Profiter de la RSE pour repenser ses produits ou ses services ! De plus en plus d’entreprises s’y essaient. A la clé : des innovations durables et une image de marque décuplée auprès des consommateurs.
Après des années de promesses, la responsabilité sociale et environnementale (RSE) est en train d’entrer dans une nouvelle ère ! Aujourd’hui, la plupart des entreprises intègrent cette problématique dans leur stratégie de communication et de marketing. En 2021, d’après l’institut Kantar, les campagnes RSE ont totalisé 11 % des investissements bruts réalisés sur le marché publicitaire de l’Hexagone, soit 3,5 milliards d’euros bruts. En tout, l’année dernière, 2 136 annonceurs ont communiqué sur leurs enjeux de protection de l’environnement, d’achats responsables ou de développement durable. « Nous constatons une prise de conscience dans les briefs entreprise quand elles nous consultent. Il est aujourd’hui très rare d’aborder une stratégie de marque sans parler de responsabilité sociétale » analyse Marc-André Allard, directeur innovation au sein de l’agence Lonsdale. Ce qui n’était encore qu’une option il y a dix ans est aujourd’hui une obligation dans quasiment tous les business.
En 2021, d’après l’institut Kantar, les campagnes RSE ont totalisé 11 % des investissements bruts réalisés sur le marché publicitaire de l’Hexagone, soit 3,5 milliards d’euros bruts.
Des consommateurs demandeurs
La législation est certes passée par là, obligeant les entreprises à s’adapter et à se transformer (loi Climat et Résilience, loi Agec…). Mais l’avis du consommateur, de plus en plus averti, est également devenu vital pour les marques. La crise sanitaire, ainsi que les récents mouvements sociaux et civiques, les ont transformés en citoyens justiciers, à l’affût du moindre écart ou de la moindre preuve pour dénoncer les abus et les discours mensongers (le fameux green-washing). Tous attendent très clairement que les PME (25%) et les grandes entreprises (21%)* contribuent positivement aux enjeux de société. C’est même devenu un critère essentiel, complémentaire au bon vieux mix qualité/prix, au moment d’acheter.
Face à ce grand chambardement – qui va aller crescendo – les marques n’ont plus le choix. « Elles doivent ajouter une dimension RSE à leur offre produits ou services. C’est à la fois un accélérateur de confiance auprès des consommateurs mais aussi un levier de performance et de différenciation sur le long terme » insiste de son côté David Garbous, fondateur du cabinet Transformation Positive.
L’opportunité de repenser son offre
Out donc les beaux discours sans fond. Place à l’action, et plus précisément au design circulaire. Ce nouveau courant consiste à prendre en compte le respect de l’environnement pour imaginer ou repenser son offre. Comment ? En transformant un produit en service pour diminuer la consommation d’énergie, en réutilisant les matières, en réparant, en recyclant… Bref en appliquant le fameux « Rien ne se perd, tout se transforme », propre à l’écosystème de la nature. De nombreuses entreprises se sont déjà saisies du sujet, œuvrant pour la prolongation du cycle de vie de leurs produits, la réutilisation des matériaux ou la régénération des écosystèmes. « Tous ces axes de changement et d’amélioration offrent aux marques l’opportunité de re-questionner leur offre mais aussi d’innover » analyse David Garbous. Très engagé dans la Green Beauty, Garnier, leader mondial des produits de beauté, a par exemple concrétisé rapidement ses engagements RSE en lançant en 2020 un shampoing solide sous la marque Ultra Doux. Un an et demi plus tard, la gamme a été étendue avec un shampoing solide à destination des enfants. Le groupe n’entend pas s’arrêter là et promet de poursuivre ses efforts pour innover durablement avec des produits éco-conçus, plus naturels et moins gourmands en consommation d’eau. « C’est en démultipliant l’offre qu’on la rendra désirable. Dans n’importe quelle démarche d’innovation produit, il est important de se fixer une ligne de conduite, par exemple réduire de x% son empreinte carbone, de hiérarchiser les projets à mettre en place, de lancer l’innovation et de réitérer rapidement avec une gamme » conseille David Garbous.
Ré-emploi de matières existantes
Pour les entreprises, cette quête d’innovations responsables et durables se caractérise le plus souvent par la ré-utilisation des matières existantes et recyclées. Adidas, par exemple, utilise de plus en plus de plastiques recyclés pour fabriquer ses chaussures. En 2020, 15 millions de paires ont ainsi été produites à partir de débris plastiques marins. Surfant sur son nouveau discours, la marque aux trois bandes en a profité pour ressortir certaines de ses chaussures iconiques. Une gamme de Stan Smith, fabriquée à base de caoutchouc recyclé, de liège et de papier, a ainsi été proposée aux accros de la mode. Un début de transformation car, en coulisses, les rumeurs laissent entendre qu’Adidas serait également en train de chercher à bannir le cuir animal pour lui préférer du cuir végétal à base de mycélium de champignons. Même démarche d’up-cycling pour Veja, une marque française de baskets créée en 2005. Pour la fabrication de ses chaussures, l’entreprise utilise du B-Mesh, un tissu conçu à partir de bouteilles recyclées. Chez Aigle, membre de Textile Exchange et de UN Global Compact, le choix des matières premières se porte, lui aussi, de plus en plus sur des fibres recyclées, du coton organique et du duvet responsable. « Dans le secteur textile, il n’est plus question de faire de la fast-fashion. Les entreprises doivent adopter une nouvelle attitude et s’engager sur une production plus responsable » indique Brieuc Saffré, président de Circulab.
L’éco-conception pour augmenter la durabilité produit
Toute cette réflexion autour du « mieux agir » pousse également les entreprises à repenser leur approche industrielle. Circuits courts, politique d’achats responsables, synergie éco-responsables … Ces nouvelles logiques d’approvisionnement durable gagnent du terrain. Danone s’est ainsi lancé dans l’agriculture régénératrice. Le groupe aide par exemple ses producteurs partenaires à restaurer les systèmes agricoles via des rotations de cultures. Son objectif : réduire, à la source, les émissions de C02 générées par les filières laitières et céréalières avec qui il collabore.
En effet, tout se joue bien souvent au début de la chaîne, avant même que le produit ne soit fabriqué ni même commercialisé. « 80% de l’impact environnemental d’un produit est déterminé lors de sa conception. Il faut dès le départ penser à une logique d’éco-conception depuis l’extraction des matières premières à la fabrication jusqu’à la fin de vie du produit » avance Marc-André Allard. Decathlon est fer de lance sur cette problématique depuis plusieurs années. L’entreprise a bâti sa réputation sur ses pratiques d’éco-design. Tee-shirts, doudounes…tous les nouveaux produits doivent être 10 % moins polluants que le modèle précédent. Dans une même logique de durabilité, Seb éco-conçoit ses produits en prenant en compte, dès la phase de création, leur démontabilité et leur réparation. Pour la plupart de ses appareils électroménagers, l’entreprise conserve pendant environ dix ans les pièces détachées nécessaires à leur réparation.
« 80% de l’impact environnemental d’un produit est déterminé lors de sa conception. Il faut dès le départ penser à une logique d’éco-conception depuis l’extraction des matières premières à la fabrication jusqu’à la fin de vie du produit »
La seconde main se déploie dans tous les secteurs
Les entreprises engagées dans une démarche de design circulaire doivent également réfléchir et agir sur la fin de vie de leur produit. Cela les amène bien souvent à créer de nouveaux services complémentaires, plus vertueux et plus solidaires. Dans le textile, les exemples de marques ayant lancé des corners de seconde main ou de reprise de vêtements dans leurs boutiques sont légion. De Aigle à Kiabi en passant plus récemment par Petit Bateau, les acteurs du prêt à porter trouvent une façon plus durable de vendre et surtout un moyen de redorer leur image de deuxième industrie la plus polluante au monde. « Le marché de l’occasion connaît un véritable boom, et pas seulement dans la mode » analyse Brieuc Saffré. Après Bricorama ou Fnac-Darty, Leroy Merlin a ainsi lancé son service de revente fin 2021. Pour l’heure seules trois familles d’outils- perceuses, visseuses et perforateurs- sont concernées mais d’après l’enseigne, le service sera élargi à d’autres gammes. Même la grande distribution alimentaire se met à la seconde main. Cora a ainsi installé des espaces « Mon Dressing d’occasion(s) » dans plusieurs de ses hypermarchés. Les prix sont uniques, déterminés en fonction des catégories de produits : tous les tee-shirts sont au même prix, de même que tous les pantalons, etc. Un service de reprise des vieux vêtements est également proposé aux clients, donnant droit à cinq euros de bon d’achat. Une manière de récompenser les clients donateurs tout en les invitant à consommer en magasin. Malin tout en étant durable.
De nouvelles innovations d’usage
De nombreuses autres expériences clients sont également développées par les marques pour montrer leur engagement : vrac, consignes, location, partage… Bocage (groupe Eram) a ainsi été pionnier en 2018 en lançant « L’atelier Bocage », un concept d’abonnement qui permet de louer une nouvelle paire de chaussures neuves toutes les huit semaines. Le service déployé dans une cinquantaine de boutiques a dernièrement été développé en ligne pour permettre à un plus grand nombre de clientes de profiter de l’offre. Du côté du vrac, tous les acteurs de la grande distribution s’y essaient, par choix mais aussi par obligation (La loi Climat et Résilience impose pour janvier 2030 que 20% de la surface de vente des magasins de plus de 400 m2 soit destinée aux produits en vrac). Casino, Carrefour, Système U… tous s’y préparent, conscients que cette révolution des pratiques ne se fera pas en un jour. » Abonnement, location ou vrac, il faut que le client apprenne ces nouveaux usages » prévient Brieuc Saffré. Un effort de pédagogie, de transparence et d’informations est indispensable. « Il y a un vrai enjeu en termes de communication et de marketing. Ces fonctions doivent s’emparer du sujet pour sensibiliser les consommateurs, accroître leur rôle proactif et transformer la RSE en une arme de construction massive » conclut David Garbous. Le marketing responsable a encore de très beaux jours devant lui.
* Baromètre Contributing® réalisé avec l’institut CSA en mai 2020
Cet article est extrait de la revue The Good