de sobriété, tout en préservant une expérience qualitative et profitable ?
Pour les marques, revoir intégralement la stratégie retail.
Tout part de là. Car de cette stratégie globale découleront naturellement des actions concrètes et mesurables. En premier lieu, attardons-nous sur l’enjeu de maillage territorial, historiquement au cœur des préoccupations des marques. J’en veux pour preuve cette donnée : une enseigne française de prêt-à-porter à laquelle nous nous sommes intéressés possède aujourd’hui plus de trente points de ventes rien qu’à Paris intra-muros ! Tandis que croissance a ainsi souvent rimé avec multiplication, mais aussi agrandissement, des boutiques, au détriment d’une empreinte carbone raisonnable, et parfois même d’une rentabilité avérée, nos enseignes se doivent aujourd’hui de revoir leur copie sur ce point. Pourquoi ne pas imaginer de disposer seulement de quelques hubs d’expériences fortes – porteurs des messages de la marque, et porteurs de sens pour ses clients – et de composer le restant du réseau de points de vente « transactionnels » plus compacts ? Aussi, dans leur conception même, il demeure de nombreux efforts à faire pour assouplir les méthodes industrialisées, et adapter les cahiers de charges (liés aux codes mêmes de la marque) aux matériaux et savoir-faire locaux.
Pour les designers, penser différemment les magasins.
En ce qu’elle constitue une dépense énergétique non négligeable, l’on a tendance aujourd’hui à considérer que la technologie n’a plus de sens si elle n’est pas parfaitement pensée pour permettre un impact environnemental positif. Les points de vente pourraient en être la parfaite illustration ! Aussi, à mon sens, toutes les innovations qui peuvent être portées par le smartphone du client doivent disparaître de nos boutiques. Exit les tablettes et écrans qui permettent seulement d’accéder à des services et offres de la marque donc, et exit aussi les multiples étapes de paiement… A contrario, d’autres technologies, telles que le VTO (Virtual Try On) par exemple, peuvent, elles, promettre un merchandising plus sobre. En effet, en proposant au client d’effectuer une pré-sélection poussée sur modèle (matières, couleurs, finitions…) avant l’achat réel, il enjoint la boutique à se libérer d’une surcharge de produits… Et donc à réduire son format ! CQFD. Enfin, et bien que cela sonne comme une évidence aujourd’hui, il est urgent que nos magasins deviennent enfin moins gourmands en PLV (Publicité sur le Lieu de Vente) ou autres installations jetables. Leur animation, certes fondamentale, doit prévoir de savoir évoluer et se renouveler sans nécessiter de nouveaux matériels régulièrement (les vitrines de Noël en partenariat avec Lego dévoilées par Louis Vuitton en sont un bon exemple).
Pour les directions des boutiques, rectifier le modèle d’exploitation.
Là encore, les pistes sont nombreuses, et en appellent à une petite révolution des usages. En tout état de cause, il serait de bon ton de réduire les quantités des produits exposés. L’exhaustivité des références n’est plus un impératif attendu par les clients, suscite bien trop de colis transportés à travers le monde, et provoque toujours des soldes et autres déstockages qui ne séduisent, en réalité, plus personne. Par ailleurs, de nombreuses clés se trouvent dans les créneaux d’ouverture des boutiques. En effet, il serait pertinent de connaître le taux de fréquentation d’une boutique de prêt-à-porter un mardi matin ! Or, elle est malgré tout ouverte, allumée, animée, et les dépenses énergétiques associées ne sont donc ni justifiées, ni rentabilisées. Pourquoi ne pas ainsi réduire les plages horaires d’ouverture et les adapter au taux de fréquentation usuel, selon la localisation ou le secteur concerné ? Dans ces temps de pénurie de profils de vendeurs et de vendeuses, gageons que de tels efforts trouveraient beaucoup de sens, et réduiraient considérablement, dans le même temps, une dépense énergétique qui n’est, disons-le, plus acceptable.