27/11/2023

Temps de lecture : 5 min

« La transformation n’est plus une option : faisons œuvre commune pour faire basculer l’économie ! », Thomas Breuzard (B Lab France)

(contenu partenaire) Ces dernières années, la résilience des entreprises a été mise à rude épreuve. Les contextes géopolitiques, sociaux et climatiques ont mis à mal bien des modèles d’affaires, ont redistribué les cartes de...

(contenu partenaire) Ces dernières années, la résilience des entreprises a été mise à rude épreuve. Les contextes géopolitiques, sociaux et climatiques ont mis à mal bien des modèles d’affaires, ont redistribué les cartes de la performance, ont révélé les failles d’un système qui épuise les ressources naturelles et qui ne prend pas soin des humains. Le temps de la transformation n’est plus une option.

Un chiffre l’illustre : en mars 2023, il y avait eu 43 886 défaillances d’entreprises et de redressements judiciaires en France au cours des 12 derniers mois, contre 29 124 un an plus tôt, soit une augmentation de 50,7% (source La Tribune).

Dans le même temps, plus personne ne semble ignorer les risques à court et moyen terme de l’épuisement du vivant face à la prédation constante des ressources, face à l’avidité du capitalisme actuel qui continue de vouloir dominer la nature plutôt que considérer l’Homme et l’économie comme partie intégrante des écosystèmes vivants.

Face à ces différents constats, il devient évident qu’une nouvelle ère doit s’ouvrir pour le monde de l’entreprise l’ensemble des activités économiques. Elles doivent basculer dans une nouvelle approche où le profit devient un moyen de contribuer à la résolution des enjeux sociaux et environnementaux, plutôt qu’une fin qui justifie tous les moyens.

Viser l’idéal ou l’ouverture : devons-nous choisir ?

Il y a une bonne nouvelle dont il nous faut nous nourrir : les solutions existent, les exemples se multiplient, dans tous les domaines de l’économie. Qu’il s’agisse d’entreprises sociales et solidaires qui redéfinissent l’utilité de l’entreprise, les coopératives qui redessinent les règles du partage du pouvoir et de la richesse, les entreprises certifiées B Corp qui réinventent leurs modèles économiques pour les mettre au service d’une société plus juste, équitable et compatible avec les limites planétaires… Tout semble indiquer que cette nouvelle ère est ouverte, qu’une nouvelle histoire s’écrit sous nos yeux.

Et leur stabilité leur donne raison ! Citons quelques chiffres issus d’une enquête réalisée en 2022 par le cabinet Utopies auprès d’une cinquantaine de B Corp françaises œuvrant dans 20 secteurs d’activités différents. Dans la période de crises actuelle :

  • 84% d’entre elles déclarent avoir été résilientes
  • 40% avoir été très résilientes
  • 50% déclarent que leur chiffre d’affaires progresse plus vite que la moyenne des entreprises de leur secteur 

Mais voilà, à ce jour, une immense majorité du monde économique n’a pas encore entamé une mue suffisante, ambitieuse, sincère, à la hauteur de l’enjeu ! Pourquoi ? Les facteurs sont multiples, les freins évidemment nombreux. Ils sont à la fois culturels à travers un système dont la finalité est la croissance du PIB, et temporels, entre urgence de résultats et besoin de planification. Citons par exemple l’inertie de la plupart des acteurs financiers, la mondialisation et ses chaînes de valeur distendues qui déconnecte toujours un peu plus la production de la consommation, la farouche guerre des prix face à un pouvoir d’achat qui s’érode et favorise la « moins disance sociale et environnementale ».

Face à cette inertie, on constate une polarisation parmi les différents écosystèmes de l’entreprise engagée. D’une part la volonté d’exigence et d’intégrité forte de la part des pionniers, de l’autre la nécessité d’embarquer de nouveaux acteurs d’envergure qui sont encore loin de nos idéaux, entre une forme de radicalité et une stratégie d’ouverture, d’inclusion, pour tenter de peser plus que jamais face aux inerties.

Provoquer une bascule du monde économique nécessitera de faire changer de grandes entreprises en profondeur, pour en faire des accélérateurs de transformation systémique, sectorielle. Trop souvent, les actes ne suivent pas les paroles, et c’est bien de ça dont il s’agit : comment garantir l’intégrité de nos mouvements lorsque les doutes sont permis sur la maturité future d’acteurs aujourd’hui controversés ? Comment nous assurer qu’ils s’engageront enfin dans un processus de transformation profonde, en s’inspirant des pionniers qui réinventent le rôle de l’entreprise dans la société, plutôt qu’en se montrant cyniquement opportunistes ?

Nous questionner et nous réinventer pour trouver l’équilibre

En juin 2022, lors de l’Assemblée Générale de B Lab France, association portant le mouvement des B Corp en France, les mots de l’un des co-fondateurs entraient en forte résonnance avec ce tiraillement permanent : “our biggest challenge in the coming years will be to scale with integrity”. Tout est dit : nous devons changer d’échelle, au même titre que tous les mouvements d’entreprises engagées, sans renier nos principes fondateurs, notre exigence, sans perdre en intégrité.

Plus récemment, différents évènements sont venus révéler les tensions qui peuvent exister au sein de nos mouvements : citons le renouvellement de la gouvernance de différents réseaux d’entreprises, où cette envie d’ouverture a provoqué bien des remous. Où les récentes labellisations B Corp d’entreprises d’envergure en France comme ailleurs qui ont fait vivement réagir, jusque parmi des B Corp elles-mêmes.

Citons ici trois grandes convictions qui ont motivé ces labellisations et qui nous font penser qu’il faut continuer à chercher un point d’équilibre en permanence : 

  • le processus de labellisation oblige les grandes entreprises à se poser des questions nouvelles au regard de leurs modèles d’affaires et l’obtention de la labellisation les oblige à progresser
  • l’évolution régulière de nos standards et des niveaux de maturité attendus les obligeront à progresser encore pour maintenir leur labellisation
  • les entreorises deviendront progressivement des locomotives pour faire évoluer les standards de leur propre secteur

Mais cela peut-il suffire ? Pouvons-nous continuer à développer nos écosystèmes sans de nouvelles exigences ?

A titre d’exemple, nous travaillons chez B Lab sur une réinvention de nos standards. Place désormais aux figures imposées sur des thèmes précis qui nous semblent devenir incontournables face aux dégradations sociales et environnementales à l’œuvre dans nos territoires : diversité et inclusion, climat, partage de la richesse… À l’avenir, une entreprise performante dans un domaine mais qui ne remplirait pas la future trentaine de critères imposés ne sera plus éligible à la labellisation. Cela permettra-t-il néanmoins de continuer à faire grandir notre mouvement ? A intégrer de grandes entreprises complexes à transformer ? L’avenir nous le dira.

Cette initiative singulière, qui implique un processus de co-construction à même de mobiliser les plus de 7700 entreprises certifiées à ce jour dans le monde, ainsi que nos partenaires, n’est pas un cas isolé. Dans d’autres mouvements, les exigences s’affinent, les dispositifs du plus inclusif au plus complexe se complètent.

L’union de nos propositions et de nos outils feront notre force

Au-delà de B Corp, nous sommes convaincus qu’il faut créer des ponts entre les acteurs de la transformation pour faire émerger des parcours progressifs, qui donneront confiance aux grandes entreprises et garantiront la sincérité de leur démarche dans le temps, avec des étapes bien identifiées.

Pour cela, il va falloir revoir nos modes de coopération afin de multiplier les synergies, se considérer comme maillon d’une même ambition plutôt que concurrents non assumés du secteur de la transformation, s’associer pour peser davantage auprès des instances gouvernementales, faire émerger de nouvelles attentes au sein de la société civile pour que les désirs de consommations changent, imposer au monde de la finance de nouvelles règles qui redistribueront les cartes de la création et du partage de la valeur.

C’est le cœur même du mandat que nous portons avec le conseil d’administration de B Lab France, en droite ligne avec les ambitions européennes et mondiales de notre mouvement, pour faire œuvre commune au service d’une économie plus équitable, plus inclusive et plus régénérative.

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