(contenu abonné) Pour le directeur associé et expert de la branche Innovation du groupe EPSA, il faut travailler sur l’attractivité et la fierté de l’industrie, véritable ciment des territoires, catalyseur social, créateur d’emplois locaux, garant d’un approvisionnement maîtrisé et d’une souveraineté industrielle, consommateur et producteurs des innovations et de R&D.
Made in France, relocalisation, protectionnisme… la question de la réindustrialisation de la France divise les économistes. Cependant, tous sont unanimes : la France a besoin d’une industrie forte pour être souveraine. Or, les entreprises ont besoin de réaliser des investissements pour être plus compétitives, répondre aux nouvelles attentes, se transformer face aux différentes crises récentes, se développer et perdurer. Pour Charles-Edouard de Cazalet, directeur associé et expert de la branche Innovation du groupe EPSA, l’Etat a un rôle accru à jouer dans la reconstruction d’un parc industriel rénové, moderne, attractif… tant au niveau des technologies, que de la productivité, du design, du respect de l’environnement et de l’économie des ressources (énergie, eau, etc.) pour en refaire un atout. Selon lui, il faut travailler sur l’attractivité et la fierté de l’industrie, véritable ciment des territoires, catalyseur social, créateur d’emplois locaux, garant d’un approvisionnement maîtrisé et d’une souveraineté industrielle, consommateur et producteurs des innovations et de R&D. Voici ses 4 conseils pour rendre l’industrie française attractive.
1/Faciliter les démarches (rôle des villes et des préfets pour simplifier et recréer de l’emploi et du dynamisme local / rôle de l’Etat pour créer les infrastructures).
Les projets industriels souffrent aujourd’hui de freins réglementaires liés notamment à un séquençage des autorisations nécessaires (permis de construire, environnement…) sans compter les différents recours possibles. Un des axes d’amélioration est d’accélérer ces procédures et Emmanuel Macron s’est engagé à réduire le délai à 9 mois maximum, au lieu d’un délai moyen de 17/18 mois aujourd’hui. A ce titre, la rationalisation des interlocuteurs en charge de ces autorisations et la mise en place d’un guichet unique pourrait être une bonne idée, par exemple au niveau des préfectures qui ont l’avantage d’être ancrées localement et de représenter l’Etat.
2/Aider fortement les projets d’usines innovantes belles, décarbonées et économes pour que l’État soit un accélérateur de l’industrie de demain, de l’industrie verte.
Le tissu industriel français souffre d’un manque d’investissements depuis plusieurs décennies et il est aujourd’hui nécessaire que l’Etat soit un accélérateur « financier » dans leur modernisation pour répondre aux défis actuels (décarbonation, productivité, environnement…), et pas seulement dans les secteurs de pointe car la France a besoin d’une industrie forte dans beaucoup de secteurs. Il faut également être attentif à ce que ces aides ne s’orientent pas principalement vers les PME pour des questions réglementaires, mais également vers des ETI et des grands groupes qui ont la capacité de développer des projets d’envergure à rayonnement international.
3/Mettre en lumière et médiatiser ces industries, au même titre que la start-up nation (équivalent d’un Next40 / top 40 industries) pour redevenir fiers de nos industries et en faire des employeurs attractifs et des marques enviables.
L’industrie française souffre d’un déficit d’image chronique, y compris dans des secteurs qui font sa fierté en France et à l’international (nucléaire, aéronautique, ferroviaire, automobile, énergie, agroalimentaire, luxe etc…). Au même titre que nous avons réussi à faire du secteur des start up un fer de lance économique avec une image très positive et une attractivité forte, en France comme à l’étranger (les fonds d’investissement internationaux sont nombreux à participer aux levées de fonds de nos start up), nous devrions mettre en place un dispositif de mise en valeur de l’industrie et de ses métiers. A ce titre, E. Macron a évoqué le renforcement des parcours de formation qui permettront de répondre aux futures créations d’emploi industriel, mais nous pouvons aller plus loin.
4/Lutter rapidement et fortement contre le dumping de pays tiers : dumping économique (USA avec l’IRA : mettre une pression forte pour une réaction européenne coordonnée), dumping social (pays asiatiques : renforcer les contraintes environnementales et sociétales à l’importation).
L’Europe est à l’avant-garde de la réglementation environnementale et sociale mais se heurte à une difficulté d’alignement entre ses membres pour répondre à des pays qui ne partagent pas nos valeurs ou nos exigences. Néanmoins, les 2 grandes puissances économiques mondiales que sont les Etats-Unis et la Chine ne nous ont pas attendu pour mettre en place des mesures protectionnistes. Il est urgent de se doter d’instruments budgétaires et réglementaires pour lutter à armes égales. A ce titre E. Macron a semblé vouloir faire preuve de courage politique dans cette direction. Espérons qu’il arrive à convaincre ses partenaires européens de suivre cette posture.