(contenu abonné) En Egypte, premier pollueur au plastique du Moyen-Orient et d’Afrique, de jeunes entrepreneurs tentent de transformer les millions de tonnes de plastique qui inondent le Nil, la Méditerranée et les décharges à ciel ouvert.
L’Egypte est un pays de 104 millions d’habitants où 67% des déchets « ne sont pas gérés adéquatement » selon la Banque mondiale. Il vient de engager à diviser par deux sa consommation de plastique à usage unique d’ici 2030. Mais avant cela, de jeunes protecteurs de l’environnement et des ingénieurs ont décidé d’utiliser les déchets plastiques tout de suite: les premiers les sortent des eaux du Nil et les seconds en font des briques, une alternative verte au ciment et à sa lourde empreinte carbone. Les plus de trois millions de tonnes de déchets plastiques produites chaque année en Egypte se retrouvent souvent dans des décharges illégales qui se déversent dans le Nil et la Méditerranée où elles empoisonnent la faune aquatique.
Plus de plastique que de poisson
Plus de trois quarts des poissons pêchés au Caire dans le plus grand fleuve d’Afrique contiennent des micro particules de plastique alerte une étude publiée en 2020. Plus au nord, à Alexandrie, ce chiffre atteint 92% indiquent cette année des chercheurs l’Institut égyptien de l’océanographie et de la pêche. Au Caire, sur l’île de Qoursaya, pour arrondir leurs fins de mois, des pêcheurs ont commencé à remplir leurs filets de plastique.
Hany Fawzy, responsable de projet chez VeryNile, un projet soutenu par le ministère de l’Environnement, achète « entre dix et 12 tonnes de plastiques chaque mois » à 65 pêcheurs qui collectent et trient les déchets à même leurs embarcations. Le plastique est ensuite compressé puis recyclé ou incinéré comme carburant dans une usine de ciment du Sud.
Selon l’OCDE, moins de 10% du plastique dans le monde est recyclé, notamment en raison de la difficulté ou du coût du procédé. De nombreux produits plastiques, et plus particulièrement les emballages flexibles contrecollés comme ceux des paquets de chips, sont « composés de différentes couches de plastique et d’aluminium presque impossibles à séparer et donc à recycler« , affirme Khaled Raafat, cofondateur de la start-up TileGreen. « La plupart du temps ce plastique sans ou à très peu de valeur termine dans des décharges, incinéré ou dans notre environnement, nos mers et nos cours d’eau« , renchérit son associé Amr Shalan.
Une goutte dans l’océan
Derrière lui, une broyeuse avale du plastique pour le recracher sous forme de briques à la couleur foncée « deux fois plus solides que le béton« , s’enorgueillit M. Rafaat en jetant une brique sur le sol. « Seuls 11 à 15% des déchets plastiques sont recyclés en Egypte chaque année. On travaille avec des entreprises de recyclage et on récupère ce qu’ils ne peuvent pas utiliser« , explique M. Shalan. Une brique, dit-il c’est 125 sacs en plastique. TileGreen en a déjà produit 40.000 et se fixe comme objectif d’avoir recyclé entre trois et cinq milliards de sacs plastique d’ici 2025.
Mais ce ne sera sûrement toujours pas assez. Selon l’OCDE, la production annuelle de plastique devrait tripler en 2060 à 1,2 milliard de tonnes. Dans le même temps, un autre chiffre va doubler : celui des 100 millions de tonnes de déchets plastiques non recyclées ou abandonnées dans la nature chaque année.
« Le plastique ne va pas disparaître. Avec leurs initiatives, ils ont créé un marché et vu qu’il y avait clairement de la demande« , analyse Mohamed Kamal, codirecteur de Greenish, qui a aidé à créer VeryNile. « Tout ce qui crée de la valeur à partir des déchets en Egypte est un pas en avant« , martèle-t-il. « Mais on reste à la surface et ça ne résout pas le problème de fond« .
Papier réalisé avec l’AFP.