Bien qu’indispensable pour relancer la demande de produits biologiques, la restauration collective ne suffira pas. La restauration commerciale et la grande distribution doivent également être mobilisées....
Bien qu’indispensable pour relancer la demande de produits biologiques, la restauration collective ne suffira pas. La restauration commerciale et la grande distribution doivent également être mobilisées.
À l’approche du lancement du nouveau Programme Ambition Bio, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) présente un travail de prospective visant à identifier les débouchés nécessaires pour augmenter les surfaces agricoles en bio. Conclusion : inclure 20% de produits bio en restauration collective est une étape nécessaire, mais insuffisante pour atteindre 21% de surfaces agricoles en bio d’ici 20301. Si la restauration commerciale (hôtels, cafés, restaurants) introduit aussi 20% de bio dans ses achats et que la consommation de bio à domicile atteint 7,8% d’ici 2030, l’État aura une chance de respecter ses engagements et assurer un avenir à la filière bio.
La survie de la bio exige l’activation de tous les débouchés, le Programme Ambition Bio offre l’opportunité de s’en donner les moyens.
Fixer les grandes orientations de la filière bio jusqu’en 2027, voici l’objectif du nouveau Programme Ambition Bio qui sera lancé par l’Etat dans les semaines à venir. Une occasion à saisir pour dresser la feuille de route nécessaire à l’atteinte d’un objectif ambitieux que la France s’est fixé : doubler la Surface Agricole Utile (SAU) en agriculture biologique (AB) à horizon 2030, c’est-à-dire atteindre 21% contre 10,7% aujourd’hui. Il reste donc six années à l’Etat français pour éviter que ce Programme Ambition Bio 2024-2027 se solde par un nouvel échec2.
Cependant, l’atteinte de cet objectif semble déjà compromise. La filière biologique française traverse une crise sans précédent : en 2022, les surfaces en première année de conversion ont chuté de 40% et en 2023, les pertes économiques pour les agriculteurs biologiques ont été estimées entre 250 et 300 millions d’euros.
Pour sortir de cette impasse, la question des débouchés de la bio est centrale. La FNH s’est donc intéressée à l’impact de la hausse de la consommation sur l’augmentation des surfaces agricoles cultivées en bio. Le résultat est sans appel : l’objectif de 21 % de surfaces agricoles en bio d’ici 2030 pourra être atteint uniquement si l’Etat parvient à mobiliser l’ensemble des secteurs de consommation.
Zoom sur les étapes à suivre pour atteindre l’objectif d’ici 2030
Point de départ : 10,7% de surfaces agricoles en bio aujourd’hui
D’après nos calculs3, la restauration collective se fournit à hauteur de 6,7% de produits biologiques dans l’ensemble de ses approvisionnements, la restauration commerciale à hauteur de 1,7% et les ménages français achètent environ 5,7% de produits biologiques pour leur consommation à domicile.
1ère étape : 12% de surfaces agricoles en bio grâce à la restauration collective
Si la consommation de produits biologiques reste la même dans la restauration commerciale et dans la consommation à domicile, mais que la restauration collective atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements (respect des lois EGALIM et Climat et Résilience), cela créerait les débouchés suffisants pour continuer à développer la production bio et ainsi atteindre environ 12% de surfaces agricoles en AB.
2ème étape : 14% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la Restauration Hors-Domicile (RHD)
Si la consommation de produits biologiques reste la même dans la consommation à domicile, mais que l’ensemble de la restauration hors-domicile (collective et commerciale) atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre environ 14% de surfaces agricoles en AB.
3ème étape : 18% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la RHD et en revenant au niveau de 2020 de consommation du bio à domicile.
Si l’ensemble de la RHD atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements et que la consommation de bio à domicile revient à son niveau de 2020, soit 6,5%, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre 18% de surfaces agricoles en AB (objectif fixé par le gouvernement pour 20274).
Point d’arrivée : 21% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la RHD et en augmentant davantage la consommation du bio à domicile
Si l’ensemble de la RHD atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements et que la consommation de bio à domicile atteint 7,8%, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre 21% de surfaces agricoles en AB (objectif fixé par le gouvernement pour 2030). La mobilisation de la consommation à domicile est une étape cruciale du fait des volumes (45 milliards de repas par an contre 3,7 en restauration commerciale et 3,8 en restauration collective) et des débouchés structurants qu’elle représente (actuellement 92% des débouchés pour la filière biologique).
Stimuler les débouchés pour la bio : quelles solutions ?
Pour réactiver la consommation de produits biologiques, des décisions structurantes sont à prendre, notamment dans le nouveau Programme Ambition Bio et la prochaine Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat (SNANC). La FNH propose plusieurs recommandations de politiques publiques prioritaires à mettre en œuvre :
Poursuivre le développement des débouchés en mobilisant l’ensemble de la restauration hors-domicile
Créer un fonds EGAlim pour accompagner la restauration collective publique des secteurs de la santé et du médico-social5 et garantir l’exemplarité de chaque restaurant collectif d’État d’ici la fin de l’année 2024.
Inclure l’atteinte des objectifs des lois EGAlim et Climat et Résilience dans les critères d’inspection des restaurants collectifs fixés par la Direction Générale de l’Alimentation.
Mettre en place une bonification du titre restaurant pour récompenser les salariés qui achètent leur repas dans des commerces proposant une offre alimentaire durable6.
Rendre obligatoire, dès à présent, l’affichage dans chaque restaurant commercial du pourcentage de produits durables7 dans ses achats et étendre, dans un second temps, les obligations EGAlim à l’ensemble de ce secteur.
Renforcer, dans les formations continues et initiales8 de l’hôtellerie et de la restauration, les enseignements consacrés à l’agriculture biologique et à la durabilité de l’offre alimentaire des restaurants (“moins et mieux” de viande, produits bruts, diminution du gaspillage alimentaire, etc.).
Instaurer une véritable politique alimentaire pour renforcer la consommation de produits biologiques à domicile
Inciter les acteurs de la distribution à mettre en place des paniers “anti-inflation” composés de produits alimentaires biologiques9.
S’assurer que le futur affichage environnemental ne pénalise pas, mais au contraire, valorise les produits biologiques.
Rendre obligatoire la transparence de l’information de la part des acteurs de la distribution et de la transformation sur :
les prix et les marges réalisés sur les produits biologiques ;
le pourcentage de produits durables10 dans leur offre alimentaire.
Mettre en place des campagnes de communication sur la bio par les autorités sanitaires françaises, comme Santé Publique France, et renforcer le budget communication de l’Agence Bio.
1 Il s’agit de l’objectif que l’Etat français s’est fixé dans plusieurs de ses stratégies et plans gouvernementaux comme la Stratégie Nationale Bas Carbone, la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 ou le plan “Mieux agir. La planification écologique” du Secrétariat Général à la Planification écologique.
2 Le dernier Programme Ambition Bio (2018-2022) visait 15 % de la Surface Agricole Utile (SAU) en bio à horizon 2022, or, en 2022, les surfaces agricoles en agriculture biologique atteignaient seulement 10,7 % selon les chiffres de l’Agence Bio.
5 Selon le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, dans son rapport pour le Parlement “Bilanstatistique annuel de l’application des objectifs d’approvisionnement fixés à la restauration collective” (avril 2023), les secteurs de la santé et du médico social restent les secteurs les plus en retard sur l’atteinte des taux EGAlim, respectivement 4 et 3% pour le bio et 15 et 10% pour EGAlim, alors qu’ils représentent près d’un tiers des achats totaux de l’échantillon (constitué à partir des télédéclarants sur le site “ma cantine”).
6 Le titre-restaurant (TR) est un titre de paiement accordé au salarié pour payer son repas, s’il n’a pas de cantine ou restaurant d’entreprise. La bonification durable du TR permettrait la mise en place de récompenses financières (entre 5 et 20% du prix du repas) aux salariés l’utilisant dans des restaurants commerciaux proposant une offre alimentaire durable (au moins 20% de produits biologiques dans leurs approvisionnements, offre de plats végétariens, lutte contre le gaspillage alimentaire, produits locaux, etc.).
7 “Produits durables” au sens des critères d’EGAlim.
8 Exemples de formations initiales concernées : certificat d’aptitude professionnelle (CAP) cuisine, CAP commercialisation et services en hôtel-café-restaurant, brevet professionnel (BP) arts de la cuisine et BP arts du service et de la commercialisation en restauration, baccalauréat professionnel spécialité “cuisine” ou encore le baccalauréat professionnel spécialité “commercialisation et services en restauration”.
9 La mise en place d’une sélection de produits alimentaires biologiques à prix réduit devra être réalisée grâce à un effort fourni par les acteurs de l’aval, mais ne devra pas impacter la rémunération des agriculteurs.
10 “Produits durables” au sens des critères d’EGAlim.
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