(contenu abonné) Fournisseurs triés sur le volet, production avec un minimum de déchets, création d’une fondation et d’une école : la PME tarnaise Missègle veut à la fois défendre l’économie rurale et un secteur du textile plus vertueux.
Tout a commencé dans les années 80 avec un troupeau de chèvres angora. Un troupeau qui a quitté les grandes plaines du Texas pour la petite ville de Burlats, dans le Tarn. A l’origine de leur transhumance transatlantique ? Myriam Joly, agricultrice qui veut produire et vendre en direct des produits en laine mohair. « J’ai tout de suite cherché auprès de mes voisins industriels la possibilité de transformer ces fibres pour proposer des produits finis sur les marchés, les foires ou à la ferme. Cela s’est bien développé… en parallèle du déclin du textile », se souvient-elle. En effet, en 2007, l’un de ses façonniers fait faillite. Loin de se décourager, Myriam Joly y voit l’opportunité d’un nouveau challenge : reprendre l’entreprise pour soutenir les emplois dans la ruralité. Et devenir l’une des pionnières du made in France, avec l’atelier Missègle nouvelle génération.
10 % de chutes revalorisés
Missègle tricote ainsi des chaussettes, pulls, écharpes et autres accessoires en utilisant des matières nobles (mérinos, mohair, cachemire…). Pour la chef d’entreprise, valoriser une mode plus responsable passe, d’abord, par le choix des matières, majoritairement naturelles. « La seule matière qui vient du pétrole et que nous utilisons c’est le polyamide nécessaire à la solidité de nos chaussettes », glisse Myriam Joly. Par ailleurs, tout l’atelier est équipé de machines 3D qui permet de réaliser des produits avec un minimum de coupe et donc des pertes de matière minimes. Ces déchets (qui correspondent à environ 10 % de la production) sont revalorisés à travers une gamme de vêtements écoconçus (pulls, bonnet, mitaines, chaussettes) et réunis sous la marque Les Bobines de Missègle. Pour la PME, rien ne se perd, tout se transforme.
Recréer de l’entraide
De même, pas de mode responsable sans une sélection scrupuleuse des éleveurs qui fournissent la matière première. A ce jour, seulement 5 % des éleveurs auxquels fait appel Missègle, sont français. Quant aux autres, qu’ils soient situés en Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud ou Mongolie, Missègle part à leur rencontre pour s’assurer que leurs pratiques soient respectueuses du bien-être animal. Enfin, l’entreprise a créé il y a six mois sa fondation. « L’objectif de la fondation est d’aider le secteur textile à avoir un impact moindre sur la planète, à travers notamment la constitution de filières durables. Chez nous, cela se traduit la constitution d’un réseau d’éleveurs de chèvres qui bénéficient de notre outil industriel », souligne Myriam Joly. En effet, 50 éleveurs confient leur toison à la PME pour récupérer des produits finis et les vendre sur leur ferme. Et reproduire ainsi la même démarche d’entraide que celle dont a bénéficié Myriam Joly à ses débuts. Pour financer la fondation, la chef d’entreprise attend le rescrit fiscal qui ouvrira la porte aux dons. En attendant, ce sont 20 % des bénéfices de la PME qui alimentent son budget, à raison de 200 000 euros. Car Missègle connait depuis 2020 les faveurs de l’envolée des ventes en ligne et de l’intérêt du made in France. De six salariés en 2007, elle en compte désormais 50 et réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle propose même, depuis 2022, sa propre école de formation, M L’école. Le but ? Formaliser la transmission des savoir-faire pour ancrer encore davantage la démarche plus vertueuse du secteur textile.