(contenu abonné) Les experts du Giec connaissent depuis le 20 janvier l’ampleur de leur programme: leur 7e cycle de travaux, qui mettra l’accent sur l’adaptation au changement climatique, doit accoucher de plusieurs rapports d’ici 2029, dont un spécialement dédié aux villes, mais les principales publications ne seront pas prêtes avant 2027.
La structure des travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a été adoptée samedi 20 janvier matin à Istanbul, une fois un consensus trouvé entre les délégués des 120 pays représentés, après quatre jours de débats et une nuit supplémentaire de négociations. Des voix scientifiques et écologistes réclamaient un changement radical pour le Giec, espérant l’abandon des rapports volumineux au profit de publications thématiques plus ciblées, plus rapides, sans attendre la fin de la décennie 2020, cruciale vu la trajectoire actuelle de l’humanité. Les émissions mondiales doivent baisser de 43% entre 2019 et 2030 pour espérer limiter le réchauffement climatique à +1,5°C depuis l’ère pré-industrielle, comme prévu par l’accord de Paris, a estimé précédemment le Giec. Or la décrue n’a pas encore commencé et cette limite sera probablement atteinte entre 2030-2035, selon leurs estimations.
Finalement le 7e cycle du Giec suivra le modèle du précédent, conclu en 2023, avec la publication d’une synthèse prévue « pour la fin 2029 », selon un communiqué. Elle sera précédée par les rapports intermédiaires des trois groupes de travail habituels : le premier sur les bases physiques du réchauffement climatique ; le second sur l’adaptation et les vulnérabilités de l’humanité et des écosystèmes ; le troisième sur les solutions pour limiter le réchauffement. La synthèse de 2029 ne pourra donc pas alimenter le deuxième bilan mondial de l’accord de Paris, prévu lors de la COP33 en 2028, a regretté l’ONG américaine Union of Concerned Scientists (UCS), même si des rapports le seront avant. Le premier bilan de l’accord de Paris a accouché à la COP28 de Dubaï, en décembre, d’un accord inédit ouvrant la voie à la sortie des énergies fossiles, malgré d’importantes concessions à l’industrie et aux pays producteurs.
« Techniquement il n’aurait pas été possible d’avoir une synthèse prête à temps pour le deuxième bilan mondial », a expliqué le climatologue Robert Vautard, coprésident du 1er groupe de travail. Mais les pays ont donné mandat au Giec pour tenter de trouver le moyen de rapprocher le calendrier de publication des trois groupes de travail avec celui du bilan mondial, selon le scientifique français. « Il y a eu unanimité sur le fait que ces rapports » des groupes « ne doivent pas être tronqués ni moins exhaustifs », pour conserver toute leur crédibilité scientifique, a précisé M. Vautard. Créé en 1988 et mandaté par l’ONU, le Giec ne publie pas d’études mais établit une synthèse du consensus académique dans tous les domaines concernés par le changement climatique. Ses travaux sont la référence scientifique principale dans les négociations climatiques internationales, et donc dans les COP annuelles.
Accent sur l’adaptation
Dans le 7e cycle, « l’accent est mis sur l’adaptation au changement climatique », a déclaré Jim Skea, président du Giec. A cet effet, le Giec va établir des indicateurs et des recommandations nouvelles pour mesurer les efforts d’adaptation (aux inondations ou à la sécheresse via infrastructures de protection, déplacements de résidences, changement d’agriculture, etc.). Déjà annoncé et très attendu, le rapport spécial sur « le changement climatique et les villes », où vit plus de la moitié de l’humanité, a été confirmé au programme, prévu pour 2027.
« Ce rapport est extrêmement important car il y a des solutions pour l’adaptation des villes et pour la réduction de leurs émissions qui peuvent être mises en place rapidement au niveau local », sans besoin d’attendre un accord international, a expliqué Robert Vautard. Le Giec doit aussi produire un document inédit sur les méthodes, balbutiantes et controversées, de captage du CO2. Autre élément clé au menu: une nouvelle méthodologie doit être élaborée pour mieux évaluer les émissions et l’impact des polluants à courte durée de vie (méthane, oxyde d’azote et particules), moins bien maîtrisés que le CO2 alors qu’ils jouent un rôle majeur dans le réchauffement climatique causé par l’activité humaine.
Benjamin LEGENDRE (AFP)