11/03/2025

Temps de lecture : 7 min

E-commerce bio : les coulisses de la réussite de Greenweez

Découvrez par exemple les dessous de l’initiative « Temps de Trajet Responsable (TTR) » ainsi que les coulisses de la stratégie RSE de ce site de e-commerce bio et eco-responsable.

Fondateur et CEO de Greenweez, Romain Roy révèle sa vision et les coulisses des actions RSE de ce site e-commerce bio et eco-responsable depuis 2008. Rencontre avec un entrepreneur sincèrement engagé, pionnier en RSE dans son secteur (il est par ailleurs administrateur de la FEVAD) et membre de la toute première promotion de la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat).

The Good : Vous venez d’annoncer début mars avoir mis en place l’initiative « Temps de Trajet Responsable (TTR) » pour vos salariés : de quoi s’agit-il ?

Romain Roy : En tant qu’acteur engagé dans la transition écologique, nous venons en effet d’instaurer un dispositif innovant pour encourager nos salariés à privilégier des modes de transport plus durables. Sur le modèle de l’exemple de la société Ubiq, l’entreprise met en place le Temps de Trajet Responsable (TTR), qui permettra à ses collaborateurs de bénéficier de 2 jours de congés supplémentaires s’ils effectuent un trajet personnel de plus de 650 km sans recourir à l’avion.

L’objectif principal de ce dispositif est de ne pas faire du temps de trajet un frein à la décision de choisir des alternatives de transport plus écologiques. En offrant la possibilité d’utiliser deux journées de trajet sur le temps de travail, nous incitons ainsi nos salariés à voyager autrement, en accord avec nos engagements en faveur de l’environnement.

Cette initiative vise à renforcer la responsabilité environnementale de Greenweez tout en facilitant les choix de transport plus respectueux de la planète, et ce, en offrant à ses collaborateurs des avantages tangibles.

The Good : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer Greenweez en 2008, à une époque où le bio et l’écoresponsabilité étaient encore des marchés de niche ?

Romain Roy : Sortant d’une première expérience entrepreneuriale en 2007, j’avais à coeur de monter un projet avec du sens et appuyé sur un socle de valeurs fortes. J’étais également déjà très concerné par la situation environnementale, et lorsqu’un ami m’a proposé de s’associer avec lui pour monter un site ecommerce de produits écologiques, j’ai donc sauté sur l’occasion. 

A l’origine, nous ne vendions pas de produits Bio, mais plutôt du non-alimentaire (panneaux solaires, réducteurs de débit d’eau, ampoules basses consommation, etc.). Mais nos premiers clients nous ont suggéré de proposer également des produits bio alimentaires, que l’on ne trouvait pas en ligne à l’époque. Nous avons donc lancé ces catégories dès 2010, et le succès fut immédiat. Notre idée était de démocratiser l’accès à ces produits et de proposer une offre très large, permettant à chacun de trouver tout ce qu’il cherchait au meilleur prix. 

The Good : Le e-commerce est souvent critiqué pour son impact environnemental. Comment Greenweez concilie-t-il croissance et transition écologique ?

Romain Roy : Il existe plusieurs études qui ont montré que le commerce en ligne n’a pas globalement un impact environnemental supérieur au commerce physique, c’est en fait très dépendant des situations. Par ailleurs, je pense qu’il est important de souligner qu’en France, des efforts particuliers sont faits pour réduire l’impact environnemental du ecommerce.

Une charte allant dans ce sens a d’ailleurs été signée par de nombreux acteurs du ecommerce. Concernant Greenweez, la majeure partie de notre impact carbone vient de la fabrication des produits que nous commercialisons, il est donc difficile d’agir là-dessus. Par contre, la croissance n’est pas notre objectif ultime, c’est plutôt la construction d’un modèle à visée régénérative qui soit rentable et durable dans le temps. Il est important de comprendre que le carbone n’est qu’une unité de mesure de la problématique environnementale, il existe d’autres limites sur lesquelles par contre le fait de commercialiser des produits bio et d’inciter un maximum de gens à adopter des modes de consommation plus responsables a un impact évident (biodiversité, absence de pesticides, meilleure qualité des sols et de l’air, etc.). 

La logistique ne représente que 5% de notre impact carbone. En France, de nombreuses initiatives existent malgré tout et sont notamment portées par la FEVAD (réduction du vide dans les colis, diminution des retours, etc.) . Les transporteurs font par ailleurs des efforts pour transformer progressivement leurs flottes de véhicules pour les rendre plus propres, poussés notamment par des changements réglementaires avec l’apparition de plus en plus de ZFE dans les agglomérations. 

The Good : Observez-vous une réelle transformation des habitudes de consommation en France ?

Romain Roy : Oui, nous sentons que les comportements de consommation évoluent, trop lentement à notre goût, mais ils évoluent. On a constaté notamment lors des confinements que lorsqu’il y a une problématique de santé avérée, les consommateurs adoptent plus massivement des habitudes de consommation saines. C’est d’ailleurs un constat que nous faisons, il est plus facile aujourd’hui de sensibiliser à ces problématiques sous l’angle de la santé (plus individuel) que sous un angle plus global et collectif de problématique environnementale. 

The Good : Comment sensibilisez-vous vos clients à une consommation plus responsable ?

Romain Roy : Nous le faisons de deux façons principalement. Tout d’abord en proposant l’offre la plus large en Europe sur ces thématiques, à la fois dans l’alimentation avec notre supermarché bio en ligne, mais également dans tous les univers de consommation pour lesquels nous proposons notamment grâce à notre place de marché et à nos vendeurs partenaires des solutions de consommation plus responsables. Mais un angle fort de notre démarche de sensibilisation réside aussi dans notre création massive de contenus sur ces thématiques (blog, vidéos, tutos et articles de fond). 

The Good : Le bio est parfois critiqué pour son coût élevé. Comment rendre ces produits accessibles à un plus grand nombre ?

Romain Roy : Je voudrais avant tout souligner le fait qu’avec la séquence inflationniste que nous venons de traverser, les prix entre le bio et le conventionnel ont eu tendance à se rapprocher, voir même à devenir similaires sur certains produits. Mais il n’en reste pas moins que le coût frontal peut sembler plus cher. Je pense qu’il est important de rappeler qu’une consommation plus saine ne consiste pas juste à prendre les produits équivalents à ce que l’on consommerait en traditionnel.

Il s’agit également de consommer différemment, avec plus de produits bruts, moins de produits carnés, etc. Quand on fait ce calcul, on se rend compte que finalement, cela ne coûte pas plus cher. Il faut aussi expliquer que le coût d’un produit bio correspond également au respect de toute une chaine de valeurs, à une juste rétribution de tous les acteurs impliqués et que le coût indirect notamment environnemental est moins élevé. Mais nous faisons en parallèle beaucoup d’efforts pour rendre nos produits les plus accessibles possibles pour les consommateurs, nous développons notamment notre marque propre et une offre anti-gaspi qui permettent de trouver tous les produits basiques à des prix très abordables. 

The Good : Comment gérez-vous le paradoxe entre inciter à consommer mieux tout en étant une entreprise qui vend des produits ?

Romain Roy : Je ne vois pas de paradoxe là-dedans, sachant qu’inciter à consommer mieux passe souvent pour nous par inciter à consommer moins également. Un des produits que nous avons élaborés avec nos clients et qui fonctionne le mieux est par exemple un petit paquet de lessive qui permet de faire un an de lessive… L’important pour nous est notre raison d’être, notre mission, et la façon dont nous voulons prendre notre part dans la sensibilisation aux problématiques environnementales et aux évolutions de consommation indispensables si nous voulons respecter davantage les limites planétaires. 

The Good : Quels sont les nouveaux défis pour le marché du bio et de l’alimentation durable ?

Romain Roy : La période actuelle, avec l’avènement des populismes et des climatosceptiques dans certaines parties du monde, n’est pas la plus simple pour le bio et pour le combat contre la crise environnementale. A cela viennent s’ajouter des problématiques de pouvoir d’achat qui, couplées à la perception (inexacte pour moi comme je vous l’ai dit) que la consommation saine coûte davantage, ne simplifient bien sûr pas la situation pour les acteurs du Bio. Pour autant, les indicateurs du secteur sont plutôt encourageants. Nous devons faire des efforts pour continuer à innover et pour rendre les produits accessibles au plus grand nombre, mais sans dénaturer nos valeurs et nos standards de qualité. 

The Good : La crise du bio a-t-elle impacté votre business model ?

Romain Roy : Ce serait mentir que d’affirmer le contraire. Mais depuis 3 ans, nous avons engagé un plan de transformation dont la croissance n’est pas un objectif premier. Nous voulons avant tout construire une entreprise rentable et durable, et faire évoluer notre modèle dans le non-sens. 

The Good : Quelle place voyez-vous pour Greenweez dans les 10 prochaines années ?

Romain Roy : Nous souhaitons devenir la plateforme de référence de la consommation responsable au sens large en Europe, avec une communauté engagée et active et participer à notre échelle à la diffusion des connaissances sur les sujets environnementaux pour mobiliser le plus grand nombre autour de ces combats vitaux. 

The Good : Quels sont les prochains engagements que vous souhaitez prendre pour aller encore plus loin dans votre démarche ?

Romain Roy : Nous souhaitons à terme faire en sorte que notre place marché devienne un outil de mise en relation local entre un consommateur à la recherche d’un produit et un vendeur ou un fabricant proche de lui, idéalement avec un modèle économique à visée régénérative, capable de lui fournir localement et au meilleur prix.  

The Good : Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui veulent créer un projet à impact ?

Romain Roy : Avant tout, je leur dirais bravo, toutes les énergies sont les bienvenues. Je ne sais pas si je suis qualifié pour donner des conseils quand je vois la nouvelle génération d’entrepreneurs à impact tous plus brillants et engagés les uns que les autres. Peut-être simplement de raisonner de façon écosystémique et globale car on oublie parfois cette dimension lorsque l’on s’attaque à un sujet en particulier. Et aussi, de ne pas avoir peur de lancer des projets dans nos territoires, on a parfois l’impression que cela est reservé à un microcosme parisien, mais nos territoires regorgent d’énergeis et d’initiatives incroyables. 

The Good : Quel message souhaitez-vous faire passer aux consommateurs qui hésitent à adopter un mode de vie plus responsable ?

Romain Roy : Le premier message serait celui du coût. Transformez vraiment votre manière de consommer, et vous constaterez que cela ne coûte pas plus cher, et que la sobriété engendre le bonheur, un bonheur plus profond qu’une simple satisfaction immédiate et court termiste.

Je leur dis également que même si aujourd’hui le sujet n’est pas à la mode, c’est la vie des générations futures, de nos enfants et petits-enfants qui est en jeu, c’est parfois dur à concevoir car cela semble lointain, mais c’est aujourd’hui que cela se joue.

Écoutez les scientifiques, informez-vous, et vous verrez que ce changement est possible, souhaitable et plein de promesses positives pour l’avenir. 

Allez plus loin avec The Good

The Good Newsletter

LES ABONNEMENTS THE GOOD

LES ÉVÉNEMENTS THE GOOD