« Ce qui unit les hommes, c’est l’amour du métier ». Cette pensée de Saint-Exupéry m’aiguillonne en tant que créatrice de marques, née en son pays et qui a la certitude que sa passion n’est pas qu’une passion personnelle et de surcroît française. Créer, ce n’est pas créer seule dans sa tour, pour ceux de son sol linguistique et au final que pour soi. Créer un nom, c’est faire œuvre commune pour espérer une réception collective & une émotion de plus en plus globalisée. Nommer bien, tous ensemble, trouver le nom juste pour tous, c’est ajouter au bonheur du monde durablement.
Le collectif d’artistes Boa Mistura l’a bien compris. Ses membres ont invité les habitants de la favela de Brasilandia à Sao Paulo à co-œuvrer et à peindre sur les murs de leur quartier les mots amour, poésie ou encore magie. La portée de ces mots intenses, le parti pris artistique de l’anamorphose ont fédéré une communauté qui s’est retrouvée dans une dynamique d’embellissement collectif et de créativité.
Quelle plus belle illustration de la puissance d’un naming collectif !
Tous pour un nom, une marque pour tous
Un bon nom ne peut pas être qu’issu d’une culture, il nécessite de croiser des horizons linguistiques & culturels internationaux, divergents mais complémentaires, nécessaires pour aboutir à ces pépites aptes à voyager à travers temps et frontières.
Alors quelles sont ces marques universelles et intemporelles ? S’il ne fallait en citer qu’une, ce serait Decathlon qui force l’admiration. Non seulement, cette compétition sportive apparaît pour la première fois en 708 av. J.C à Olympia au Péloponnèse mais son origine linguistique grecque en fait un naming œcuménique, originel.
Avec la crise sanitaire, les exigences des consommateurs envers les marques se sont encore affûtées. D’après une étude menée en avril par Intelligence Central, 55 % des consommateurs plébiscitent les marques qui ont fait preuve de souplesse, pour venir en aide à leurs consommateurs. Les personnes interrogées sont également très sensibles au soutien apporté aux communautés et aux individus : 58 % d’entre elles saluent les messages responsables des marques, 54 % leurs contributions caritatives, et 50 % leurs réponses aux inquiétudes liées aux coronavirus. Les marques ont opté pour beaucoup pour un ton plus sobre, moins de mots mais plus justes pour éviter de donner l’impression de capitaliser sur cette crise.
La marque-monde Decathlon a de plus fait preuve, lors de l’épisode premier de la Covid-19, de son esprit « jugaad », popularisé notamment par Navi Radjou, en reconvertissant ses masques de plongée en respirateurs et en encourageant sans tambour ni trompette des “Inspiractions” citoyennes et solidaires au sein de ses équipes.
Préférer les aspérités
Les namers doivent faire des aller-retours entre deux tendances que tout oppose : entre la tendance de noms aux identités nationales marquées & revendiqués (tels Le Slip Français bien sûr, mais aussi Blanc des Vosges, et le très culturel Combat de coqs), voire très locales (PILLIVUYT, Laguiole, la Botte Gardiane…) et la tendance du « sans frontière », toutes deux n’excluant pas des marques aptes à vivre hors de France comme en France.
Concevoir des noms pour « ici & là-bas » est un acte créatif complexe. Identifier la bonne référence, historique (Aesop), littéraire (Ali Baba), artistique (Mondrian), le lieu connu du plus grand nombre (Amazon), le terme linguistique (Alphabet), le prénom tout-terrain (Alan) ou le chiffre symbolique prononçable partout (1083) relève de l’orpaillage & de la gymnastique créative que seuls des esprit situés mais unis peuvent engendrer.
Sophie Gay, fondatrice de l’agence de création de noms Namibie & co-fondatrice du nouveau réseau de créateurs de noms, We are Naming