Biocontrôle, big data agricole, robotique ou encore biologie végétale : en 2019, les Agritechs selon France Invest constituaient le deuxième secteur le plus attractif pour les investisseurs, avec plus de 257 millions d’euros investis dans 22 start-ups. Mais comment l’apport en technologie peut-il accélérer cette transformation vers une agriculture plus durable ? Les intrants technologiques permettront-ils de diminuer véritablement les intrants chimiques, améliorer le bien-être animal, diminuer l’empreinte carbone des fermes agricoles ? Coup d’oeil sur des projets qui affirment que oui.
L’agriculture est un acteur majeur dans la transformation de notre modèle économique à faible impact. Privilégier les circuits courts, développer l’agriculture raisonnée avec moins de pesticides, accélérer des filières bio à des prix accessibles sont les leitmotivs qui fleurissent de tous bords. En témoigne le succès de startups comme Ynsect, Carbios, Agricool, Sencrop, ou encore La Ferme Digitale regroupant 24 pépites du secteur. Avec pour ambition commune de faire bouger les lignes de l’agriculture pour stimuler la relance économique, ces agritechs nous interrogent sur la croissance verte.
Au nom de la Terre : auditer la santé des champs
Une agriculture raisonnée nécessite d’abord un état des lieux précis des terres agricoles en France. Pour ce faire, la startup Greenback analyse la qualité environnementale des sols agricoles et aide à favoriser de meilleurs pratiques. Comment ? En combinant un échantillonnage terrain et les métadonnées comportementales (satellite, climat, couvert végétal), Greenback produit pour chaque parcelle un score incluant trois indices : biodiversité, pollution, carbone. « Avec la Covid-19, on a besoin de sens en ce moment, la musique nous soigne et j’avais besoin dans ce nouveau projet entrepreneurial de mettre à nouveau du sens », confie Quentin Sannié, fondateur de Greenback et cofondateur de Devialet. Via ce scoring, Greenback ambitionne ainsi de devenir la première agence mondiale de notation de la santé écologique des sols cultivés. « Nous sommes un tiers de confiance aussi bien pour un agriculteur, un financier, un assureur en lui fournissant un outil d’impact fiable des pratiques agricoles. L’objectif n’est pas d’exclure les agriculteurs avec des mauvaises notes mais au contraire de créer une préférence généralisée pour changer les pratiques. Avec Greenback, nous avons pour volonté d’aider les grands acteurs de l’agroalimentaire comme Danone à mesurer l’impact des grandes surfaces cultivables, avec une logique d’abonnement très accessible : 1 euro par hectare et par an », souligne Quentin Sannié.
2020, L’odyssée du végétal : Développer des fermes verticales dans des tubes pour mieux nourrir la planète.
Dans la même veine d’accompagnement, après 20 ans passés dans la tech, Pascal Thomas, fils d’agriculteur et CEO de Futura Gaia vend désormais des fermes verticales high tech clés en main, en réutilisant les bâtiments existants. « Avec un foncier agricole qui disparaît de 26m2 par seconde, comment allons-nous nourrir la planète ? Une terre agricole, c’est seulement 80 cm de terre. Pour faire face au dérèglement climatique, nous pensons que les agriculteurs de demain arriveront à mieux produire en intérieur toute l’année », explique Pascal Thomas. « Grâce à nos cylindres high tech Gigrow, 1m2 sol nous permet d’avoir 9m2 de culture et produire toute l’année avec un effet démultiplicateur de 13 récoltes par an, ce qui est impossible à faire en extérieur ».
A l’aide d’un arrosage tête en bas directement aux racines, la technologie Futura Gaia permet de diminuer considérablement l’impact en eau pour les cultures (100 plantes sont en test dans sa ferme dans le Gard). Prenons un exemple concret : 1 kg de salade nécessite seulement 9,6 litres d’eau contre 250 litres en extérieur. L’intelligence technologique ( IA+Cloud) , le microdosage en nutriments, l’analyse de la température de l’eau, les capteurs-pince qui mesurent le flux de sève permettent d’améliorer les qualités gustatives produites par Futura Gaia. Les laboratoires Phyto Control indépendants ont d’ailleurs confirmé que leurs fraises obtiennent un degré brix* en sucre de 14 (vs fraise espagnole qui obtient un degré brix de 6). C’est ainsi que Futura Gaia a construit la première Ferme Verticale validée par la Chambre d’Agriculture PACA et va commercialiser pour les groupements d’agriculteurs une License comprenant un catalogue de plantes, une solution logicielle mais aussi un support agronomique à distance.
Une ferme de 400 systèmes de culture pourra produire par exemple 2 400 tonnes de salade/an soit 4 millions d’euros de chiffre d’affaires.
La Belle et la Bête : Déployer le monitoring technologique au service du bien-être animal
Côté élevage, Gwenael Le Lay, CEO de Copeeks démontre les bienfaits de la technologie dans la production animale raisonnée : « avec nos boitiers connectés nous sommes le troisième œil bienveillant de l’éleveur. Avant, le suivi du bien-être animal était réalisé de façon déclarative avec une liste de critères. Nos outils exploitant l’imagerie numérique vont donner des données vérifiables que nous allons modéliser par l’intelligence artificielle ». Les boitiers peeks permettent de collecter et traiter plusieurs données en même temps : le suivi en direct de l’atmosphère du bâtiment (niveau de CO2, NH3, température, humidité) mais aussi l’analyse du niveau d’agitation des animaux en temps réel par vidéo selon leur localisation dans l’espace ou encore leur posture.
Copeeks envisage de vendre ses solutions comme Netflix avec une box en y ajoutant à la demande des blocs de service (atmosphère, santé, bien-être animal, nutrition). Les boitiers peeks permettront également très prochainement la détection du syndrome de la grippe par une analyse IA des parcours des volailles et notamment en détectant immédiatement celles qui sont malades. Enfin, Copeeks collabore à une labellisation LIT pour valoriser les conditions d’élevage et la garantie du bien-être animal avec les groupements d’éleveurs, Carrefour, Intermarché et Système U. Une manière de démocratiser l’AgriTech en infiltrant la grande distribution.
Au regard de ces quelques projets, il semblerait que les Agritechs soient en passe de révolutionner l’agriculture pour lui imposer la notion de durabilité, le standard du marché que réclament les consommateurs et la planète. Maîtriser l’usage de l’eau avec des compteurs d’eau communicant est à la fois un gage de rentabilité pour l’agriculteur mais aussi une bonne pratique de conservation de la biodiversité. Mais qu’en est-il des rejets d’ammoniac et des émissions des particules fines des fermes ? À voir si ces jeunes pousses seront en mesure de piloter le propre impact carbone et celui du secteur agricole dans son ensemble.
*L’échelle de Brix sert à mesurer en degrés Brix (°B ou °Bx) la fraction de saccharose dans un liquide