De manière générale, l’étude souligne d’importantes contradictions dans la perception par les administrateurs des questions environnementales…
Développement des fonds activistes, non renouvellement d’administrateurs ou sélection de profils plus engagés dans une gestion durable des entreprises… les exemples illustrant l’importance des critères ESG au sein des conseils d’administration se multiplient. Dans quelle proportions les administrateurs ont-ils pris la mesure de la transformation en cours ? Sont-ils en mesure d’influencer le débat ? Pour y répondre, Heidrick & Struggles, BCG et l’INSEAD révèlent le 20 septembre les résultats de leur étude sur la gestion des problématiques environnementales au sein des conseils d’administration. Cette enquête s’appuie sur les retours de 879 administrateurs d’entreprises cotées et non cotées dans 45 pays à travers le monde et dans 19 secteurs d’activité.
Une lecture paradoxale de la question climatique
Malgré des attentes sociétales toujours plus fortes et une incitation accrue du législateur quant à l’engagement environnemental des entreprises, la plupart des conseils d’administration ne ressentent pas aujourd’hui de pression financière pour agir sur les questions de développement durable. Ainsi, 68% des personnes interrogées déclarent que les questions environnementales n’ont actuellement « aucun effet » ou qu’un « effet relatif » sur la performance financière de leur organisation. Parallèlement, seuls 10% des sondés considèrent, a contrario, qu’elles auront une incidence négative à long terme. Des données paradoxales dans la mesure où une majorité de répondants déclarent parallèlement agir en matière d’ESG, soit parce qu’ils estiment que c’est « juste » (52%), soit parce qu’ils sont contraints de le faire par les réglementations en vigueur (51%).
De manière générale, l’étude souligne d’importantes contradictions dans la perception par les administrateurs des questions environnementales. Bien qu’une grande majorité des répondants interrogés (79%) déclarent que leur conseil appréhende très bien les opportunités et les risques stratégiques que présente le développement durable, seuls 29% se sentent en capacité de questionner et de contrôler le déploiement de la stratégie de leur entreprise en la matière. A fortiori, seuls 34% déclarent être en mesure d’anticiper l’impact de la crise climatique sur l’entreprise à moyen terme. Une proportion insuffisante compte tenu de la gravité des enjeux et de la pression croissante qu’exercent les investisseurs et les talents sur le sujet, soulignée par 41% du panel.
Un problème de casting
L’une des explications avancées par l’étude pour illustrer ces disjonctions relève du recrutement des administrateurs. Ainsi, 48% des répondants confirment que les connaissances ou l’expérience en matière de développement durable ne sont « pas du tout » ou « peu » prises en compte pour la sélection des membres de leur conseil d’administration. Par ailleurs, 24% des sondés déclarent que l’expérience en matière de développement durable ne fait « pas du tout » partie des critères d’évaluation pour le recrutement du PDG de leur entreprise.
Résulte de cette omission une insuffisante prise en compte de la question climatique dans les prises de décision. Ainsi, 66% des sondés considèrent que l’environnement devrait être pleinement intégré à la réflexion stratégique de l’entreprise, mais seuls 38% affirment que c’est le cas aujourd’hui. Et ce, en raison notamment d’un manque de temps lié au traitement de sujets considérés comme plus prioritaires par 72% des répondants, mais aussi d’un manque d’informations disponibles. 89% des répondants citent principalement la direction générale de l’entreprise comme leur premier pourvoyeur d’informations sur la question environnementale. À peine plus de la moitié (51%) ont accès à des briefings d’experts externes et seuls 12% font intervenir un conseiller externe permanent pour les aider dans leur prise de recul sur le sujet. Autant de lacunes qui font obstacle à une réflexion éclairée pour trouver des réponses viables et crédibles à la crise qui se dessine.
« Les administrateurs n’ont pas tous pris la mesure des enjeux que comporte la transformation durable de leur entreprise. Leur implication et leur capacité à remettre en cause l’ordre établi sont pourtant cruciales pour développer de nouvelles sources d’avantage concurrentiel et faire de cette transformation une opportunité de création de valeur. Se conformer aux exigences de reporting ne suffira pas à assurer la performance des entreprises sur le long terme. Afin de jouer pleinement leur rôle, les conseils d’administration doivent être formés et équipés sans plus attendre », observe Stanislas Nowicki, directeur associé au BCG.
Méthodologie : L’étude menée par Heidrick & Struggles, BCG et l’INSEAD Corporate Governance Centre a permis de recueillir les points de vue de 879 personnes, interrogées dans plus de 25 pays et dans 19 secteurs d’activité. Parallèlement, une série de tables rondes et de discussions ont été menées avec quelque 200 administrateurs à travers le monde. Les répondants à l’enquête, menée au début de l’année 2023, ont une expérience éprouvée en tant qu’administrateurs : les deux tiers d’entre eux sont membres de conseils d’administration depuis au moins six ans, et un tiers a exercé ses fonctions pendant plus de dix ans. Par comparaison avec les résultats d’une enquête similaire publiée l’année dernière (2022), l’édition 2023 se fonde un panel de répondants trois fois supérieur afin de refléter avec encore plus d’acuité la perception des questions environnementales par les conseils d’administration.