(contenu abonné) Une fois par an, en novembre, la commune de Saint-Dizier (Haute-Marne) utilise les panneaux publicitaires pour exposer des œuvres d’art choisies en collaboration avec la Réunion des musées nationaux (RMN). Une idée du maire, Quentin Brière, qui essaime dans d’autres communes de France…
TheGood : Quelques semaines par an, vous réquisitionnez donc les panneaux publicitaires de la commune ?
Quentin Brière : Tout à fait. Cette idée de détourner les espaces publicitaires de la ville pour y afficher des œuvres d’art m’est venue en avril 2021, en pleine pandémie de la Covid. Alors que la culture était enfermée et inaccessible, j’ai voulu apporter, au cœur de la vie quotidienne de tous les habitants, des œuvres d’art intemporelles pour lutter contre la morosité ambiante.
Le seul espace dont dispose une collectivité pour atteindre tout le monde, c’est l’espace public. Le dernier lieu qu’ont en commun ceux qui n’ont plus rien en commun. Et ce qui s’impose à tous dans l’espace public, ce sont les panneaux publicitaires. Nous avons donc exploité ces espaces pour mettre du Beau dans l’espace public, des œuvres qui réveillent l’émerveillement et qui viennent remplacer des affichages pour des cuisines ou des SUV.
TheGood : Quand aura lieu la prochaine exposition à Saint-Dizier, et quels seront les artistes présentés ?
Quentin Brière : Après trois éditions, la prochaine édition de « la Beauté sauvera le monde » se tiendra en novembre 2024. Grâce au partenariat noué avec le Grand-Palais RMN, nous pourrons bénéficier d’une sélection d’œuvres issues de leur photothèque, suivant une thématique que nous déterminerons ensemble. En 2023, les œuvres suivaient le thème de l’art dans l’Art.
TheGood : Je crois que vous avez fait des émules… Quelles communes ont adopté votre idée ?
Quentin Brière – Le grand avantage de « la Beauté sauvera le monde » est sa facilité de duplication, car il suffit d’un budget très restreint et de peu de logistique pour la mettre en place. J’ai pu échanger avec plusieurs collègues maires, et c’est près d’une quinzaine de communes que nous accompagnons dans la mise en place de leur propre « Beauté sauvera le monde » : Bourges, Bourg-en-Bresse, Lamontjoie, Neuvy-sur-Barangeon, Saint-Raphaël, Salbris et Talmont-Saint-Hilaire. Talmont-Saint-Hilaire s’est déjà saisie du dispositif en novembre 2023. Nous lancerons ensemble l’édition 2024 en novembre avec ce message commun : démultiplions tout ce qui favorise l’accès à la culture pour tous.
TheGood : Est-ce que la ville paie les emplacements utilisés ? Si oui, quel en est le coût ?
Quentin Brière : Chaque année la Ville réserve effectivement les emplacements publicitaires, que ce soit les « sucettes » en ville ou les 4×3 dans les zones commerciales. La location des emplacements – environ 70 faces – les droits de reproduction des œuvres et l’impression des affiches coûtent environ 10 000 € par édition. Et depuis la seconde édition de « la Beauté sauvera le monde », Publi Essor, acteur local de publicité, met à disposition de la Ville des emplacements publicitaires éphémères supplémentaires, et ce gratuitement, dans le cadre d’un partenariat.
TheGood : Quel accueil la population a-t-elle réservé à cette opération ?
Quentin Brière : Elle a été et est toujours très appréciée des Bragards (habitants de Saint-Dizier). C’est un petit plus dans leur quotidien, une manière de leur faire découvrir des peintres et des œuvres qu’ils ne connaissent pas toujours, tout en réduisant la pollution visuelle des publicités. Chaque année certains font le tour de la Ville à la recherche de tous les panneaux, à la manière d’une chasse au trésor !
TheGood : Saint-Dizier a également expérimenté une marelle musicale…. pouvez-vous nous expliquer ce projet?
Quentin Brière : La Ville a accueilli en décembre dernier, sous forme expérimentale, une marelle musicale développée et testée par la Philharmonie de Paris, dans le cadre de leur projet de parc à sons. Il s’agit d’un module musical ludique et interactif. Concrètement, elle prend la forme d’une grande plateforme sur laquelle plusieurs dalles interactives font de la musique lorsque l’on marche dessus. Une manière d’associer pratique musicale et activité physique ! Les enfants ont particulièrement apprécié ce module.
TheGood : Quel est le coût supporté par la commune pour ces opérations en faveur de la culture ?
Quentin Brière : La Ville de Saint-Dizier et l’agglomération du Grand Saint-Dizier consacrent une importante partie de leur budget respectif aux opérations en faveur de la culture. Ce sont, en tout, environ 8M €, en fonctionnement et en investissements, qui sont mis sur la table pour notre saison culturelle, notre conservatoire, notre réseau de médiathèques, nos musées et des opérations comme « la Beauté sauvera le monde » et des animations culturelles comme le festival Musical été.
TheGood : Etes-vous intimement convaincu que la beauté sauvera le monde ?
Quentin Brière : J’y crois intimement. Je suis convaincu que cela peut tout changer. Je rêve d’une France où une semaine par an, un mois par an, tous les panneaux publicitaires sont remplacés par des milliers et des milliers d’œuvres d’art. Peut-être qu’on ne sauverait pas le monde tout de suite, mais on le rendrait certainement meilleur.