Le Danemark s’est engagé à réduire de 70% ses émissions de CO2 d’ici 2030 en comparaison à 1990. Un engagement fort incarné par le méga-projet VindØ qui vise à accélérer fortement la transition énergétique du royaume. Une idée réaliste et pertinente selon le spécialiste en énergies renouvelables Marc Jedliczka. Coup d’œil sur cette audacieuse initiative.
Pionnier de la transition énergétique et laboratoire d’expérimentation hors du commun, le Danemark promet une l’île artificielle dès 2026 en mer du Nord. Un pôle énergétique de 120 000m² à 80 km des côtes doté de 200 éoliennes offshore – 600 à terme – capables de fournir 3 GW, soit les besoins en électricité d’un million de foyers. Une quantité importante au regard de la taille de la population danoise – 6 millions d’habitants – et des 300 GW d’énergie renouvelable que l’Europe – 750 millions d’habitants – s’est engagée à produire d’ici 2050. « Nous espérons que le projet aura une plus grande influence encore, en inspirant d’autres », a déclaré le ministre danois du Climat Dan Jørgensen.
« Les premières éoliennes danoises datent du XIXème siècle »
Si le projet VindØ vous rappelle les îles artificielles saoudiennes, l’énergie renouvelable en plus, détrompez-vous. La création d’une ile ex nihilo ne serait pas si coûteuse en ressources et en carbone. Marc Jedliczka, porte-parole à négaWatt, association française œuvrant pour la décarbonation de l’économie, insiste sur le savoir-faire du Danemark. « Les danois vivent dans la mer et possèdent de nombreuses îles au large de leurs côtes. Ils sont habitués à l’aménagement insulaire et connaissent bien les travaux marins ». Connaisseur du pays, le porte-parole de négaWatt détaille l’histoire énergétique du pays. « Le Danemark est un petit pays de 6 millions d’habitants, l’équivalent des Hauts-de-France. Mais c’est aussi un gros producteur d’énergie européen, à la fois gaz et pétrole, mais aussi d’énergies renouvelables. Les éoliennes danoises datent du XIXème siècle, et leur développement entre aujourd’hui en phase industrielle ». Une expansion qui a un coût : 28 milliards pour l’île énergétique. « C’est un coût acceptable quand on regarde celui du réacteur EPR de Flamanville dont la facture culmine à 19 milliards et dont le retard s’accroît sans cesse ».
« On ne dispose d’aucune éolienne offshore française »
Les éoliennes offshore de VindØ présentent plusieurs avantages. Parmi eux, le facteur de charge doublé face à leurs homologues terrestres. « En mer, les vents sont plus constants et puissants, ce qui rend l’offshore plus rentable. Sur 8 760 heures, soit la durée d’une année, une éolienne marine tourne entre 4000 et 6 000 h d’équivalent pleine puissance, quand l’éolienne terrestre oscille entre 2 000 et 3 600 h » souligne le spécialiste en énergies renouvelables. Les machines accumulent également mieux l’énergie, et l’infrastructure ne gène personne. À la question de savoir pourquoi la France n’investit pas dans l’éolien marin, Marc Jedliczka sourit. « Les difficultés administratives françaises sont nombreuses. L’État s’est emmêlé les pinceaux sur des questions de responsabilité et d’autorisation de sorte qu’on ne dispose d’aucune éolienne offshore française. Alors qu’en Angleterre ou en Belgique, les projets avancent bien ».
« Une éolienne ne met que quelques semaines à rembourser sa dette énergétique »
En matière d’installation et de réparation, le caractère insulaire du projet facilite les interventions. « La maintenance, souvent coûteuse, peut être organisée depuis l’île. Il faut garder à l’esprit qu’une éolienne ne met que quelques semaines, au pire quelques mois, à rembourser sa dette énergétique, c’est-à-dire le coût en énergie de sa construction et son installation ». En matière d’impact sur la biodiversité, l’impact des parcs éoliens offshore est limité. « Le problème principal touche aux blocs de béton sous-marins qui perturbent la faune marine. Ils sont aujourd’hui conçus pour servir de frayage aux poissons » précise Marc Jedliczka. Pour éviter cette problématique, des éoliennes flottantes existent. « L’éolien flottant se développe aussi car il permet une maintenance facile. Les turbines, installées sur des barges, permettent de ramener à terre la structure pour toute intervention ». Au-delà de la réparabilité des machines, l’ile énergétique sera également une plateforme de mutualisation des moyens. « L’ile des Danois sera un hub électrique, ce qui signifie qu’on tire un câble des côtes danoises pour l’innerver aux parcs éoliens voisins. On mutualise les moyens pour raccorder la production énergétique du pays voire celle des voisins ».
« L’hydroélectricité française n’a plus de place pour se développer »
Star de la presse, l’éolien occulte souvent son voisin hydrolien. « En France, on parle peu d’hydroélectricité alors que c’est l’énergie la moins chère et qu’elle représente 10% de notre électricité nationale ». Ironie de l’histoire, c’est le vent qui profite de la couverture médiatique. Cela dit, l’hydroélectricité française n’a plus de place pour se développer, la plupart des barrages étant déjà équipés. « Si on équipe nos fleuves en turbine hydraulique, l’impact sur la biodiversité serait trop important. Tandis qu’en mer, la marée et les courants rendent le dispositif trop couteux ». La viabilité d’une énergie renouvelable dépend donc de l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Selon la géographie et le climat, l’éolien, le solaire ou l’hydrolien peuvent présenter des avantages comparatifs considérables. Il ne s’agirait donc pas de stigmatiser certaines énergies renouvelables et d’en diaboliser d’autres, mais de les envisager de façon complémentaire afin de répondre à l’urgence climatique qui vient.