Claire Zanuso, économiste, responsable de l’équipe d’évaluation d’impact à l’Agence France de Développement (AFD). Elle s’occupe d’évaluer les impacts de projets financés par l’AFD, avec un focus particulier sur le développement urbain et les enjeux liés aux marchés du travail. Économiste du développement, elle pilote des évaluations scientifiques d’impact de projets de développement urbain soutenus par l’AFD.
The Good : Comment l’AFD contribue à l’engagement de la France et des Français en faveur des Objectifs de développement durable (ODD) ?
Claire Zanuso :Les 17 ODD, c’est le cap commun sur lequel les Etats membres de l’ONU se sont accordés en 2015 : réduire la pauvreté, protéger les écosystèmes, garantir l’accès à l’eau potable, assurer l’égalité femmes-hommes… En tant qu’institution publique au service des investissements solidaires et durables de la France à l’international, le groupe AFD contribue à l’effort mondial vers leur atteinte, notamment dans les pays qui sont les plus vulnérables. Nos résultats le montrent : en 2022, les projets financés et accompagnés par l’AFD ont par exemple permis à 14,9 millions de personnes dans le monde de bénéficier d’une amélioration des services essentiels et à 64 millions d’entre elles d’avoir un meilleur accès aux soins. Ce sont aussi plus de 39 millions d’hectares qui ont bénéficié de programmes de conservation ou de restauration de la biodiversité, et plus de 10 millions de tonnes de CO2 évitées ou réduites.
Pour atteindre ces résultats, on utilise une grille d’analyse pour s’assurer, en amont, que nos projets contribuent aux ODD, et, lorsqu’ils sont terminés, on les évalue pour vérifier que notre action a eu un impact. En effet, en tant qu’acteur de l’aide publique au développement, l’AFD est tenue de s’assurer en permanence de l’efficacité de ses actions. On mobilise pour cela une diversité d’outils, y compris les plus innovants. Par exemple, dans le bassin du Congo, nous avons utilisé des images satellitaires pour identifier l’impact sur la déforestation de la mise en place de plans d’aménagement forestier (PAF). Les résultats montrent que l’adoption d’un PAF permet une baisse de 74% de la déforestation sur la période étudiée. Une nouvelle phase de cette étude va approfondir l’évaluation des impacts environnementaux depuis 2010 et ajouter une dimension inédite concernant les impacts sur le bien-être des individus.
Les méthodes d’évaluation d’impact géospatial sont particulièrement pertinentes dans 4 cas : lorsque les impacts sont observables du ciel, lorsque la zone d’intérêt est trop vaste ou difficile d’accès, lorsque qu’on analyse plusieurs projets ou lorsqu’on souhaite mesurer des impacts a posteriori ou sur le très long terme, ce qui est particulièrement pertinents pour les enjeux environnementaux !
The Good : Comment l’AFD, notamment avec sa filiale Proparco, soutient les entreprises privées?
Claire Zanuso :Le groupe AFD, via Proparco, peut compter sur une filiale exclusivement dédiée au secteur privé, qui intervient depuis plus de quarante ans pour promouvoir un développement durable en matière économique, sociale et environnementale. La filiale participe au financement et à l’accompagnement d’entreprises et d’établissements financiers en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou encore au Moyen-Orient. Son action se concentre sur les secteurs clés du développement : les infrastructures avec un focus sur les énergies renouvelables, l’agro-industrie, les institutions financières, la santé, l’éducation… Ses interventions, au bénéfice d’entreprises ou de projets dans les pays émergents ou en développement, visent à renforcer la contribution des acteurs privés à la réalisation des ODD.
Un des projets emblématiques est le financement via Proparco, l’Emerging Africa Infrastructure Fund (EAIF), PIDG Technical Assistance et l’Union européenne du futur réseau de bus BRT électriques de Dakar, qui a nécessité 135 millions d’euros pour son déploiement. En parallèle, l’AFD a financé le TER de Dakar : c’est donc intéressant pour les deux entités du Groupe de se coordonner afin de mieux mesurer les impacts à moyen-long terme de ces investissements sur la mobilité et les conditions de vie des Dakarois et Dakaroises. Cela va d’ailleurs dans le sens de la nouvelle politique de suivi et d’évaluation que nous construisons pour l’ensemble des projets financés et accompagnés par le Groupe.
The Good : L’AFD participe aux travaux de l’Impact Tank. Comment exactement ?
Claire Zanuso :Nous étions présents à la première édition du Sommet l’an dernier, où nous avions présenté une évaluation d’impact réalisée sur un projet de santé menstruelle en Ethiopie, qui avait la particularité d’être un “contrat à impact de développement” : les versements de l’AFD sont déclenchés par les impacts effectivement mesurés. Nous avons ensuite contribué tout au long de l’année au groupe de travail « Lutte contre la précarité menstruelle » lancé à ce moment-là avec de nombreux partenaires. En ressort aujourd’hui non seulement un état des lieux de la recherche, mais également un référentiel commun de mesure d’impact en matière de lutte contre la précarité menstruelle, à partir de l’étude de l’engagement du secteur privé dans 10 pays d’Europe et d’Afrique.
En 2024, année de JO, nous avons porté le sujet “sport” lors de la deuxième édition du Sommet de la mesure d’impact, avec une question centrale : comment le sport peut-il être au service de l’impact social ? L’AFD a d’ailleurs rejoint le groupe de travail sur “sport et urbanisation inclusive” dont la création a été annoncée le 18 avril.
Toute la matière produite dans le cadre de ces groupes de travail vient directement nourrir la réflexion sur les projets et la mesure de leurs impacts, les indicateurs pertinents et les méthodes pour les récolter. Ainsi, notre participation aux travaux de l’Impact Tank est une brique dans notre stratégie pour que la culture de l’évaluation progresse à tous les niveaux. Les connaissances et les leçons de l’expérience issues des évaluations permettent ensuite de réorienter les projets, les stratégies et les outils opérationnels pour en améliorer la qualité et doper leurs impacts sur le développement. Et, in fine, de répondre au plus près aux besoins des populations.