Loin d’être l’apanage des skieurs et des touristes, le téléphérique est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs moyens d’épouser la géographie des villes sans dégrader l’environnement. Témoignage avec Victor Antonio, directeur des mobilités à Brest Métropole, première ville de France à déplacer 800 000 personnes dans les airs chaque année.
Téléphérique, télécabine, métrocâble, tramway aérien… On ne compte plus le nombre de mots employés pour parler des transports urbains par câble à travers le monde. De Medellín à New York en passant par Barcelone et Budapest, des métropoles du monde entier en sont déjà équipées. Avec des échelles de grandeur qui n’ont rien à envier à d’autres modes de transport. À La Paz en Bolivie par exemple, les cinq lignes de téléphérique sont empruntées quotidiennement par 160 000 passagers, desservant les banlieues de la capitale dissimulées sous un relief escarpé. À Medellín, le débit peut techniquement atteindre 6000 passagers par heure. Son nom, le Métrocâble, souligne d’ailleurs la rude concurrence qu’oppose graduellement les télécabines aériennes aux trains souterrains.
« Le câble accroît la qualité de vie des habitants et le rayonnement touristique »
En France, le retard en matière de transport câblé est en train de se réduire. Les traditionnelles télécabines de ski mises à part, de plus en plus de villes préparent d’ores et déjà la construction de transports câblés à des fins moins touristiques qu’urbaines. C’est le cas de Brest, première ville de France à disposer d’un téléphérique de ville à destination des citadins depuis 2016. Victor Antonio, directeur des mobilités chez Brest Métropole, souligne l’intérêt de transposer le câble touristique et montagnard à la ville. « On voulait démontrer que le téléphérique pouvait être envisagé comme un outil de transport public. Aujourd’hui, le câble accroît à la fois la qualité de vie des habitants et le rayonnement touristique de notre ville », souligne le responsable de la mission téléphérique de Brest. « À Medellín, La Paz et Caracas, les téléphériques transportent la population locale et désenclavent les banlieues. Ces exemples montrent que le téléphérique a toutes les chances de devenir une alternative sérieuse de mobilité en ville », précise Victor Antonio.
« Le téléphérique ne coûte pas cher et enjambe toutes les coupures urbaines et naturelles »
Le coût du téléphérique de Brest, c’est 19 millions d’euros pour deux stations qui franchissent le fleuve de Penfeld. « Ce faible coût s’explique par une infrastructure dans l’ensemble peu onéreuse, les stations et pylônes mises à part. Même chez nos voisins d’Ajaccio ou de Saint-Denis sur l’île de la Réunion, les projets ne dépassent pas les 40 millions d’euros. À l’inverse, les projets de tramway et surtout de métro peuvent vite monter à des centaines de millions d’euros », affirme Victor Antonio. Autre avantage du câble urbain et peut-être le plus remarquable de tous, sa capacité à se hisser au-dessus de la géographie parfois teigneuse des villes. «Le téléphérique permet d’enjamber toute forme de coupure urbaine et naturelle, que ce soit une autoroute, une ligne à haute tension, un lac, un fleuve… Cela permet d’éviter la construction d’un pont ou d’un viaduc, des œuvres d’art dont les frais sont colossaux». Ainsi, c’est moins le bas coût de l’installation qui peut convaincre, que son aptitude à enjamber intelligemment des coupures qui auraient nécessité des travaux herculéens. « Cela dit, s’il n’y a pas de difficulté de franchissement, le téléphérique n’est pas toujours pertinent car d’autres solutions moins coûteuses comme le bus existent », souligne le directeur des mobilités de Brest.
« À Toulouse, le téléphérique devrait sortir de terre pour l’été 2021 »
Pour l’instant, la ville de Brest n’envisage pas de construire une seconde ligne. « Notre téléphérique n’est pas extensible. On a des idées un peu partout pour épaissir le réseau, mais on attend que d’autres villes s’emparent du sujet ». À Toulouse, le projet semble bien avancé. « Il devrait sortir de terre pour l’été 2021, ce qui en ferait le second téléphérique urbain de France », explique Victor Antonio. « À Grenoble, le métrocâble est en cours d’étude. À Villeneuve-Saint-Georges – au sud de Paris – l’enquête publique va bientôt être lancée. Idem à la Réunion et à Ajaccio. C’est très encourageant ». À Orléans en revanche, le projet a été abandonné dû à un changement de municipalité. Malgré tout, les projets fleurissent un peu partout dans l’hexagone.
« On consomme de l’électricité sur seulement 30% du voyage »
En matière d’écologie, le téléphérique est également un bon élève. La technologie est peu énergivore car 100% électrique. Elle évite aussi une trop grande artificialisation des sols. « Notre téléphérique ne consomme quasiment pas d’électricité car il est relativement plat. On consomme de l’électricité sur seulement 30% du voyage grâce à un système de récupération d’énergie », affirme le directeur mobilité de Brest. Autre avantage : le sol ne souffre pas d’un excès de bétonisation. « Le téléphérique ne bétonne les sols qu’au niveau des quelques pylônes. En plus les cabines sont peu bruyantes, évitant toute pollution sonore ». Cela dit, par sa visibilité dans le paysage urbain, le téléphérique nécessite une adaptation de la part des habitants. Le câble urbain sera-t-il à la ville ce que les éoliennes sont à la campagne ? À cette question, Victor Antonio répond qu’il suffit « de prendre le téléphérique pour réaliser la vue fantastique et unique qu’il offre sur la ville ».