03/12/2024

Temps de lecture : 4 min

« Nous souhaitons tendre vers l’autosuffisance alimentaire », Tom Delahaye (maire de Canteleu)

La commune de Canteleu (Normandie) développe un projet de maraîchage urbain sur son territoire afin de produire, en bio, les légumes et les fruits dont elle a besoin pour l’ensemble de ses cantines. Rencontre avec le maire, Tom Delahaye.

The Good : Pourquoi la commune a-t-elle décidé de produire par elle-même ?

Tom Delahaye : Aujourd’hui, la ville de Canteleu (76) souhaite tendre vers l’autosuffisance alimentaire sur son territoire, compte-tenu des enjeux climatiques mais aussi de l’explosion des coûts des denrées depuis quelques années, sans oublier les différentes crises et conflits dans le monde et leurs conséquences concrètes. 

The Good : Quels espaces de restauration ce maraîchage a-t-il vocation à alimenter ?

Tom Delahaye : Notre objectif est d’alimenter les restaurants municipaux, les cantines scolaires ainsi que celles des centres de loisirs et des résidences autonomie. Au quotidien, nous servons 1100 repas par jour.

Pour l’instant, le projet est embryonnaire. Les premières livraisons de légume ont eu lieu cet été.

En juin 2024, nous avons réceptionné 474 salades, 65 kg de courgettes jaunes bio,113 chou-fleur bio, 70 kg de carottes bio, 5 kilos d’oignons et 5 kilos d’échalotes bio. Vous voyez, c’est encore trop peu par rapport au mix repas. Mais la production va se développer : pour fin 2024, nous avons déjà une estimation de 345 kg de carottes bio, 230 kilos de céleri rave bio, 150 kilos de choux rouges, 110 kilos de poireaux, etc. Et tout cela, en bio.

The Good : Sur quelle superficie s’étend ce maraîchage urbain ?

Tom Delahaye : A terme, nous cultiverons sur un espace de deux hectares. Nous exploitons un hectare de terres, à l’heure actuelle. Le second hectare doit auparavant faire l’objet d’une action de « désempierrage » et d’enrichissement de la terre.

The Good : Qui travaille sur cette exploitation sur laquelle vous souhaitez, je crois, également développer un volet social ?

Tom Delahaye : L’exploitation a été prise en charge par un maraîcher qui travaillait auparavant à son compte et qui est à présent salarié de la commune. Cet agent municipal a travaillé, cette année, avec cinq à dix stagiaires et nous avons recruté deux emplois saisonniers sur l’été.
Nous souhaitons développer un volet réinsertion mais nous sommes en tractations avec l’Etat. Nous attendons la réponse de la préfecture.

The Good : Vous n’avez cité que des légumes. Est-il également question de produire des fruits ?

Tom Delahaye : Pour l’instant, nous produisons uniquement des légumes mais nous avons également un projet de verger. C’est toutefois plus long à mettre en place.

The Good : Quel est le coût de cette opération pour la commune ? Est-ce que les repas vous coûteront plus cher ?

Tom Delahaye : Il est difficile de répondre précisément à cette question aujourd’hui car nous n’en sommes qu’aux prémices. Nous pourrons faire un premier bilan l’an prochain, mais nos estimations montrent qu’il n’y a pas une réelle déconnexion ; pas de delta majeur. Nous limitons les frais de transport et de logistique, ainsi que tous les intermédiaires. Et, élément non négligeable, nous créons de l’emploi au niveau local

Le 24 juin dernier, le conseil municipal a décidé, et voté en ce sens, de ne pas augmenter les tarifs municipaux concernant l’alimentation. Manger moins cher ne doit par signifier manger moins bien.

The Good : Quel système de traçabilité et de contrôle qualité avez-vous mis en place ?

Tom Delahaye : Tout est enregistré. De la réception à la consommation. Nous avons mis en place un système d’étiquetage.
Les normes qui s’imposent à la restauration collective sont drastiques : les exigences en termes d’hygiène et de sécurité alimentaires sont très contraignantes. Nous nous sommes fait accompagner dans cette démarche car c’est un métier nouveau pour nous. Les toutes premières laitues, par exemple, nous n’avons pas pu les servir à l’école en raison d’un défaut d’étiquetage.

The Good : D’autres réalisations sont-elles prévues qui viendront compléter ce projet ?

Tom Delahaye : Nous avons voté des investissements pour une démarche de récupération d’eau. Nous avons acheté une cuve de 130m3, pour 65 000 euros, et acquis deux grosses serres jumelées de gros volume équipées d’une gouttière centrale et d’une ventilation automatisée, pour 75 000 euros. Ces serres ne seront pas chauffées !

En 2025, nous allons construire, sur le lieu de culture, un bâtiment pour le personnel et un espace de pédagogie pour accueillir le grand public car notre volonté est de faire de l’essaimage urbain. Nous aurons les devis prochainement. Nous allons aussi créer un lieu de stockage et, nous l’espérons, créer un espace de surgélation. Nous avons un certain nombre de matériels à acheter et souhaitons installer des toilettes sèches, que nous prendrons en location.

Nous aimerions aussi avoir une conserverie, mais j’aimerais que ce projet soit développé avec la métropole plutôt que chacun en réalise une de son côté.

The Good : Avez-vous bénéficié de subventions pour mener ce projet à bien ?

Tom Delahaye : Nous avons su mobiliser plusieurs partenaires pour nous accompagner sur ce projet ambitieux : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Métropole Rouen Normandie, la Région Normandie et l’Etat. Cela représente une enveloppe globale de1 350 000€.

The Good : Avez-vous développé le compostage, notamment au niveau de la cuisine centrale ?

Depuis quelques années, nous travaillons en étroite collaboration avec les Alchimistes Normandie (anciennement Terra Léo), qui nous accompagnent dans la collecte, le traitement et la valorisation de nos déchets alimentaires. Le déploiement des composts se fera quant à lui de façon progressive, dans les mois à venir.

Pour les écoles, nous avons un contrat avec une entreprise qui récupère les déchets alimentaires qui sont traités en externe. Au niveau municipal, nous avons une zone de compostage au niveau de la ferme des Deux Lions et des composts en pied d’immeuble.

The Good : Que faites-vous pour réduire le gaspillage alimentaire sur votre territoire ?

Tom Delahaye : Dans les établissements scolaires, nous avons mis en place le système des petites ou grandes faims et les enfants sont servis en fonction de ce qu’ils indiquent. Ce travail sur l’alimentation raisonnée nous permet de limiter la surproduction et le gâchis alimentaire. En outre, les enfants sont invités à peser leurs déchets après le repas : ainsi, ils réalisent mieux leur impact. Depuis 2019 et toutes les mesures mises en place, nous avons réduit la surproduction de 14 à 2% en cuisine.

The Good : Que représente ce projet pour vous, à titre personnel ?

Tom Delahaye : J’ai pris la démarche « en route » puisque je ne suis maire de Canteleu que depuis février 2024, mais elle me touche particulièrement car j’ai deux enfants et je sais que leur santé passe en partie par l’assiette.

La ville de Canteleu est engagée dans un label, – le label Air et Energie-, qui vise à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. L’ensemble de notre action municipale se fait sous cet auspice, telle la construction de bâtiments à énergie positive…. Nous mettons tout en œuvre pour répondre aux critères du label est nous ambitionnons d’obtenir une nouvelle étoile.

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