L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) a publié de nouvelles règles pour empêcher l’écoblanchiment dans la finance en imposant des critères pour les fonds se revendiquant durables.
L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) a publié de nouvelles règles pour empêcher l’écoblanchiment dans la finance en imposant des critères pour les fonds se revendiquant durables. Jusqu’à présent, n’importe quel placement financier en Europe peut se nommer « vert », « durable » ou répondant à des critères économiques, sociaux et de gouvernance (ESG), sans contrôle sur ces promesses.
Or, si l’Union européenne a beaucoup légiféré pour tenter de classer les entreprises et les fonds en fonction de l’impact de leur activité sur l’environnement, l’utilisation des noms de fonds « n’avait pas été encadrée« , souligne Léa Dunand-Chatellet, gérante et directrice de l’investissement responsable chez DNCA Finance. L’Esma reconnaît en amont de ses directives le risque que fait peser « la concurrence » entre les gestionnaires d’actifs pour attirer des épargnants, notamment en mettant en avant des éléments verts, avec le risque de tomber dans « l’écoblanchiment ». « Il est utile qu’à l’échelle européenne, il y ait des lignes communes, qui laissent peu de place à l’interprétation, pour orienter les pratiques marketing« , renchérit Héléna Charrier, responsable des solutions ISR chez LBPAM.
Plusieurs niveaux
L’autorité européenne, basée à Paris, a donc publié mardi des directives pour clarifier la situation, au bout de près de deux ans de procédure. Pour qu’un fonds puisse mettre dans son nom « ESG » ou « durable », il doit montrer qu’au moins 80% de ses investissements doivent avoir un objectif environnemental ou social. Il doit pour se faire le mesurer via des indicateurs montrant a minima les caractéristiques environnementales ou sociales promues.
Le fonds doit aussi respecter les règles des « indices alignés avec l’Accord de Paris » de 2015 sur le climat. Celles-ci prévoient notamment des exclusions pour le tabac, les armes ou encore pour les entreprises ayant 1% de leur chiffre d’affaires lié au charbon ou 10% au pétrole. Mais l’Esma a reculé sur d’autres aspects par rapport à sa proposition initiale, après les retours faits par l’industrie. Ainsi, les fonds se revendiquant « de transition » pourront échapper aux exclusions des indices alignés avec l’Accord de Paris, en se basant seulement sur les « indices de transition climatique ».
L’objectif est de « ne pas pénaliser les investissements dans les entreprises tirant une partie de leurs revenus des combustibles fossiles, favorisant ainsi des stratégies visant à promouvoir une transition vers une économie plus verte« , justifie l’Esma.
Sanctions
Les fonds avec comme nom « amélioration, progression, évolution » ou encore « transformation » pourront ainsi inclure des entreprises pétrolières. Le chemin de la transition doit être « clair et mesurable », insiste l’Esma. De même, les fonds ne revendiquant pas un focus sur l’environnement, mais sur des aspects sociaux ou de gouvernance, ne sont pas concernés par l’exclusion des énergies fossiles.
Cela montre que la réalité du marché « a bien été mesurée pour ces thématiques encore difficiles à encadrer par des normes, en particulier le social », abonde Mme Dunand-Chatellet. Reclaim Finance a dénoncé cette exemption pour les fonds ayant des noms ayant « une forte connotation environnementale et éthique ». « L’Esma rate l’occasion de faire le ménage » dans ces fonds, regrette Paul Schreiber, analyste de l’ONG écologiste.
C’est « un coup d’épée dans l’eau », estime aussi Lionel Melka, gérant chez Swann Capital, tant « le +greewashing+ est généralisé » dans les fonds, et les règlements européens encore peu stricts. Pour lui, seul « passer par des sanctions » pourra faire effet, à l’image du gestionnaire allemand DWS, qui a accepté de payer 25 millions d’euros au gendarme américain des marchés, la SEC, en raison notamment de ses déclarations sur les investissements ESG.
En France, aucune entreprise n’est passée devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers pour de tels motifs, qui met en avant l’accompagnement des sociétés de gestion plutôt que leur sanction. Les fonds existants ont neuf mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles de l’Esma.