03/07/2023

Temps de lecture : 3 min

« L’économie symbiotique régénère ses ressources », Isabelle Delannoy (DO Green)

(contenu abonné) En finir avec l’économie linéaire et extractive au profit d’une économie symbiotique, qui est globale et régénératrice : c’est ce que défend l’ingénieure en agriculture Isabelle Delannoy. Et chaque entreprise peut se l’approprier sur la base, dans un premier temps, d’expérimentations. Changer des modèles, oui, mais pas n’importe comment...

(contenu abonné) En finir avec l’économie linéaire et extractive au profit d’une économie symbiotique, qui est globale et régénératrice : c’est ce que défend l’ingénieure en agriculture Isabelle Delannoy. Et chaque entreprise peut se l’approprier sur la base, dans un premier temps, d’expérimentations. Changer des modèles, oui, mais pas n’importe comment.

The Good : Sur la scène de l’Usi (Unexpected sources of inspiration) le lundi 26 juin 2023, vous avez présenté votre approche de l’économie symbiotique. Quelle est-elle ?  

Isabelle Delannoy : L’économie symbiotique, c’est d’abord une économie qui régénère la fertilité du milieu dont elle dépend. Elle régénère ses ressources, qu’elles soient écologiques, vivantes, technologiques ou sociales. L’économie symbiotique est globale, complète. Et elle peut remplacer l’économie existante.

Avec des systèmes économiques régénératifs, nous allons vers la possibilité d’une économie qui contribue aux équilibres planétaires plus qu’elle ne les détruit. Il n’est toutefois pas question de régénération en silo, avec par exemple du vivant d’un côté, de la technologie de l’autre et du social d’autre part : ce serait une erreur car ces modèles régénératifs sont totalement complémentaires et entrent en synergie. Ensemble, ils produisent plus de choses que séparément.

The Good : Est-ce une autre manière de penser l’économie ?

Isabelle Delannoy : C’est surtout, pour une entreprise, la possibilité de penser ses modèles économiques autrement et de favoriser des modèles productifs qui permettent de regénérer les ressources. Par exemple, les modèles productifs liés au vivant comme l’agroécologie, l’agroforesterie ou l’urbanisme écologique installent des écosystèmes vivants pour produire : ils s’affranchissent à terme de devoir apporter de l’engrais, de l’eau, des pesticides… Ils deviennent plus résilients aux problèmes climatiques que nous connaissons de plus en plus.

Dans l’industrie, il s’agit de penser ‘écoconception’, ‘interopérable’, ‘modulaire’ pour notamment récupérer les composants et pouvoir les réutiliser. Dans ce cas, changer le modèle économique permet de fermer la boucle entre le consommateur et le producteur. En s’orientant vers le zéro extraction et le zéro déchet, l’industrie sécurise ainsi son accès à la matière première. Elle devient plus résistante aux soubresauts du marché. Prenons l’exemple d’une entreprise qui propose de la location de scooters électriques, et non la vente de tels produits. En démontant ses machines pour en récupérer les composants, elle est indépendante à 78 % de l’inflation. Et en produisant en France pour le marché français, elle s’assure d’être rentable. Si elle commence à avoir de l’essaimage à l’étranger, elle produira là où ses scooters sont utilisés car c’est une question de rentabilité.

The Good : S’agit-il aussi de repenser le rôle de l’humain au cœur des entreprises ?

Isabelle Delannoy : Dans l’économie symbiotique, l’humain devient positif pour le vivant et pour la société. Une économie extractive se fait au dépend des écosystèmes vivants, sociaux. Une économie régénérative offre une autre vision de l’humain car l’activité humaine peut alors contribuer aux équilibres planétaires. Notre technologie n’est plus là pour dominer le vivant mais pour « empuissanter » le vivant, la société, pour aider l’individu à épanouir ses capacités. C’est un renversement profond.

The Good : Comment les entreprises peuvent-elles appliquer ces principes ?

Isabelle Delannoy : Tout est accessible dès à présent, sur la base notamment d’expérimentations. Changer son modèle d’un coup, c’est extrêmement dangereux car il y a une telle rupture culturelle ! Il faut le faire accepter aux collaborateurs, aux partenaires, aux clients, etc. Il faut apprendre des postures et communiquer ce nouveau regard, pour que toutes les parties prenantes l’intègrent dans leur métier.

Accepter d’expérimenter c’est se dire qu’il y a d’autres règles économiques possibles et que nous allons jouer avec ces règles-là. A l’entreprise d’imaginer ce qu’elle deviendra quand elle pense production d’impact positif, plutôt de réduction d’impact négatif ; potentiel plutôt que résolution des problèmes ; pragmatique plutôt qu’idéologique. A partir de ce que l’entreprise produit et de ce pourquoi les clients font appel à elle, comment peut-elle changer ses modèles techniques et productifs ? Quelles pratiques sociales mettre en place ? Qui sont les parties prenantes qui seront concernées ? Et surtout, comment la mission de l’entreprise et sa raison d’être articuleront tout son écosystème ? Tout cela, ce n’est pas un process que l’on applique : c’est une culture d’entreprise que l’on doit changer. Il faut pour cela prendre des personnes motivées et qui pourront, au fur et à mesure, penser autrement la production de valeur ainsi que les métiers de l’entreprise. Et à l’entreprise ensuite de devenir elle-même ambassadrice

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