16/10/2023

Temps de lecture : 5 min

« L’action collective est la seule voie possible », Sibylle Scherer (Moët&Chandon)

(contenu abonné) La région Champagne doit dorénavant relever un double défi : construire un avenir plus durable et maintenir la qualité de ses produits tout en préservant l’écosystème menacé par le réchauffement climatique. Au cœur de ce territoire, la Maison Moët&Chandon souhaite...

(contenu abonné) La région Champagne doit dorénavant relever un double défi : construire un avenir plus durable et maintenir la qualité de ses produits tout en préservant l’écosystème menacé par le réchauffement climatique. Au cœur de ce territoire, la Maison Moët&Chandon (filiale Moët Hennessy du groupe LVMH) souhaite accélérer ses actions pour une agriculture régénératrice et travailler collectivement avec ses parties prenantes pour protéger la Nature. Explications avec Sibylle Scherer, présidente de Moët&Chandon.

TheGood :  Pouvez-vous nous présenter le programme RSE de la Maison Moët&Chandon baptisé Natura Nostra ?

Sibylle Scherer : Plus qu’un programme RSE, Natura Nostra est l’étoile Polaire qui guide la réflexion, la stratégie et chacune des actions de la Maison. Tout d’abord, Moët&Chandon s’est engagé dans un vaste plan de décarbonation dont l’ambition est de réduire son empreinte de 50% d’ici 2030 par rapport à 2018, en agissant à tous les niveaux. La Maison a déjà initié des actions décisives : en 2010, elle a réduit le poids de ses bouteilles, économisant l’équivalent de 18 000 tCO2 sur 12 ans. Nous avons également développé des solutions de transport alternatives et respectueuses de l’environnement : l’utilisation des voies fluviales et ferroviaires, le transport des vins clairs par camions utilisant du biodiesel provenant d’huile de colza 100% biodégradable.

Pour réduire davantage son impact environnemental, la Maison continue d’étudier les caractéristiques techniques de la bouteille, ses techniques de recyclage et vise à la constitution d’une flotte de camions fonctionnant au bioGNV. Par ailleurs, l’emballage éco-conçu est un pilier à part entière du programme Natura Nostra. Chaque projet d’emballage est analysé à l’aide de l’outil eQopack afin de mesurer les émissions de carbone, la consommation de ressources naturelles, la consommation d’eau, l’écotoxicité de l’eau et l’empreinte matière. Moët&Chandon a ainsi repensé sa boîte en carton Grand Vintage en 2016 pour optimiser les matériaux et économiser près de 1350 tCO2, soit l’équivalent de 6000 arbres.

TheGood : Pouvez-vous nous détailler votre programme d’agroécologie à grande échelle ?

Sibylle Scherer : Notre programme d’agroécologie à grande échelle repose sur deux piliers. Le premier pilier comprend la création de 100 kilomètres de corridors écologiques pour relier les écosystèmes existants. En 2022, 10 km de corridors écologiques ont été plantés. Entre 2023 et 2027, la Maison s’engage à étendre son action et viser la création de 90 km de corridors écologiques supplémentaires avec le soutien de ses partenaires vignerons, des collectivités locales et des agriculteurs. Le second pilier est l’accélération de l’agriculture régénératrice pour nos sols vivants. L’objectif est de régénérer les sols avec : l’éco-pâturage dans les vignobles en forte pente (100 hectares, 220 moutons), le repos du sol avec des jachères mellifères (30 hectares), la fauche différenciée sur les talus, et un couvert végétal dans les vignes (55 hectares).

TheGood : Comment mobilisez-vous vos parties prenantes et notamment vos collaborateurs autour de vos objectifs RSE ?

Sibylle Scherer : La Maison Moët&Chandon est convaincue que la clé du succès de Natura Nostra réside dans une approche collaborative : de l’implication des employés dans toutes les initiatives au développement d’un étroit partenariat avec notre communauté. La restauration de l’équilibre écologique ne peut être atteinte individuellement, l’action collective est la seule voie possible. Aussi, la Maison a mis en place une équipe de sept personnes pour aider ses 2350 vignerons et coopératives de vignerons à obtenir une certification individuelle en matière de viticulture durable. Par ailleurs, nous proposons à nos collaborateurs et leurs familles d’explorer la richesse de la biodiversité de la région Champagne au Fort Chabrol (classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco) via l’observation des oiseaux et des ateliers éducatifs de construction de nichoirs pour hirondelles.

D’ailleurs, Natura Nostra est né le 25 novembre 2021, date à laquelle 100 collaborateurs ont planté 1743 arbres (érable champêtre, tilleul, orme, pommier et sureau) à Fort Chabrol, élaborant des corridors verts, véritables points de repère aux espèces volantes, d’abri et de couverture aux espèces terrestres et de source de nourriture pour tous. Le 17 novembre 2022, 100 collaborateurs volontaires ont renouvelé l’expérience en plantant 1,2 km de haie d’un seul tenant ainsi que des rosiers pour embellir le paysage sur le site de Romont. Depuis 2023, la Maison Moët&Chandon s’efforce d’impliquer un maximum de partenaires dans la création des corridors écologiques, notamment des vignerons, des villes, des collectivités locales et des grands acteurs agricoles.

TheGood : En quoi Romont est-il le symbole et la vitrine des engagements de Moët&Chandon pour la biodiversité ?

Sibylle Scherer : C’est à Romont que nous avons installé en 2008 un centre de pressurage ultra moderne certifié Haute qualité environnementale ainsi qu’un parc classé de 16 hectares dans lequel la Maison Moët&Chandon a mené plusieurs initiatives en faveur de l’agriculture régénératrice telles que : la gestion différenciée des espaces verts, la création d’une haie benjes de 16 mètres, la mise en place d’une prairie mellifère avec des ruches, le lancement de l’éco-pâturage avec, en 2022, la présence de 20 moutons sur 8 hectares.

La Maison veut aller plus loin et travaille à la création de clairières pour apporter davantage de lumière dans le bois et ainsi favoriser la croissance d’espèces d’arbustives et buissonnantes, permettant à d’autres types d’oiseaux de venir nidifier. Nous travaillons aussi sur la perméabilité des clôtures afin de faciliter le passage des petits mammifères dans le bois comme des écureuils, renards et hérissons. Enfin, nous luttons activement contre le retrait d’espèces végétales exotiques envahissantes et nuisibles à la biodiversité comme l’ailante.

TheGood : Moët&Chandon possède 70 ruches, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Sibylle Scherer : Oui, près de 70 ruches sont réparties sur les domaines Moët&Chandon dans la Marne, l’Aisne et l’Aube. La Maison dispose de 380 hectares dédiés à la biodiversité (au-delà de ses 1280 hectares de vignes), que des collaborateurs passionnés ont ouverts aux abeilles et autres pollinisateurs il y a 15 ans à Gyé-sur-Seine dans l’Aube. Or même si le développement de la vigne ne dépend pas des pollinisateurs, le vignoble est attractif pour les abeilles qui pollinisent dans les rangs enherbés et la flore présente sur les contours des parcelles.

En 2017, nous avons initié un partenariat avec l’association Réseau Biodiversité pour les Abeilles (RBA) afin d’identifier et de cartographier les lieux où les pollinisateurs sauvages et domestiques ainsi que la flore sont présents tout au long de l’année. L’association mène cette étude depuis quatre ans dans le secteur de Cramant, près du Château de Saran à Epernay avec pour objectif d’évaluer le potentiel en nectar et en pollen, d’étudier la compétition entre abeilles sauvages et domestiques, et de créer un inventaire des espèces pollinisatrices.

TheGood : Moët&Chandon travaille aussi pour recenser les espèces et cépages ?

Sibylle Scherer : Oui, depuis 2019, Moët&Chandon mène un ensemble de projets autour du matériel végétal et met en place un conservatoire de la biodiversité des cépages plantés avant 1970. Nous étions à 900 sélections la première année de prospection, puis nous avons réussi à rassembler 2000 sélections en 2023 (1800 sélections issues de nos cépages traditionnels comme, le chardonnay, le pinot noir et le meunier, et 200 déclinaisons de cépages oubliés tels que le pinot gris ou le petit Meslier). L’objectif est d’atteindre plus de 18 000 plants de vigne. Cette véritable bibliothèque vivante à transmettre aux générations futures offre un panel de solutions pour adapter les pratiques viticoles de la Maison au changement climatique.

Par ailleurs, la Maison a sollicité l’expertise de naturalistes indépendants pour dresser un inventaire de la biodiversité dans et autour de ses domaines. D’ici cinq ans, nous allons réaliser un nouvel inventaire de la biodiversité pour analyser l’évolution des espèces, mesurer précisément l’impact de ces actions et ainsi définir les axes d’amélioration.

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