The Good : Quels sont les enjeux actuels de l’emballage en bois ?
Jean-Charles Rinn : Nous savons tous qu’il y a un enjeu autour de l’emballage au sens large : c’est une cible légitime pour la transition écologique et cela suppose, pour l’entreprise Adam, de nous interroger sur l’usage et l’utilité des produits que nous fabriquons – Adam existe depuis 1880 et, depuis les années 1970, nous nous sommes spécialisés dans l’emballage des vins et spiritueux. Aussi, quand il s’agit de participer à la conservation d’un grand vin, nous trouvons une légitimité. En octobre, nous avons d’ailleurs présenté un nouveau packaging que nous avons conçu pour le Château Cheval Blanc. L’enjeu, notamment, a été de repositionner l’entreprise dans le cadre d’une forme d’utilité locale, car nous extrayons de la ressource d’un territoire, à savoir le pin maritime des forêts des Landes de Gascogne. Aussi, nous avons dû nous interroger : comment une entreprise peut faire corps avec son territoire, comment elle peut l’« exploiter » en quelque sorte et lui rendre ce qu’elle lui prend ?
The Good : Comment y parvenez-vous ?
Jean-Charles Rinn : D’abord, il faut faire évoluer le modèle économique dans lequel nous sommes versés depuis 50 ans, qui est un modèle effectivement extractiviste où l’économie est prioritaire, avec une profitabilité à court ou moyen terme. Cela mène à une forme de surconsommation, de course à la croissance effrénée. Il faut donc challenger ce point pour finalement privilégier, entre autres, les solutions en faveur de l’environnement. Dans notre cas, se pose une question d’usage de la biomasse forestière, au même titre qu’il y a ailleurs une question sur la biomasse agricole. Contrairement à ce que l’on peut penser, en France, la forêt est en expansion surfacique. En revanche, en production volumétrique, elle est en diminution. Il s’agit donc d’opter pour un meilleur usage de nos matériaux et de privilégier les circuits courts. Le marché viticole français génère la production de 10 millions de caisses par an, pour lesquelles 90 % de la matière première est issue de la Galice, une région espagnole située au nord du Portugal – même nous, sous la pression du marché, nous avons toujours 15 % de notre approvisionnement issu de cette région. La demande du Château Cheval Blanc correspondait à nos ambitions : fabriquer plus local en étant plus vertueux et en valorisant les acteurs territoriaux.
The Good : Quels autres critères avez-vous pris en compte dans l’éco-conception de ce produit et son ACV (analyse du cycle de vie) ?
Jean-Charles Rinn : Nous avons donc changé de matière première au profit du pin maritime, qui contrairement au pin espagnol est plus noueux. Nous avons ainsi proposé au Château Cheval Blanc de conserver ce qui est perçu comme des défauts par le marché (à savoir les nœuds du bois) et d’accepter une « moins-value esthétique » au profit d’une plus-value environnementale. Sur du pin maritime, seulement 10 % du bois est sans nœud, donc sans ces soi-disant défauts. Or, 50 % de bois noueux est utilisable : ce nouveau packaging permet donc de casser moins de bois.
Ensuite, le système de calage a été complètement repensé. Nous avons écarté les pièces de calage en bois, assez consommatrices en matière, pour privilégier un autre matériau : la laine de mouton. Locale, bien entendu. Nous nous sommes rapprochés de la société Traille, fondée en 2019 par Muriel Morot, arrière-petite fille de bergers. Ainsi, nous espérons que d’ici 2025, plus de 20 tonnes de laine seront exploitées chaque année pour le calage des bouteilles de Cheval Blanc. Nous souhaitons contribuer à remonter une filière industrielle autour de ce matériau-là, qui possède de nombreuses caractéristiques intéressantes : isolants thermiques, protection, etc. En tout, il nous aura fallu quasiment un an pour optimiser l’ensemble du process.