The Good : En quoi le sujet des Nouveaux Imaginaires est-il important pour vos organisations ?
Nathalie Pons : En tant qu’organisation leader du secteur de la communication (Havas Group), nous avons une responsabilité majeure en matière d’imaginaires. Nous ne pouvions pas ne pas prendre part à une réflexion sur de nouveaux récits permettant de faire advenir de nouveaux imaginaires. Nous avons une force de frappe, une capacité à embarquer nos partenaires (clients, régies publicitaires, partenaires…) qui renforce cette position et notre responsabilité.
Florence Le Liboux : En effet, nous, communicants, sommes responsables de ce que nous donnons à
voir de la société. La publicité fait partie de la “pop culture” : les individus sont aujourd’hui exposés à plus de 1200 messages publicitaires. Mais des campagnes publicitaires comme celles de Benetton dans les années 80, par les traces mémorielles qu’elles laissent, ont fait beaucoup plus que certains discours politiques pour lutter contre les discriminations. La publicité a un pouvoir parce qu’elle suscite des émotions et qu’elle fait partie de notre quotidien en finançant tout un tas de choses comme le
divertissement mais aussi l’information ou des infrastructures territoriales.
Nathalie Pons : La publicité a même un super-pouvoir : elle a la pouvoir de modifier les perceptions et les comportements. Ce super-pouvoir est problématique quand il crée de la surconsommation. Mais il peut aussi permettre d’agir sur les modes de vie et rendre désirable ce qui est durable.
Florence Le Liboux : J’ajoute que la publicité a la capacité de normaliser des comportements du
quotidien. Plus les comportements durables sont montrés comme étant “normaux”, plus
ils sont acceptés comme tels. Aujourd’hui par exemple, la représentation de la famille
dans les publicités est beaucoup plus diversifiée.
The Good : Quelles sont vos intentions pour ce parcours ?
Florence Le Liboux : Notre intention, en intégrant ce parcours, est de nourrir la stratégie du Groupe. Nous, Groupe Publicis, engagés depuis plusieurs années sur ces sujets, avons vu venir un nouveau cycle. Les marques doivent intégrer le sujet de la durabilité dans leur modèle d’affaires et ont besoin d’être nourries dans ce domaine. Notre mission, c’est de les accompagner. Il y aussi un enjeu collectif fort. Pour transformer la filière, nous avons besoin des grands acteurs de la communication et de la publicité, au même titre que les acteurs de la fiction ou du divertissement.
Nathalie Pons : Étant donné la complexité du sujet, étant donné le fait que les enjeux de la transition nous dépassent, une posture – faite d’humilité – s’impose à nous. Il ne s’agit plus de différenciation ou de compétition entre nos entreprises. Il faut ouvrir un nouveau dialogue avec nos parties prenantes, nos concurrents, nos clients… Nous pouvons y faire face en travaillant autrement, de manière très ouverte avec les autres acteurs du secteur. Cela nous fait réfléchir sur nos propres feuilles de routes, nous rend plus ambitieux. Mais surtout, cela nous amène à reconnaître que nous n’y arriverons pas
seuls.
The Good : Comment vivez-vous ce parcours ? Que vous apporte-t-il ?
Nathalie Pons : Ce parcours nous apporte une qualité et une diversité d’interventions (et donc de points de vue) extrêmement enrichissantes. Par ailleurs, comme à la CEC nous raisonnons “chaîne de valeur”, ce parcours est aussi un moyen pour nous de travaille les synergies dans les métiers du groupe La méthode CEC est puissante. Au début, j’avais bien sûr des interrogations, mais aujourd’hui (à mi-parcours), je vois que les briques s’assemblent. Je ne connais pas encore notre destination mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes sur un chemin de progrès et il faut célébrer déjà le chemin parcouru.
Florence Le Liboux : La méthode, c’est notamment l’approche tête-cœur-corps. Expérimentée en collectif sur le long terme, on en ressent la puissance, même chez des personnes comme nous – déjà convaincues. Le côté interdisciplinaire des intervenants est d’ailleurs très riche. Et puis j’apprécie de pouvoir évoluer avec des personnes de mon secteur aussi bien qu’avec des acteurs différents (des maisons de productions, des éditeurs de jeux vidéos, des associations…). C’est très fort de partager avec des personnes qui ne connaissent pas nos métiers, ils nous posent souvent les bonnes questions. Mon sentiment, à ce stade, c’est qu’il y a des changements collectifs à opérer et qu’il faut que chacun trouve sa façon de faire. Je n’ai pas d’attente bien définie mais je sais que ce parcours va nourrir la stratégie du Groupe sur ses différents métiers. Si nous arrivons en interne à faire comprendre qu’engagement et business sont indissociables, nous aurons déjà gagné une bonne bataille !
Que vous inspire le thème de la coopération dans vos métiers ?
Florence Le Liboux : Ce que nous sommes en train de vivre, c’est la transformation de nos organisations. Or qui dit transformation dit complexité et qui dit complexité, dit Intelligence Collective. Car toutes nos questions sont reliées. Il nous faut pour cela de points de vue diversifiés, il faut inclure les parties prenantes dans nos réflexions. Par essence, la coopération sur nos sujets est indispensable. Et je dirais même, “encore plus” dans notre secteur, qui a énormément changé ces vingt dernières années (en matière de consommation des médias, de choix de supports pour la publicité ou la fiction…). Nous n’avons plus le choix aujourd’hui que de faire ensemble.
Nathalie Pons : Il s’agit en effet d’un véritable changement culturel de notre secteur. Nous étions “par nature” (ou culturellement) beaucoup dans la compétition jusqu’à maintenant (la compétition que les clients organisent pour les changements de budgets, celle qui existe entre les agences ou entre les médias…) Or face aux enjeux de la transition écologique et sociale, par souci d’efficacité – et c’est assez nouveau – il y a un vrai intérêt à former des coalitions. Il va falloir, pour ces enjeux – qui encore une fois nous dépassent – accepter de mettre en place des modes opératoires qui jusqu’à présent étaient absents. En cela, nous devenons précurseurs dans notre secteur avec la CEC. C’est un vrai changement de paradigme.
Florence Le Liboux : La relation client-agence a beaucoup évolué ces dernières années et pour moi, un
des enjeux forts est de retrouver de la valeur dans nos métiers. La question du partage de la valeur a émergé lors du Forum Ouvert de la 4e session, c’est un sujet sur lequel nous voulons travailler. Je suis convaincue qu’il faut remettre de l’énergie et de la valeur au bon endroit et se poser les bonnes questions. Que veut dire partager la valeur ? Que sommes-nous prêts à partager ? Où mettons-nous le curseur dans le partage de la valeur ? Qu’est-ce qui est pertinent de valoriser ?
Nathalie Pons : Pour moi, cela rejoint le changement de modèle dont nous a parlé Olivier Hamant. Il s’agit aujourd’hui de passer du modèle de la performance (avec des kpis, des leaders sachants qui disent “voilà comment nous allons faire”…) au modèle de la robustesse. Dans ce modèle, il y a de l’agilité, il y a la possibilité de tester. Les leaders sont dans une posture différente, ils peuvent dire à leurs collaborateurs “voilà ma vision : aidez-moi à y aller…” Je trouve ce modèle très inspirant au regard des modes de fonctionnement actuels de notre secteur.
Après le monde de la finance et celui du consulting, la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC)
a lancé un parcours Nouveaux Imaginaires destiné aux acteurs des médias, de la communication, de la
culture, de l’édition, de l’éducation, aux sociétés de production et aux annonceurs… Son ambition :
amplifier les récits évocateurs d’un monde durable et désirable, et déclencher la bascule culturelle.
La CEC est un parcours de transformation d’une dizaine de mois organisée en 6 sessions, une aventure
qui passe par la prise de conscience et la puissance du collectif, dans laquelle les dirigeants et leurs
planet champions/narrative champions sont invités à réagir autant avec leur tête qu’avec leur cœur, à
coopérer et à transformer les business modèles extractifs en modèles à visées régénératives.