« Les Jeux de Paris 2024 ont placé la barre très haut en matière environnementale, avec une ligne directrice forte : organiser des Jeux responsables alignés sur l’accord de Paris et l’agenda 2030 de l’ONU », a souligné Georgina Grenon, directrice de l’Excellence environnementale de Paris 2024. Au programme : réduction de moitié des émissions carbone par rapport aux éditions précédentes, 100 % d’approvisionnement en énergies renouvelables, 100 % de l’alimentation certifiée, accessibilité des sites, conditions de travail décentes, insertion de publics fragiles, recours à l’Économie sociale et solidaire (ESS)… Les objectifs de la Charte sociale du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP), signée avec les organisations syndicales et patronales, ont été tenus. Quid des entreprises ?
Un Centre Aquatique Olympique dernier cri
Construit pour les épreuves de plongeon, natation artistique et water-polo, le Centre Aquatique Olympique est exemplaire en matière de durabilité. Conçu par Omnes Capital, Bouygues Bâtiments Île-de-France et Récréa, son architecture favorise la lumière naturelle et permet de réduire la surface à chauffer. La charpente en bois européen est constituée de près de 100 poutres d’une portée de 90 mètres, les plus longues du monde. « Cette structure en bois concave permet de réduire fortement l’empreinte carbone et de faire des économies d’énergie », précise Clémence Le Moyne de Sainte Marie, responsable de la maîtrise d’ouvrage chez Bouygues Bâtiment IDF. En parallèle, un système de récupération des eaux usées permet d’en réutiliser la moitié pour le nettoyage du centre et l’arrosage des espaces verts.
C’est Dalkia, la filiale du Groupe EDF qui est chargée de l’exploitation technique et énergétique du bâtiment. Les énergies renouvelables et de récupération couvrent 90 % des besoins du site. Avec ses 5 000 m2 de panneaux photovoltaïques fabriqués en France, « c’est l’une des plus vastes fermes solaires urbaines en toiture et la plus importante sur un bâtiment public », poursuit Clémence Le Moyne. Une initiative qui s’inscrit dans la stratégie énergétique de Paris 2024. Grâce à l’expertise technique d’EDF, tous les sites d’épreuves raccordés au réseau sont alimentés en électricité 100 % renouvelable et 100 % produite en France », souligne François-Xavier Bonnaillie, directeur du développement commercial et des partenariats de Paris 2024.
Côté économie circulaire, les 11 000 sièges des tribunes du Centre Aquatique et de l’Adidas Arena sont fabriqués à partir de plastiques recyclés locaux, tout comme les podiums olympiques et paralympiques. Un important tremplin pour leur fabricant français, SASminimum. La création de la plateforme d’intermédiation ESS 2024 a permis à l’économie solidaire, circulaire et locale de remporter de nombreux marchés des Jeux et de mettre à disposition de grandes entreprises des produits et services éco-socio-innovants. « C’est la première fois que l’ESS a une telle opportunité avec un projet public de cette ampleur », se réjouit Elisa Yavchitz, directrice générale de l’association Les Canaux qui pilote ce programme inédit. « Cela prouve à l’État et aux grands groupes qui s’appuient sur ces structures au titre de partenaires ou prestataires, que l’ESS en a les capacités, avec des engagements forts sur les délais, la qualité et la sécurité », conclut-elle.
Le groupe RGS Events, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de mobilier, accessoires et matériel, a relevé le défi de l’éco-conception et de l’économie circulaire. Tous les matériaux et les structures installées seront réemployés, réutilisés ou recyclés. Saint-Gobain a, par exemple, développé des cloisons démontables qui ont nécessité deux ans de recherche et développement.
Grâce à sa modularité innovante, l’ouvrage olympique deviendra un complexe sportif polyvalent dès 2025. Un héritage important pour la population de Seine-Saint-Denis, département le moins bien doté en équipements sportifs du pays.
Un Village olympique et paralympique circulaire
De son côté, le Village olympique et paralympique a été conçu comme un démonstrateur de la ville circulaire et adaptée au changement climatique. Il accueillera 14 500 sportifs et leur staff, puis 9 000 athlètes paralympiques et leurs équipes. Construit sur une friche industrielle de 52 hectares, en Seine-Saint-Denis, le site a été développé par VINCI Immobilier, la Caisse des Dépôts, le groupement Nexity-Eiffage Immobilier-CDC Habitat et le duo Pichet-Legendre. La Société de livraison des ouvrages olympiques a placé au centre de ses cahiers des charges des prescriptions exigeantes pour que tous les maîtres d’ouvrage intègrent l’économie circulaire dans leurs projets. Un diagnostic a permis de valoriser 94 % des matériaux : bétons, équipements, sanitaires, fenêtres, etc. Le recours au bois a été massifié sur 100 % des bâtiments de moins de 28 mètres. Les plus hauts sont en béton bas-carbone.
Après l’événement, le Village se transformera en écoquartier, avec l’arrivée de 6 000 habitants et 6 000 salariés. Son architecture favorise la circulation de l’air, le réseau de froid urbain par géothermie et la végétalisation pour produire des îlots de fraîcheur. De nouvelles filières de réemploi ont été créées pour l’occasion et une dynamique collective est née. L’enjeu étant qu’elles soient pérennisées.
Des avancées pour une restauration plus durable
Le Village olympique comprend aussi le plus grand restaurant éphémère au monde. Chaque jour, jusqu’à 40 000 repas y seront servis pendant les Jeux. La filiale hospitalité et événementiel du groupe Sodexo a mis les bouchées doubles pour élaborer des menus à la fois plus durables et adaptés aux athlètes. L’offre végétale a été multipliée par deux, avec des plats moins carnés. « Les recettes seront composées avec des produits frais, locaux, une viande, du lait et des œufs 100 % Français, et 30 % de produits issus de l’agriculture biologique », a raconté Charles Guilloy, chef Sodexo Live interrogé sur Franceinfo. Un quart des produits proviendront d’un rayon de 250 km. Le géant de la restauration collective prouve ainsi qu’il est possible de faire mieux à grande échelle. De quoi inspirer les cantines des grandes entreprises.
Au total, sur tous les sites des Jeux, pas moins de 18 millions de repas et 16 millions de boissons sont prévus. L’organisation de Paris 2024 s’est donnée comme objectif de diviser par deux la quantité de Plastique à Usage Unique (PUU). Pour ce faire, elle s’est entourée de Re-uz, leader européen des gobelets et contenants alimentaires réutilisables. « La Mairie de Paris a beaucoup travaillé sur la réduction du PUU, que ce soit chez les acteurs privés parisiens, dans la commande publique ou en interne », reconnaît Muriel Papin, déléguée générale de l’ONG No Plastic In My Sea. La plateforme « Le Pari (s) du zéro plastique » a été créée pour accompagner les entreprises du tourisme, de l’alimentation, de l‘hygiène-beauté, l’événementiel et les loisirs. Un annuaire permet désormais de valoriser les établissements avec un service sans PUU auprès des touristes et des consommateurs (restaurants, bars, clubs, hôtels…). Afin d’encourager l’usage de la gourde, No Plastic In My Sea et ses partenaires ont lancé l’appli gratuite Watermap permettant de géolocaliser les points d’eau, à Paris et dans toute la France.
Innovations sociales : des progrès en faveur de l’accessibilité
En matière d’hébergements, le groupe hôtelier Accor fait partie des partenaires premium de Paris 2024. Les Jeux ont donné une impulsion supplémentaire à la stratégie de diversité, équité et inclusion (DEI) de la multinationale française, notamment concernant l’accessibilité des personnes en situation de handicap, visible ou invisible. « Nous visons l’obtention du label Tourisme & Handicap pour 300 établissements situés dans les villes hôtes des Jeux », confie Anne-Sophie Beraud, SVP Social Care & Impact chez Accor. « Grâce à une énorme task force à l’œuvre depuis des mois, l’objectif est quasiment atteint à quelques semaines des Jeux. Nous prévoyons des démarches équivalentes dans le reste du monde ». Les équipes bénéficient de formations pour améliorer l’accueil des personnes en situation de handicap. Plusieurs innovations ont été déployées en ce sens : la signalétique ludique d’Ilena Tech, startup française, qui représente différentes formes de handicaps pour les stationnements réservés sur les parkings, la 1re application inclusive de guidage Evelity, la smart room d’Accor, conçue comme une chambre à la fois design et inclusive pour les personnes à mobilité réduite… Pour renforcer ses démarches inclusives, le groupe est conseillé par Michaël Jeremiasz, champion paralympique de tennis en fauteuil roulant, ainsi que Hakim Arezki, joueur professionnel de cécifoot et employé Accor.
Partenaire des Jeux, le groupe Carrefour s’est, de son côté, engagé à rendre ses magasins, ses sites web et applications plus accessibles aux personnes en situation de handicap, visible ou invisible. Grâce à un accueil dédié, les clients ont la possibilité de récupérer un badge spécial pour être identifiés dans leur parcours d’achat. Le personnel a reçu une formation spéciale pour aider celles et ceux qui le souhaitent. Les personnes malvoyantes ou non-voyantes ont accès à des plans tactiles en braille. D’autres équipements sont à disposition, tels que des casques pour les personnes atteintes d’autisme, des perches et des chariots spécifiques pour les personnes à mobilité réduite. Ces mesures devraient être étendues à une dizaine d’hypermarchés dans les villes hôtes, et une cinquantaine de magasins de proximité à Paris, une première en France. Si l’initiative marque un réel progrès, le chantier pour généraliser ces aménagements dans l’ensemble de la grande distribution s’avère immense.
Pour renforcer le rôle social du sport, un fonds de dotation a été créé et abondé par les entreprises. Il a permis de soutenir plus de 1 100 projets à hauteur de 47,8 millions d’euros. « Entre 2020 et 2023, le fonds a bénéficié directement à 4,5 millions de personnes, dont 42 % de femmes et 12 % de personnes vivant avec un handicap », nous détaille Marie Barsacq, directrice Impact et Héritage de Paris 2024.
Le sport comme outil d’intégration sociale et de prévention santé
Les actions envers la jeunesse ont également constitué un axe fort des stratégies DEI de Paris 2024 et de ses partenaires. Par exemple, plus de 24 000 enfants ont pu bénéficier de l’apprentissage de la nage, en particulier en Seine-Saint-Denis et à Marseille. Ce dispositif est soutenu par EDF, déjà partenaire de la Fédération française de natation de longue date. À terme, l’objectif est d’apprendre à nager à 100 000 jeunes, et pourquoi pas davantage.
Certaines entreprises encouragent le sport à la fois comme outil d’intégration sociale et de prévention santé. C’est le cas de l’assureur mondial Allianz, partenaire officiel des Mouvements olympique et paralympique. « Nous avons notamment lancé le programme MoveNow qui vise à permettre à des milliers de jeunes défavorisés de renouer avec une activité physique. Trois éditions ont déjà été organisées en France », décrit Christophe Dépont, directeur Marque, Publicité, Réseaux Sociaux et Partenariats d’Allianz France. Le numérique responsable a également fait partie des sujets d’attention des entreprises envers les jeunes. La Team Allianz s’est mobilisée à l’occasion du Safer Internet Day, pour une campagne choc de sensibilisation et de lutte contre le cyberharcèlement, appelée « Le Revers de la médaille ». Les athlètes ont révélé les insultes les plus marquantes qu’ils ont eu à subir. Quant à Orange, qui est également partenaire premium et fournisseur officiel, l’opérateur de télécommunications a sensibilisé 2 000 jeunes aux bons usages du numérique, lors d’un grand événement national dans une dizaine de stades. Au sein d’ateliers ludico-sportifs, les participants ont également été sensibilisés au handicap.
Avec le plus grand collectif de sportifs soutenus, le Groupe BPCE s’est fortement engagé lors de cette édition. Plus de 240 athlètes et para-athlètes issus de tous les territoires français bénéficient de différentes actions financées par le groupe bancaire, que ce soit avant, pendant et après les Jeux : mécénat, sponsoring, formation, mentorat pour accompagner leurs projets sportifs et professionnels… Sa filiale Banque Palatine a dédié un programme spécifique pour les sportives en reconversion qui se lancent dans l’entrepreneuriat. C’est le cas de Raisy Bantoo, ex-basketteuse professionnelle, qui accompagne désormais les entreprises dans la définition et le déploiement de leur stratégie RSE/RH, avec les valeurs du sport.
Quand le sport court pour la QVCT
Le sport a également inspiré l’engagement sociétal des entreprises en interne, pour contribuer à la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Les Jeux nécessitent 45 000 bénévoles passionnés, sans qui l’organisation serait impossible. Tous n’ont pas la chance d’avoir le soutien de leur employeur. Pendant l’événement, certains partenaires prennent en charge une partie du temps de travail de leurs équipes volontaires, et parfois même leur logis. C’est le cas de Sanofi avec le plus grand dispositif de soutien interne, à destination de plus de 2 000 salariés volontaires. Le groupe pharmaceutique offre aussi à ses employés des billets pour assister aux épreuves et, si besoin, le voyage jusqu’à Paris.
Pour l’assureur Allianz, les Jeux ont aussi été l’occasion d’aller plus loin dans sa démarche de QVCT et de cohésion en interne. En 2023, c’est plus d’une quarantaine d’événements qui ont été organisés, mobilisant près de 4 000 collaborateurs au total en France. « Ce partenariat est un véritable vecteur d’engagement des équipes, près de 90 % déclarent en être fiers. Nous avons accueilli le lancement officiel de l’initiative Go for 30 de Paris 2024. Son objectif : sensibiliser à la santé par le sport et installer durablement 30 minutes d’activité physique par jour au bureau, afin de lutter contre la sédentarité », nous décrit Christophe Dépont, d’Allianz France. Ces temps fédérateurs viennent enrichir l’offre sportive proposée par le groupe depuis des années, que ce soit via le comité d’entreprise, des événements sportifs et des courses solidaires.
Quant aux entreprises qui refusent de foncer dans le panneau du social-washing et du green-washing, elles devront prouver leurs engagements sociétaux en interne et en externe, en les intégrant pleinement à leur stratégie sur le long terme, bien au-delà des Jeux. Point important pour éviter le sport-washing, il leur faudra renouveler ou réinventer leur soutien financier et matériel aux athlètes et para-athlètes autant que possible, au risque de faire éclater une « bulle olympique ». En outre, pour continuer à développer des synergies positives entre les entreprises innovantes de l’ESS et les grandes entreprises publiques ou privées, il leur faudra le soutien d’une plateforme comme ESS 2024, en version post-Jeux. Pour conclure, l’un des enjeux importants sera de trouver de nouvelles applications pour les nombreuses innovations plus responsables, financées et déployées spécifiquement sur les chantiers et les ouvrages olympiques. Plus globalement, ce n’est qu’à l’issue de l’événement que pourra être évalué l’ensemble de la stratégie « Héritage et Durabilité » de ces Jeux d’été.
Photo by EMMANUEL DUNAND / AFP