L’Europe s’est fixée des engagements ambitieux en matière de durabilité : en 2030, des objectifs climatiques alignés sur l’accord de Paris et, en 2050, la neutralité carbone affichée dans son Pacte vert. Dans ce cadre, elle a élaboré un plan d’action pour une finance durable. Décryptage.
De quoi parle-t-on ?
Le règlement UE 2020/852 « Taxonomie », adopté en juin 2020, constitue une pièce maîtresse du plan européen pour financer une croissance durable. Son objectif est double : inciter les acteurs économiques à identifier leur positionnement par rapport au cadre de transition durable de l’UE et, se faisant, permettre aux acteurs financiers d’orienter l’allocation de financements aux projets et actifs reconnus comme étant les plus contributifs aux objectifs définis.
Pour cela, le règlement crée une classification des activités économiques en fonction de leur potentiel de contribution aux six objectifs environnementaux de l’UE : atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, protection et utilisation durable des ressources hydriques et marines, transition vers une économie circulaire, prévention et contrôle de la pollution, protection et restauration de la biodiversité des écosystèmes ; ensuite, il impose aux entreprises d’identifier au sein de leur portefeuille d’activités celles qui correspondent à cette classification et d’indiquer la part qu’elles représentent dans leur activité globale.
Qui est concerné ?
En France, à l’heure actuelle, la Taxonomie concerne les Entités d’Intérêt Public (EIP) d’au moins 500 salariés et de 20 M€ de bilan ou 40 M€ de chiffre d’affaires. Son périmètre s’appuyant sur celui de la NFRD (Non Financial Reporting Directive), son élargissement à toutes les entreprises cotées, plus les « grandes » entreprises non cotées, est probable lorsqu’elle sera remplacée en 2024 par la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
Comment fonctionne la Taxonomie ?
La Taxonomie repose sur une démarche en trois temps :
- Analyse d’éligibilité
Seules sont « éligibles » les activités explicitement listées par la Taxonomie. Aujourd’hui, il y en a environ 80 rattachées à 13 macro-secteurs sélectionnés qui représentent plus de 90% des émissions de gaz à effet de serre. L’analyse d’éligibilité consiste à comparer les activités de l’entreprise à la description donnée par la Taxonomie des activités dites « éligibles ».
- Analyse d’alignement
Les activités éligibles sont dites « alignées » à la Taxonomie lorsqu’elles satisfont à trois exigences :
• Contribuer substantiellement à au moins un des six objectifs environnementaux sur la base de critères techniques scientifiques détaillés par la norme, activité par activité ;
• Ne pas causer de préjudice important à un autre des six objectifs environnementaux, selon des critères prévus par la norme ;
• Respecter des garanties minimales de respect des droits de l’Homme, régies par les principes directeurs de l’OCDE, l’ONU et l’OIT.
- Analyse de contribution
Une fois que les activités « alignées » ont été identifiées, l’entreprise doit savoir calculer et publier la part qu’elles représentent dans son activité globale, traduisant ainsi son niveau d’alignement à la trajectoire de transition de l’UE.
Quelles sont les informations qu’une entreprise doit publier ?
L’évaluation du niveau d’alignement à la trajectoire de transition européenne passe par la publication d’indicateurs financiers qui diffèrent selon que l’entreprise est un acteur du secteur financier ou non.
· Pour le secteur non-financier, les trois indicateurs attendus sont : la part du chiffre d’affaires découlant des activités « alignées » et la part des CAPEX et des OPEX relatives à celles-ci. Pour justifier les montants de CAPEX « alignés », l’entreprise doit être en mesure de présenter un plan d’investissement de transition validé par le Conseil d’administration, avec pour objectif d’étendre le périmètre des activités alignées à horizon 5 ans.
· Pour le secteur financier (gestionnaires d’actifs, établissements de crédit, sociétés d’investissement, compagnies d’assurance et de réassurance), l’indicateur principal est la part de leurs investissements / financements dans des activités alignées.
Quand l’entrée en vigueur est-elle prévue ?
L’entrée en application de ce texte s’effectue de manière progressive, les premiers indicateurs sur les activités éligibles sont néanmoins attendus dès les publications annuelles 2022 sur la base des données 2021.
Anne-Marie Jolys Bris est Directrice Exécutive du Cabinet Conseil et Audit BM&A.