18/01/2021

Temps de lecture : 6 min

Florian Palluel, Picture Organic Clothing : “L’énergie et l’électricité sont les leviers clés du climat et des GES ”

Certifiée B Corp depuis novembre 2019, Picture Organic Clothing poursuit son exploration responsable et engagée sur le marché des sports outdoor. Bio-sourcing et refonte complète de son circuit de production, l’entreprise vient de réaliser un audit carbone important et travaille notamment avec le WWF France selon la méthodologie Science Based Target pour piloter le business en accord avec les recommandations du GIEC et rester dans la limite d’un réchauffement climatique à 1.5 degrés. Bref, une marque à suivre. Rencontre avec Florian Palluel, son Responsable de la Transparence et de la Durabilité.

Certifiée B Corp depuis novembre 2019, Picture Organic Clothing poursuit son exploration responsable et engagée sur le marché des sports outdoor. Bio-sourcing et refonte complète de son circuit de production, l’entreprise vient de réaliser un audit carbone important et travaille notamment avec le WWF France selon la méthodologie Science Based Target pour piloter le business en accord avec les recommandations du GIEC et rester dans la limite d’un réchauffement climatique à 1.5 degrés. Bref, une marque à suivre. Rencontre avec Florian Palluel, son Responsable de la Transparence et de la Durabilité.

The Good : Depuis novembre 2019, Picture Organic Clothing est désormais certifiée B CORP. Que symbolise pour vous ce label et quels points d’amélioration cette évaluation a-t-elle mis en avant ? 

Florian Palluel : Pour nous, c’est bien évidemment un gage de crédibilité, une reconnaissance et une récompense des efforts menés depuis la création de Picture en 2008. En revanche, ce n’est pas une fin en soi. Le niveau d’exigence et la transparence des notes obtenues entre les entreprises certifiées permet de se comparer et de définir des points d’amélioration.

L’audit B Corp de 2019 a entre autres révélé que nous manquions d’analyse et de données sur notre propre impact carbone, sur notre consommation d’eau et d’énergie. Dans la foulée, nous avons donc décidé de réaliser un nouveau bilan environnemental (le dernier datait de 2012). Il est fini depuis novembre 2020, et nous avons désormais une bien meilleure connaissance de notre impact et de ce qu’il faut améliorer. Décarboner nos chaînes d’approvisionnement est le challenge numéro 1. Le sujet est commun à toute l’industrie textile. En d’autre mots, il s’agit de changer l’origine de l’électricité qui alimente les machines textile, pour sortir des modes fossiles (charbon, gaz, pétrole) et passer aux modes bas carbone (nucléaire, hydroélectricité, solaire, éolien, géothermie, biomasse). 

L’énergie et l’électricité sont des sujets dont on parle peu, pourtant, et c’est bien ça le problème, ils sont des leviers clés dès l’instant où on veut parler sérieusement du climat et des émissions de gaz à effet de serre.

Aussi, B Corp a eu le mérite de « cadrer » certaines de nos actions RH qui n’étaient pas assez formalisées. Ils nous ont aussi encouragés à accentuer le mécénat de compétence qui était présent chez nous, mais pas disponible annuellement pour tous nos employés.  

The Good : En quelques chiffres, votre feuille de route RSE pour l’année 2021 ? 

F.P. : Difficile de mettre des chiffres sur le projet de décarbonation tant il est complexe et orienté sur le long terme. En tout cas, il va sacrément nous animer en 2021. Il est organisé en 3 piliers, inspirés des conclusions du GIEC : la transition énergétique, la sobriété, et la contribution à la neutralité carbone. Quelques mots par rapport à la sobriété : la seconde main chez Picture devrait voir le jour ce printemps, et nous venons de lancer (automne 2020) la garantie de réparabilité à vie. 

Aussi, nous allons supprimer une bonne partie des polybags pour la livraison de nos produits printemps/été 2021. Environ 60% de la collection est concernée! 

The Good : Dans votre objectif de sortie des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) à l’échelle de toutes les activités de l’entreprise, l’enjeu est de réussir à embarquer l’ensemble de vos partenaires et parties prenantes dans le changement. Comment y procéder et faire raisonner l’interne avec l’externe ?

F.P. : Sans collaboration nous n’arriverons pas à grand-chose. La décarbonation des processus textile que nous voulons accélérer concerne surtout les étapes de filature, tissage et teinture, autrement dit, des partenaires éloignés avec lesquels nous n’avons pas de relation business directe. Nous représentons une faible part de leur volume de production, nous sommes donc peu influents pour faire bouger les choses. On parle ici, par exemple, d’inciter une usine Turque ou Taiwanaise à investir dans des panneaux solaires pour auto-produire une partie de son propre besoin électrique, et ainsi réduire sa dépendance à une électricité nationale qui vient d’un mix trop carboné avec du charbon et du gaz. 

Pour mener ce genre de projets à bien, collaborer avec les autres marques de nos chaînes d’approvisionnement sera capital. Nos partenaires historiques au niveau de la confection et du tissu seront aussi des pièces maîtresses et des portes d’entrées pour discuter avec les partenaires plus éloignés. On veut aussi se rapprocher d’ingénieurs en énergie bas-carbone présents en local. De manière générale, que ça soit avec nos partenaires, en B2B et B2C, à la presse, nous allons parler, parler et parler encore de tous ces sujets énergétiques, même si nous ne sommes pas parfaits. C’est comme ça que peut être nous commencerons petit à petit à créer de l’engouement et embarquer tout le monde dans la démarche. 

The Good : Depuis la naissance de votre marque en 2008 et au fil du développement de votre stratégie RSE, quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ? Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un futur entrepreneur pour les éviter ? 

F.P. : L’engagement de l’entreprise s’est accentué au fil du temps sans forcément connaître de véritables obstacles. La plupart du temps, nous allons à contre-courant des procédés conventionnels mais ça ne s’apparente pas à des obstacles, plutôt à une transition que nous essayons d’accélérer. La sortie des polybags par exemple est compliquée, elle bouscule les habitudes de travail des usines de confection et des partenaires logistiques. Pour autant, ces derniers comprennent l’intérêt environnemental de ce projet, donc ça avance. Ce n’est pas simple mais ça avance. C’est donc plus une transition qu’un sujet bloquant. 

En revanche, pour notre gros dossier décarbonation, je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir. Le sujet va largement au-delà des problèmes classiques du secteur textile. Décarboner l’électricité est un challenge mondial pour réduire les émissions de CO2 mais il fait face à de grosses limites physiques et économiques. S’il y a un point important à retenir : une transition énergétique réussie qui fait la part belle aux énergies bas carbone n’existera jamais si le monde continue de garder le même niveau de productivité et de consommation. Il faut accepter de passer en mode « sobriété ». 

Du coup mon conseil à un futur entrepreneur serait de mettre l’accent en priorité sur ces sujets d’énergie et de carbone pour que les produits ou services qu’il développe ne soient pas trop dépendant des énergies fossiles dont il faut sortir. 

The Good : De nombreuses initiatives et projets fleurissent autour d’une production vestimentaire plus responsable. Certaines vous inspirent-elles ? Comment ? 

F.P. : Les marques textile qui m’inspirent sont celles qui ont fait le pari de rester en France. Et je ne dis pas ça pour vanter le Made In France. Si nos voisins européens avaient une production électrique aussi décarbonée que la nôtre alors je ne verrais pas d’inconvénient à aller chez eux pour développer des produits textiles peu émissifs et de qualité. Le Portugal est un bon exemple. 

Après, les marques françaises ont globalement un modèle de distribution bien différent du nôtre. Elles ont du mal à vendre à des magasins (rajout d’un intermédiaire entre la marque et le consommateur) car le prix public du produit fini exploserait. 

Enfin, elles ont une fraîcheur, une proximité avec les utilisateurs, elles prennent la parole, elles cassent un peu les codes, elles n’hésitent pas à tacler la fast fashion et le greenwashing sur les réseaux sociaux. Elles essayent aussi de produire au plus juste avec de la pré-commande. Bref j’aime bien!

The Good : Le secteur de l’outdoor survit-il par temps de confinement ? 

Julien Durant, PDG Picture : Le secteur de l’outdoor est multi facettes. Les activités non atteintes dans leurs pratiques par les multiples confinements vivent des jours heureux comme le vélo ou le trail. A l’inverse les activités qui ont été interdites (ski alpin) vivent l’ enfer. Les consommateurs ne se projetant pas dans les pratiques ont stoppé 100% de leur consommation et l’ont reportée sur les activités qu’ils peuvent pratiquer à l’instant T. De ce fait, le secteur présente des résultats très inégaux suivant les positionnements des marques de cette industrie.

Les consommateurs veulent sortir et prendre l’air, ils ont besoin de se ressourcer et l’environnement de l’outdoor parle à tout le monde. Beaucoup de nouveaux arrivants dans les pratiques autorisées contribuent à l’émulation que génèrent ces activités.

En tant que marque ski/snowboard, Picture subit de plein fouet la fermeture des stations de ski et vit de mauvais jours. Il est temps de se réinventer sur de nouvelles activités pour compléter le spectre des activités auxquelles nos produits répondent.

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