Depuis que le terme « délit d’écocide » a fait son entrée dans l’agenda gouvernemental de 2021 lundi dernier, médias, associations et citoyens ripostent. Pourtant, il semblerait que s’esquisse une petite révolution verte. Encore faut-il que les moyens suivent…
Rapide topo pour les ermites, lundi dernier, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili annonçait la mise en place d’un futur «délit général de pollution » ainsi qu’un délit de « mise en danger de l’environnement ». La création d’un « crime d’écocide » est l’une des propositions majeures des 149 propositions émises par la Convention citoyenne en juin dernier. L’idée : sanctionner lourdement la destruction humaine de l’écosystème. Malheureusement, le terme de « crime », bien que symbolique, est jugé inconstitutionnel par le gouvernement qui se replie sur « délit » et justifie le changement de terme par la nécessité d’une « traduction juridique dans le code pénal », comme l’explique le garde des Sceaux. Un souci de vocabulaire constitutionnel qui n’est pas sans déplaire aux initiateurs de cette proposition.
Pour ce délit général de pollution, les pénalités promettent de se durcir avec des peines allant de trois à dix ans d’emprisonnement en fonction du motif (infraction d’imprudence, violation manifestement délibérée d’une obligation, infraction intentionnelle »). Quant aux amendes, l’idée est évidemment de les faire gonfler (une fourchette annoncée entre 375 000 à 45 millions d’euros).
Si pour la ministre « c’est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l’écocide », le public trouve ses nuances. D’une part ceux qui jugent que l’idée perd toute son ambition. Pour la plupart des membre de la Convention Citoyenne notamment, ce remaniement linguistique pourrait bien affaiblir la proposition initiale comptant s’étendre au-delà du simple aspect de pollution des sols et eaux avec notamment la prise en compte de la destruction du vivant (déforestation, extraction abusive des ressources) et visant aussi à entrer dans un cadre de reconnaissance internationale. Si ces points font sens, la voix du camp des optimistes résonne aussi fort.
Sans doute moins attachés à la symbolique des termes employés, les autres estiment que c’est toujours ça de pris. Comme l’explique l’avocat Arnaud Gossement spécialisé dans le droit de l’environnement, « le délit général de pollution peut être très intéressant pour simplifier et donc rendre enfin plus efficace le droit pénal de l’environnement ». S’il n’est pas question d’adresser une confiance aveugle au gouvernement, ni de se contenter de ce qui leur facilite la vie, il se pourrait bien que s’enthousiasmer de cette nouvelle ne fasse pas de nous des marionnettes. En prenant un peu de recul, on se rend vite compte que par rapport à 2005 où nous nous contentions d’un gentil « droit à polluer » permettant aux poids lourds des industries polluantes d’aligner quelques zéros pour continuer à produire de manière abusive sans vergogne, la prise de conscience mondialisée de l’urgence climatique impose de nouveaux mots d’ordre et cette proposition de loi est loin d’être minime. Ne doit-on pas mettre le holà sur le coup de gueule de l’univers sémantique adopté par le gouvernement et s’attaquer à la suite ? Quels budgets et moyens humains pour faire respecter le droit de l’environnement ? Mais surtout, quels seront les détails pratiques et concrets de l’application du délit de mise en danger de l’environnement ? Ce deuxième volet de la proposition est selon certains le plus important puisqu’il promet de sanctionner en prévention, et non après les dégâts. Là où aucun pays n’a jusqu’à lors inscrit ce type de délit dans ses textes de lois, on ne peut que se réjouir de cette avancée. Reste à savoir comment la preuve du risque sera mesurée….