Depuis janvier 2020, EDF compte une nouvelle filiale : Exaion. Celle-ci est dédiée au développement de services clé-en-main à partir de la blockchain, avec une offre éco-responsable. Parmi les premiers clients d’Exaion figure la Société Générale, via sa filiale Forge, qui vient de participer à l’émission d’une dette obligataire de 100 millions d’euros sur la blockchain Ethereum pour le compte de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Explications.
Traçabilité des produits, partage de valeur ou suivi qualité : Exaion explore depuis un an de nombreux cas d’usages de la blockchain, que ce soit en mode “proof-of-concept” (POC) ou pour des déploiements à grande échelle, avec les filiales d’EDF et auprès d’acteurs de la logistique, de l’industrie, de l’énergie ou de la pharmacie. “Nous travaillons par exemple avec un acteur de l’agro-alimentaire pour garantir le respect de la chaîne du froid ou avec un logisticien pour le suivi de ses conteneurs”, explique Fatih Balyeli, le CEO et co-fondateur d’Exaion. “Nous proposons aux entreprises d’être leur point d’entrée unique pour réaliser des projets blockchain de bout-en-bout. Nous sommes actifs à trois niveaux : dans le développement de protocoles, dans les infrastructures et dans les applications de la blockchain, telles que les smart contracts”.
Une révolution pour le monde de la finance
Un partenariat avec Forge, la filiale de la Société Générale dédiée à la blockchain, permet à Exaion d’investir un nouveau domaine : la finance. “Nous échangeons ensemble depuis le printemps 2020, puisque chacun de notre côté, nous avions cette même volonté de créer une entité blockchain au sein de nos entreprises respectives”, explique Fatih Balyeli. Ces échanges se sont concrétisés par une première collaboration entre Forge et Exaion, dans le cadre de la première émission obligataire de la Banque Européenne d’Investissement réalisée sur la blockchain Ethereum.
Si Ethereum reste associé à la crypto-monnaie du même nom, il n’est là pas du tout question de spéculation. “Nous avons structuré un produit financier classique, une obligation qui d’un point de vue financier et juridique est la même chose qu’une obligation traditionnelle. Avec une différence fondamentale : ce titre existe uniquement sur la blockchain, il ne transite pas sur le marché classique”, précise Jean-Marc Stenger, le CEO de Forge. Et d’expliquer : “la révolution qu’on observe actuellement dans l’industrie financière, c’est la même que celle que nous avons vécu il y a quelques années avec les e-mails. On passe d’un titre qui circule dans des infrastructures datant des années 80, avec jusqu’à trois jours de traitement, à des échanges instantanés via les protocoles blockchains”.
Les enjeux ESG, au coeur de la proposition de valeur d’Exaion
Si la technologie blockchain est prometteuse, elle suscite une interrogation : son coût environnemental, souvent pointé du doigt. “Pour faire tourner le réseau Bitcoin il faut quatre ou cinq réacteurs nucléaires, ce qui n’est pas rien”, souligne Fatih Balyeli. Qui plus est, cette utilisation d’énergie dans le cadre du “mining” est injustifiée : “l’algorithme initial du bitcoin parallélise un grand nombre de calculs qui ne servent à rien. Nous préférons donc travailler sur des protocoles de troisième génération, qui fonctionnent avec peu d’énergie”. À l’exception du bitcoin, dont les principes de fonctionnement ne peuvent être modifiés, les autres protocoles blockchain évoluent progressivement pour être plus efficaces. Dans le cadre de l’émission obligataire de la BEI, Exaion a par exemple pu utiliser une version test du protocole Ethereum, plus sobre que l’original.
Pour démocratiser les usages de la blockchain au sein des grands groupes, Exaion a en effet décidé de s’attaquer aux enjeux énergétiques de la blockchain, en cohérence avec l’ADN du groupe EDF. “Nos infrastructures sont pensées pour avoir l’approche la plus éco-responsable possible, en prenant en compte toute la durée de vie des infrastructures. Cela commence par le matériel, avec le choix d’utiliser des serveurs recyclés”.
Autre parti-pris : un data center implanté en Normandie, région la plus exportatrice en électrique, avec un mix énergétique associant nucléaire et renouvelable. La chaleur des serveurs est également récupérée. “Nous sommes actuellement à 50g de CO2 émis par kilowattheure. Dans la Silicon Valley, ils sont plutôt à 120, et en Chine autour de 600… Notre objectif est de passer en dessous des 40g, mais il y a des contraintes physiques qu’on peut difficilement dépasser. Nous travaillons donc à des solutions de compensation et d’effacement”, explique le CEO de la filiale d’EDF.
Les clients d’Exaion sont aussi sensibilisés à la problématique énergétique, avec des incitations tarifaires pour tirer parti des heures creuses. Enfin, des solutions technologiques éco-responsables et décarbonées sont privilégiées autant que possible : EDF soutient notamment la blockchain Tezos, créée par un français, qui repose sur un protocole bien plus sobre que celui du bitcoin.
Un tel discours fait mouche auprès des grands groupes clients d’Exaion. “Les critères ESG sont extrêmement importants pour nous et nos clients. C’est une discussion que nous avons systématiquement avec nos interlocuteurs”, abonde Jean-Marc Stenger. “L’aspect environnemental fera partie des critères de choix pour les blockchains que nous allons intégrer à l’avenir à nos plateformes”.