12/11/2024

Temps de lecture : 5 min

« La voiture circulaire va créer de nouvelles activités et de nouveaux emplois », David Puech (Adecco Group)

David Puech, en charge du développement industriel stratégique et de la mobilité chez The Adecco Group, groupe expert en solutions de ressources humaines (9000 collaborateurs permanents, 1400 bureaux dans 60 pays, 5,837 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023) était l’un des intervenants du Movin’On Summit 2024, une journée dédiée aux solutions de mobilité responsable, qui s’est déroulée le 7 novembre dernier à la Maison de la Poste à Bruxelles. Créé initialement par Michelin, Movin’On est désormais un think tank indépendant dédié à la mobilité durable. David Puech nous raconte l’évolution des compétences et métiers dans ce secteur.

The Good : Vous projetez que d’ici 2026 l’Europe aura une vision commune des compétences à acquérir en matière de mobilité durable. Comment y parvenir plus rapidement ?

David Puech : Chaque métier évolue ainsi que leurs usages. Les facteurs de ce changement sont : l’électrification (fabrication de batteries, piles à combustible et électronique de puissance), l’intégration de logiciels(comme l’aide à la conduite, les véhicules connectés, le Software defined vehicule et l’intelligence artificielle), sans oublier les nouveaux services de mobilité et l’économie circulaire. Les entreprises et les pouvoirs publics ont déjà mis en place de nombreuses initiatives. Le groupe Adecco est très précurseur en matière d’intégration de nouveaux usages liés à l’avènement de l’intelligence artificielle et à leurs impacts potentiels sur l’ensemble de nos métiers dans tous les secteurs d’activité.

Notre conviction est simple : il est d’accompagner ces changements pour parvenir à investir dans les talents en les formant sur la durée pour qu’ils disposent des compétences adéquates pour exercer ces nouveaux emplois. Le temps presse. Il y a un décalageentre l’urgence de la situation et le temps nécessaire à l’industrie pour conduire ces transformations en s’implantant en termes d’investissements, de déploiement de filières, de formation, de réglementation et de « time to market ».

La voiture circulaire est un bon exemple : nous disposons des compétences nécessaires et cela constituera à coup sûr une source de compétitivité pour rivaliser dans la nouvelle concurrence mondiale. J’aime répéter qu’une voiture n’est pas un appareil technologique comme les autres ; notre force réside notamment dans la maîtrise des chaînes de valeur mondiales liées à la mécanique, à la liaison au sol, et à la compréhension d’un environnement complexe auquel est confrontée une automobile.

The Good : Quelles stratégies proposez-vous pour requalifier les travailleurs des secteurs traditionnels et répondre aux besoins de cette nouvelle économie circulaire?

David Puech : La clé est d’exprimer un besoin collectif que partage l’ensemble de l’industrie, comme aujourd’hui lors de notre Sommet. Cela peut accélérer la création de programmes de formation reconnus, de leur déploiement et de leur financement. La mobilité doit continuer à être un secteur attractif, pour engager ses salariés actuels et en recruter de nouveaux. Car l’attractivité des talents est le principal défi. Mais en même temps, il est indispensable de sécuriser leur employabilité future et les assurer d’un avenir désirable. Au sein de Movin’on, nous ambitionnons de sensibiliser le public aux nouveaux emplois liés à la mobilité durable du futur et aux compétences nouvelles.

The Good : Comment les entreprises peuvent-elles identifier efficacement les compétences qu’elles doivent développer pour accompagner la transition vers une économie circulaire ?

David Puech : La plupart de nos entreprises en savent déjà beaucoup sur les compétences dont elles auront besoin aujourd’hui et à l’avenir. Beaucoup ont créé leurs propres académies de formation pour répondre à leurs besoins immédiats, ce qui est également le cas dans notre groupe, qui contribue à due proportion deux fois plus que n’importe quel autre secteur au financement de la formation professionnelle. La clé est l’anticipation pour défendre le capital humain.

Il s’agit de créer des communauté , à l’instar de Movin On, à favoriser les échanges entre les services d’innovation, qui comprennent les objectifs, et les services des ressources humaines, qui connaissent les collaborateurs et savent accompagner leur montée en compétence et leur reconversion. La question n’est pas seulement de savoir quelles sont les compétences et comment les acquérir. Il s’agit également de savoir quand ces compétences seront requises, où, combien de personnes nous impliquerons et combien nous pouvons nous permettre d’investir !

The Good : L’un des défis est de créer des ponts entre les entreprises et le secteur académique. Selon vous, quelles initiatives concrètes pourraient renforcer ce lien et garantir une formation de haute qualité dans les compétences du futur ?

David Puech : La connexion entre le secteur universitaire et les entreprises est cruciale. Cela fonctionne bien, surtout au niveau local. Les initiatives locales sont souvent les plus efficaces car elles répondent directement aux besoins du terrain. Il faut créer des ponts entre les académies d’entreprise, je pense notamment à Akkodis Talent sur notre activité technologique, – les voir créer le même contenu, chacune dans son coin. Certains contenus peuvent être partagés. Cela permettra de développer des programmes de formation plus rapidement. Et en retour, les académies d’entreprise fourniront au secteur de l’éducation des programmes haut de gamme. Soulignons davantage d’initiatives locales comme les parcours de formation des salariés des gigafactories ont été organisés en un temps record dans le Nord de la France. Citons l’accompagnement des transitions de carrière au travers de notre activité LHH chez Stellantis vers l’usine du fabricant de batteries ACC.

The Good : Comment cette évolution des compétences peut-elle stimuler la création d’emplois qualifiés dans les bassins industriels européens ?

David Puech : Nous pensons que l’idée d’un véhicule « 100 % recyclé » suscitera la création de filières dédiées. Cela répond aux enjeux de réindustrialisation, de souveraineté et de délocalisation des activités, tout en favorisant le dynamisme régional. Ce qui ressort du recyclage et de l’économie circulaire, c’est que nous possédons déjà les compétences (aussi bien en amont qu’en aval du secteur automobile) : les bases, les compétences sous-jacentes nécessaires pour atteindre les compétences ciblées. Ces activités n’ont de sens que si elles restent locales, à proximité des nouvelles usines. Nous avons des acteurs majeurs qui nouent des partenariats forts, notamment avec les constructeurs automobiles !

The Good : Pouvez-vous nous faire part de votre retour d’expérience en 2024 sur les progrès réalisés par votre groupe de travail Movin’On?

David Puech : Notre communauté vient de naître, et le chemin semble encore long.

Nous avons commencé à construire une plateforme de discussion intersectorielle favorisant les échanges et l’innovation sur le thème des emplois de la mobilité du futur. Nous sommes aussi en train de créer un « Talent Solution Playbook », un guide des solutions intersectorielles visant à aligner les prévisions de mobilité des talents sur les objectifs à long terme et la compétitivité.

Les membres de mon groupe de travail Movin’On s’inscrivent dans le Contrat Stratégique de Filière en France, signé par la PFA et plusieurs ministères. Cette initiative devrait s’étendre à tous les pays européens et à l’ensemble de la chaîne de valeur de la mobilité. Cela inclut tous les modes de transport de passagers et de marchandises, les fabricants d’équipements, les services, les banques, les compagnies d’assurance, les fournisseurs d’énergie, les fournisseurs de technologies, les opérateurs de télécommunications et les infrastructures.

Pour passer de la réflexion à l’action, nous engageons des actions concrètes, notamment un programme commun pour sensibiliser nos collaborateurs et le grand public aux métiers et compétences nécessaires à la mobilité durable de demain pour une culture d’apprentissage tout au long de la vie dans notre industrie.

De manière encore plus ambitieuse et à plus long terme, , pourquoi ne pas imaginer la Movin’on Academy ? Elle pourrait fédérer nos meilleurs programmes de formation pour l’avenir de la mobilité durable et en créer de nouveaux.

Nous avons également prévu de travailler concrètement sur les compétences nécessaires dans la chaîne de valeur de l’économie circulaire, concrètement sur les nouveaux emplois créés et sur la manière dont nous perfectionnerons nos collaborateurs.

En tant que leader du marché du travail, cela me semblait incontournable que notre groupe puisse rejoindre rapidement cette initiative pleine de promesses.

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