(contenu abonné) Le pôle « prospective » de Pernod Ricard s’est penché sur les futurs possibles. Bien plus qu’une étude sur les tendances de consommation, en sont sortis quatre scenarios de société possibles en 2050, du plus sombre au plus souhaitable.
En 2050, comment consommerons-nous ? Quelles seront les tendances culturelles émergentes ? Comment se portera la planète ? Quelles sera le climat social ? Autant de questions auxquelles tente de répondre le pôle Cultural Foresight (prospectives culturelles) de Pernod Ricard. « Nous nous sommes demandé comment le changement climatique impacterait nos moments de convivialité et notre manière d’être ensemble », commente Daphnée Hor, responsable prospectives chez Pernod Ricard. Lors d’une présentation à la presse le 29 février 2024, elle est revenue sur les quatre scenarios de futurs possibles. Elle commence par la version la plus pessimiste, au nom anxiogène : « Apocalypse express ». Le chaos règne, les ressources se raréfient, l’inefficacité climatique a fait grimper les températures de 2,2°C et l’utilisation des combustibles fossiles reste la norme. L’Accord de Paris devient caduc, aucune coopération mondiale s’avérant efficace. En parallèle, les inégalités sociales s’accentuent et, à l’échelle 2047, ours, éléphants et rhinocéros disparaissent de la surface du globe. « C’est vraiment le scenario de la discorde, c’est un monde où on ne trouve pas le consensus nécessaire pour conduire le changement, car il y a de trop grandes rivalités régionales et de trop grandes tensions géopolitiques », résume Daphnée Hor.
A l’opposé de ce scenario, la prospectiviste présente « Eco-harmonie ». L’émancipation des femmes fait baisser le taux de fécondité, les villes se réfléchissent désormais en symbiose avec la nature. Cette dernière voit d’ailleurs ses droits inscrits dans la plupart des constitutions, au même titre que les humains. « Le Sud gagnera en influence. L’économie deviendra véritablement circulaire et toutes les ressources seront ultra-valorisées, poursuit Daphnée Hor. Ce scénario n’est pas une utopie. Il repose sur une prise de conscience collective et une acceptation des populations de changer en profondeur les habitudes de consommation pour atteindre la neutralité carbone, sinon en 2050 au moins en 2075. »
Un score éco-crédit
Entre ces deux scenarios, Pernod Ricard a fait émerger deux alternatives aux tonalités douces-amères. L’une est baptisée « Totalitarisme vert » et fait état d’un monde où la décroissance est forcée. La protection de l’environnement se fait au prix des libertés individuelles. Certes la quantité de carbone diminue drastiquement et la hausse des températures est contrôlée, mais chaque citoyen doit désormais se soumettre à un « score éco-crédit » : les émissions de carbone, les déchets, la consommation d’eau, les modes de transport sont mesurés pour chaque individu. Il se voit attribuer un score qui fera office de monnaie et lui permettra de consommer de nouvelles ressources. « C’est le monde de l’hypersurveillance, du data-tracking, insiste Daphnée Hor. Tous nos comportements, nos achats, nos déplacements seront scrutés. » Chacun devra émettre, annuellement, 1,3 tonne de CO2. Sachant que le Giec estime que les individus actuels émettent chaque année 4 tonnes de CO2…
Le dernier scenario envisagé est « Plaisir d’abord, planète ensuite ». Dans cet entre-deux, le confort personnel passe avant tout : les marques de la fast-fashion continuent de prospérer, la population mondiale moyenne s’enrichit et la pollution atmosphérique s’aggrave. Les températures des plus grandes métropoles grimpent, mais la mode trouve la parade avec des produits technologiques rafraichissants. « C’est le monde où on se rend à des manifestations pour le climat, mais dans son SUV », résume l’experte. Similaire à notre monde actuel, il présente certes des progrès mais beaucoup trop lents.
En finir avec le cercle vicieux
A ce jour, chacun de ces scenarios peut encore se réaliser. Ils sont issus de travaux s’appuyant notamment sur les données du Giec et des outils de veille prospective. La méthodologie se veut rigoureuse. « Ce sont les incertitudes et les moteurs de changement qui nous permettent de construire ces scenarios. Toutefois, personne ne peut prédire vraiment dans quelle direction les choses iront, convient Daphnée Hor. Nos comportements humains, les choix que nous prenons en tant que société, impactent le climat tant et si bien qu’aujourd’hui l’ONU parle de ‘carnage climatique’. Et ce carnage climatique, en retour, impacte nos styles de vie, les habitudes de consommation, notre santé, notre bien-être. C’est comme si nous étions rentrés dans une sorte de cercle vicieux d’influence entre ces deux éléments interreliés. » Dans un contexte de hausse des températures, les choix de consommation (de la plus extrême à la plus pragmatique) feront tendre vers l’un ou l’autre de ces quatre scenarios.