Imaginez une carte qui vous permette de prendre le bus, le tram, le métro, le RER et le train de façon indistincte et illimitée tout au long de l’année pour 3 euros par jour. C’est ce dont bénéficient les Autrichiens depuis octobre dernier avec le « Klimaticket », une initiative destinée à réduire l’usage de la voiture et à se préparer à un monde sous énergie contrainte.
Un ticket pour les gouverner tous. L’adage de J.R.R. Tolkien résume de façon idoine le projet écologique autrichien, car c’est avant tout un choc de simplification. Fini l’accumulation du billet papier, de la carte d’abonnement plastifiée ou du ticket numérique qui rendent les déplacements en ville kafkaïens. En Autriche, depuis octobre, le ticket climatique permet d’emprunter l’ensemble des réseaux de transport publics et privés du pays pour 1095 euros par an, soit 24 euros par semaine. Ce n’est pas une première mondiale en tant que tel puisque d’autres programmes d’incitation à la mobilité collective existent. Mais ces derniers sont très onéreux et donc peu accessibles au plus grand nombre, à la différence du projet autrichien.
130 000 abonnements en quelques semaines
Ce passe-partout climatique est un moyen concret pour réduire les émissions du pays. Par son prix abordable (quasiment celui du passe Navigo francilien), il encourage les automobilistes à lâcher leur véhicule, dont les coûts surpassent ceux du ticket climat. Ce « Klimaticket » est une étape cruciale dans l’objectif de neutralité climatique 2040 de l’Autriche. Il a demandé un investissement initial de 240 millions d’euros, et nécessitera 150 millions d’euros chaque année pour être prolongé. Un coût élevé, mais qui pourrait bénéficier d’un retour sur investissement énergétique et industriel. Car réduire la voiture à l’échelle d’un pays, c’est anticiper la fin du pétrole, renforcer sa souveraineté énergétique, mais aussi préparer l’avenir industriel des transports en commun. L’initiative a d’ailleurs connu un réel enthousiasme auprès de la population, au point que les serveurs du site de réservation ont “planté” face à l’afflux d’internautes. En un mois, 130 000 Autrichiens ont souscrit un abonnement.
Le ticket climat, au-delà de son accessibilité et de sa simplicité d’usage, est intéressant en ce qu’il permet une mobilité souple et spontanée.
Une vision ambitieuse qui inspire les voisins européens
A l’image des pays nord de l’Europe, l’Autriche souhaite développer des modes de transport décarbonés (marche, vélo, transport en commun) et décélérer l’usage de la voiture. Le ticket climat, au-delà de son accessibilité et de sa simplicité d’usage, est intéressant en ce qu’il permet une mobilité souple et spontanée. Un imaginaire de voyage que la voiture a longtemps monopolisé. Pour aller au terme de ses ambitions, le pays va devoir investir massivement dans la transformation de son urbanisme et du réseau ferroviaire. Pour y parvenir, l’Autriche prévoit d’injecter entre 2022 et 2027 plus de 18,2 milliards d’euros, rien que pour le train. Un choix fort qui inspire ses pays voisins. En Allemagne, les Verts se sont déclarés favorables à un tel système, et pourraient faire pression sur la coalition pour lancer des négociations. En Suisse, un abonnement national annuel aux transports publics existe déjà, mais son prix est stratosphérique : 3700 euros en seconde classe, 6100 en première. Un coût insoutenable qui fait de l’initiative suisse un projet pas réellement écologique.
Un modèle duplicable en Europe
Si le ticket climat confirme son succès dans les années à venir, il pourrait devenir un modèle pour ses pays voisins et au-delà. Son lancement nécessite cependant des années d’études et de négociations. Selon la taille du pays, son maillage territorial et ses obstacles bureaucratiques, la durée d’implémentation peut varier drastiquement. En Autriche, l’une des difficultés principales a été de convaincre les régions les plus rurales. Ces dernières se sont opposées à l’utilisation de leurs impôts pour subventionner une initiative nationale dont ils profiteraient peu, l’usage des transports en commun y étant faible. Cette difficulté, résolue après d’âpres négociations, rappelle qu’un projet véritablement écologique doit intégrer toutes les parties prenantes. L’effort contributif de financement doit être pondéré en fonction des revenus et des zones géographiques, afin que les populations rurales ou défavorisées soient intégrées.