15/03/2021

Temps de lecture : 3 min

« L’emploi vert » : ultime remède à un monde (du travail) en crise ?

Combattre le chômage de masse par la reconstruction écologique et les besoins locaux des territoires. Un changement de vision dans la politique de l’emploi que nous détaille Chloé Ridel, directrice adjointe de l’Institut Rousseau, think-tank co-auteur de la campagne “un emploi vert pour tous”.

Combattre le chômage de masse par la reconstruction écologique et les besoins locaux des territoires. Un changement de vision dans la politique de l’emploi que nous détaille Chloé Ridel, directrice adjointe de l’Institut Rousseau, think-tank co-auteur de la campagne “un emploi vert pour tous”.

La France compte 3,8 millions de personnes sans emploi, et 2,2 millions de personnes en situation d’emploi précaire (intérim, temps partiel). Avec la pandémie, la situation s’aggrave : 35 000 licenciements ont été annoncés entre septembre et décembre 2020. Un million de personnes pourrait se retrouver au chômage d’ici la fin du premier semestre 2021. Un constat alarmant qui a mené les laboratoires d’idées Hémisphère Gauche et Institut Rousseau à lancer la campagne Un emploi vert pour tous. Leur objectif, changer le regard fataliste sur le chômage de masse avec une idée neuve : la garantie à un emploi vert. En partant du constat que personne n’est inemployable et que de nombreux besoins de la société ne sont pas satisfaits, les deux think-tanks proposent que les dépenses sociales du chômage soient converties en salaires pour nouveaux arrivants. « Le chômage coûte très cher, que ce soit en matière d’aides sociales, de coût psychosocial ou d’incidence macroéconomique. Son coût purement économique est évalué à 36 milliards d’euros chaque année en France. Pour le même prix, on peut financer des emplois au SMIC en convertissant les allocations sociales et les minima sociaux en salaire » explique Chloé Ridel, directrice adjointe de l’Institut Rousseau.

Une revalorisation du droit à l’emploi

Corollaire de cette bascule économique, les deux instituts placent la garantie de l’emploi au cœur de leur proposition. « Le droit à l’emploi à valeur constitutionnel, mais il a été interprété comme une seule obligation de moyen. Sans exiger une obligation de résultat qui serait intenable, il faut que l’État développe une dynamique volontariste » souligne Chloé Ridel. Les arbitrages entre droit à l’emploi et les autres formes de liberté sont souvent difficiles. La liberté d’entreprendre est souvent privilégiée, comme le montre une étude commandée par l’ONG Les Amis de la Terre qui révèle que le e-commerce détruit 80 000 emplois de plus qu’il en crée en France. Le tout sans conciliation de la justice ou de l’État qui n’agit pas comme un « employeur en dernier ressort ». Les politiques de lutte contre le chômage se sont quant à elles révélées peu efficaces. D’une part, les politiques dites passives qui atténuent les effets du chômage par l’indemnisation et la retraite anticipée se sont révélées insuffisantes. D’autre part, les politiques dites actives destinées à créer et sauver des emplois par la réduction du temps de travail à 35h et les baisses de cotisation ont coûté trop cher par rapport aux emplois créés.

Une inspiration du « territoires zéro chômeur longue durée »

Depuis 2017, dix micro-territoires français entre 5000 et 10 000 habitants expérimentent le dispositif Territoires zéro chômeur longue durée. Ce n’est plus le chômeur qui postule à pléthore d’offres, ce sont les acteurs du territoire (collectivités, employeurs, syndicats, missions locales) qui sillonnent les besoins en amont. « Les comités locaux de l’emploi, les membres de Pôle emploi et de l’association territoire zéro chômeur déterminent dans un premier temps quelle est la demande dans des territoires désindustrialisés où il n’y a plus de commerce. Il s’agit de repérer les activités utiles et de sonder leurs besoins » détaille la directrice adjointe de l’Institut Rousseau. En parallèle, le dispositif « repère les chômeurs de longue durée et identifie leurs savoir-faire afin de faciliter leur réinsertion ». Fin 2020, la méthode a été étendue à 50 nouveaux micro-territoires. « Ça a été voté à l’unanimité des députés. Maintenant il y a plus de 150 micro-territoires qui proposent de participer ».

Une politique locale peu onéreuse

Au total, 6700 petits bassins français pourraient être couverts d’ici 2027 avec à la clef 650 000 emplois. Le coût serait dix fois moins élevé que celui du CICE, soit 20 000 euros par personne et par an contre 280 000 euros pour le crédit d’impôt aux entreprises. « Pour lutter contre le chômage, non seulement les politiques de baisse du coût du travail n’ont pas été efficaces, mais les méthodes type CICE et contrats aidés ne permettent pas de créer des emplois autant qu’il en faudrait ». Un avantage économique, mais aussi écologique. Les métiers proposés s’adaptent à l’urgence climatique, du garde forestier au réparateur, du composteur à l’agriculteur. « Les emplois verts appartiennent évidemment à l’agriculture biologique, à l’économie circulaire, mais aussi aux emplois dits verdissants, c’est-à-dire des entreprises qui s’engagent dans la décarbonation de leurs activités économiques, que ce soit dans le transport ou la finance ». Une vision pragmatique de la transition énergétique. Le dispositif des emplois verts est par ailleurs expérimenté à l’étranger. « En Autriche, des économistes d’Oxford proposent pendant trois ans à trois cents personnes de bénéficier d’une garantie de l’emploi afin de les faire sortir de situations difficiles. Aux États-Unis, c’est l’idée d’un employeur en dernier ressort qui est en train de monter. C’était une idée de campagne de Bernie Sanders » remarque Chloé Ridel. Signe que dans un contexte de crise sanitaire où l’emploi est friable, les pays prennent conscience de l’enjeu économique, mais surtout psychosocial du chômage de longue durée.

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