30/10/2023

Temps de lecture : 3 min

Trois conseils d’Isabelle Lefort (Paris Good Fashion) pour une gestion responsable des déchets textiles

(contenu abonné) Reconnaissons-le, nos placards pour beaucoup sont remplis de vêtements et/ou de chaussures dont nous ne savons plus que faire. Les bornes de collecte des vêtements usagés en France débordent...

(contenu abonné) Reconnaissons-le, nos placards pour beaucoup sont remplis de vêtements et/ou de chaussures dont nous ne savons plus que faire. Les bornes de collecte des vêtements usagés en France débordent.

Faute de technologies de recyclage, d’absence d’habitudes culturelles et de solutions encore trop balbutiantes de réparation, la majorité des vêtements usagés partent à l’export. Les consommateurs n’en ont pas conscience, mais en réalité, selon l’eco-organisme Refashion, 80% des tonnes de textiles collectées en France, sont exportées (rapport d’activité Refashion, 2021).

Au niveau européen, depuis 20 ans, les quantités de textiles usagés exportées ont triplé pour atteindre près de 1,7 million de tonnes en 2019. Ce qui représente environ 3,8 kilogrammes par personne, soit 25 % des quelque 15 kg des textiles consommés chaque année dans l’UE. (EEA.europa.eu/publications/eu-exports-of-used-textile)

Le devenir des textiles usagés exportés par l’UE est très incertain car ils intègrent un commerce international morcelé. Cette organisation peu connue du grand public, s’oppose à la perception des citoyens, qui pensent que leurs dons de vêtements usagés sont des soutiens aux personnes dans le besoin.

Les immenses quantités concernées, la qualité très incertaine de ces textiles et l’insuffisance des infrastructures locales de gestion des déchets entraînent souvent leur dépôt dans des décharges à ciel ouvert, exerçant une pression considérable sur l’environnement et les communautés concernées.

Déjà, les médias alertent depuis plusieurs mois sur les conséquences dramatiques de ces exportations en Afrique, au Ghana et au Kenya, mais aussi en Amérique du Sud, au Chili par exemple. L’effet médiatique retombe sur la totalité de la profession. Les prises de parole fortes, des ONG, en particulier de The Or Foundation pour faire bouger les lignes alimentent le débat.

Ces alertes ont tout leur sens au vu de la situation sur place. Sur le marché de Kantamanto d’Accra, outre la pollution environnementale qui se traduit chaque jour par des milliers de vêtements non exploitables qui sont déposés dans la nature, sur les plages notamment, c’est la précarité de ce commerce, les risques mortels encourus par les vendeuses qui portent les balles de 60 kilos sur la tête qui font prendre la mesure de la nocivité de ces exportations.

Pour trouver des solutions et réduire l’impact environnemental et social de l’export des textiles usagés, Paris Good Fashion a lancé avec Vestiaire Collective et le soutien de l’Institut Français de la Mode, un groupe de travail en décembre 2022.

Nous avons présenté nos travaux aux représentants de la Commission européenne et du Parlement, dans le cadre de la révision de la Directive cadre relative aux déchets. Cette révision vise notamment à élargir le principe de filière REP (responsabilité élargie des producteurs) à l’ensemble des pays européens.

Dans notre Position Paper, nous formulons 6 recommandations concrètes.

Tout d’abord, nous demandons de réviser la hiérarchie des déchets par une évaluation indépendante et comparative de l’impact environnemental et social de l’expédition hors de l’UE des textiles usagés par rapport au recyclage au sein de l’UE.

Deuxièmement, nous souhaitons que des critères précis définissent ce qui permet de justifier d’un changement de statut de déchet pour devenir textile usagé. Ces critères pourraient par exemple être relatifs aux pratiques de tri, pièce par pièce.

Troisièmement, il nous parait essentiel d’exiger des standards de qualité des textiles composant les balles de textile destinées à l’exportation, avec des audits réguliers pour vérifier la conformité.

Nous préconisons également une plus grande traçabilité avec accréditation et contrôles des performances des installations de tri.

Il est primordial de veiller à ce que les pays destinataires disposent d’une capacité avérée à traiter les déchets textiles et les vêtements usagés.

Enfin, il est essentiel de tirer parti des organisations en charge de la REP textile pour soutenir le renforcement des capacités dans les pays qui ne disposent pas d’infrastructures de gestion des déchets textiles.

D’un bout à l’autre de la chaîne, nous sommes tous responsables. Et tout ce travail ne doit pas nous exempter de la nécessité de réduire le volume de production. Aujourd’hui, trop de vêtements sont mis sur le marché. Il importe, en particulier à la fast fashion, et plus encore à l’ultra fast fashion, de réviser leurs business modèles.

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